Le Nigeria se coupe du Bénin


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Depuis samedi dernier, la frontière bénino-nigériane est totalement fermée dans les deux sens. Cette décision, prise unilatéralement par Abuja, succède aux accusations faites au gouvernement béninois de ne rien tenter pour sécuriser la frontière. Lors du sommet de Maputo en juillet, le Bénin avait pourtant promis des mesures pour contrer les trafics en tout genre et l’insécurité croissante dans cette zone.

Le Nigeria a fermé sa frontière avec le Bénin, samedi dernier, sans préavis. Un mois déjà que Mathieu Kérékou, le Président du béninois, a promis des mesures contre les trafics illicites endémiques, lors du sommet de Maputo. Le commerce par voie de terre entre les deux pays est très intense, notamment entre Lagos et Cotonou, deux villes proches géographiquement. Mais le flux de marchandises cache aussi des trafics d’enfants et de voitures volées, très organisés et quotidiens.

C’est un fait divers qui aurait mis le feu aux poudres. Dernièrement, chez un receleur notoire de Cotonou, les autorités ont retrouvé des voitures volées au Nigeria, dont une appartenant à un homme proche du pouvoir. L’escroc à été relâché dès le lendemain, provoquant ainsi l’indignation du Nigérian, qui a alors proféré des menaces. Ce fait divers relate assez bien l’état d’esprit qui règne entre les deux pays : l’agacement nigérian et la passivité béninoise devant une situation qui se pérennise.

Situation de crise

L’arrêt du commerce transfrontalier qu’entraîne la fermeture de la frontière est dommageable pour les deux pays. Les voitures d’occasion, les produits congelés et les cosmétiques, qui font partie des marchandises transitant le plus à la frontière, restent bloqués. Les hommes d’affaires des deux côtés, surpris par cet événement soudain, sont en colère. Au Bénin, au marché de Dantopka de Cotonou, c’est la résignation. De fait, on constate surtout une affluence massive aux stations-essence, et, au marché noir, le prix de l’essence a presque triplé en quelques jours.

La frontière est aussi le lieu de passage d’un important trafic d’enfants venus notamment du Togo, promis à l’esclavage au Nigeria. Les passeurs n’ont qu’à décharger la « marchandise » avant le passage de la frontière pour la récupérer un peu plus loin, et ce, bien sûr, avec la complicité placide des garde-frontières. Quant à la sécurité, elle est largement mise en cause à cet endroit, car les transporteurs rapportent régulièrement avoir été rançonnés par des bandes armées.

Le blocage du passage entre les deux pays pourrait aussi favoriser un protectionnisme déguisé du côté nigérian. En effet, le mois dernier le gouvernement a interdit l’importation de sucre, de cahiers scolaires et d’enveloppes. Pourtant, ces produits sont toujours disponibles à Lagos ou à Abuja…

Taylor passera, passera pas ?

Enfin, une rumeur circule au sujet de ce verrouillage terrestre, en rapport avec l’exil imminent du Président libérien Charles Taylor pour le Nigeria. Ce dernier, s’il emprunte la voie de terre, risque de passer cette frontière. La fermeture aurait donc pour objet la sécurisation de la zone. D’autant plus que des protestataires à sa venue se sont fait entendre et ont proféré des menaces. Néanmoins, il est prévu que l’expatrié libérien survole cet endroit par avion.

Le non-respect des accords de libre-circulation des marchandises et des personnes devrait faire revenir à la raison le gouvernement nigérian. D’ailleurs, le Bénin se propose de dépêcher une mission officielle auprès du Président Obasanjo dès mardi afin de convenir d’une rencontre entre les deux chefs d’Etat. Le Nigeria, à cette heure, n’a toujours pas donné son feu vert.

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