Le mariage qui s’annonce entre le Maroc et la péninsule ibérique


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Les rois Don Felipe VI d'Espagne et Mohammed VI du Maroc
Les rois Don Felipe VI et Mohammed VI

Les Marocains ont beaucoup apprécié les rencontres de leur équipe nationale au Mondial du Qatar, surtout celles qui ont opposé le Maroc à l’Espagne et au Portugal. Ces deux spectacles footballistiques étaient très spéciaux pour tous les amateurs des Lions de l’Atlas qui voulaient certes prendre leur revanche après les résultats décevant du Mondial joué en Russie, mais aussi parce que toute compétition opposant le Maroc à l’Espagne ou au Portugal est un vrai “Derby”.

Le mot “Derby” n’est en réalité pas suffisant pour décrire les sentiments des supporters marocains et ibériques lors de ces compétitions puisque la relation du Maroc avec l’Espagne et le Portugal dépasse la géographie qui a décidé qu’ils soient voisins. L’économie et la politique de sécurité relient en vérité le destin du Maroc à celui de ses voisins du Nord. En plus, l’histoire rappelle la longue présence du Maroc à la péninsule ibérique et même la présence du Portugal et de l’Espagne sur le territoire marocain.

Le roi Mohammed VI a annoncé récemment que la candidature du Maroc à l’organisation de la Coupe du monde 2030 sera conjointe avec l’Espagne et le Portugal. Cela confirme que la relation du Maroc avec la péninsule ibérique passe par une vraie lune de miel qui réjouit toute l’Europe. Les statistiques économiques prouvent aussi cela puisque l’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc, avec 19 milliards d’euros d’échanges commerciaux. Le Portugal aussi a toujours hâte de profiter des opportunités de son voisinage Sud puisque ce pays compte investir près de 700 millions d’euros afin d’établir un câble électrique de 1000 mégawatts qui reliera, avant 2030, son réseau électrique directement à celui du Maroc.

Cela dit, il reste des dossiers difficiles qui risquent d’arrêter, à tout moment, ce nouveau mariage de l’Europe avec l’Afrique. On doit citer d’abord le dossier du séparatisme qui reste un tabou en Espagne comme au Maroc. En effet, l’Espagne et le Portugal se voient obligés de respecter la souveraineté du Maroc sur tout son territoire pour que le Maroc ne tende jamais la main aux séparatistes des pays européens. Le Maroc aimerait aussi négocier ses frontières maritimes avec l’Espagne pour pouvoir tirer profit de toutes les capacités de son territoire. Cependant, le dossier le plus difficile reste celui des deux enclaves que les Espagnols appellent “Ceuta” et “Melilla”.

Depuis l’indépendance, le peuple marocain n’a pas arrêté de revendiquer la souveraineté sur “Melilla” et sur la ville du “Cadi Ayyad” qu’ils appellent “Sebta”. Les Marocains mettent la pression sur chaque nouveau gouvernement pour trouver une solution à la présence espagnole dans ces deux enclaves, car ils la jugent humiliante. Le voisin ibérique voit, toutefois, que la présence espagnole dans ces deux enclaves est historique et ne relève pas de l’époque coloniale. L’Espagne connaît néanmoins très bien l’amertume que ressentent les Marocains puisqu’elle est similaire aux ressentiments espagnols concernant Gibraltar.

A travers son ancien chef de la diplomatie, Alfonso Dastis, l’Espagne avait proposé à nouveau à la Grande Bretagne la souveraineté partagée de Gibraltar après le Brexit malgré le rejet de cette offre en 2002. Cependant, l’Espagne a oublié que le Maroc a lui aussi le droit de revendiquer la souveraineté partagée de Gibraltar puisque les Marocains sont ancrés historiquement dans toute l’Andalousie.

Si l’Espagne demande l’abrogation des accords datant du XVIIIe siècle concernant Gibraltar, le Maroc a lui aussi le droit de demander l’abrogation des accords de la Reconquista datant du XVe siècle et des guerres qui l’ont suivi pour pouvoir jouir à nouveau de la souveraineté sur “Ceuta” et “Melilla” et même sur des enclaves dans la péninsule ibérique comme Gibraltar.

Beaucoup de peuples reprochent encore à plusieurs pays de l’Europe leur présence dans des territoires de l’Outre-mer, mais la voix de ces nations reste faible au sein du conseil de sécurité des Nations Unies. Ce qui augmente le sentiment d’injustice dans beaucoup de régions du monde. Le vrai problème, c’est que ces peuples peuvent à tout moment être manipulés, durant la guerre froide mondiale actuelle, par d’autres puissances d’une manière qui ne plaira pas du tout à l’Occident.

Le Maroc reste pragmatique et comprend qu’une grande partie du peuple espagnol ne veut laisser tomber aucun territoire d’Outre-mer. Et c’est la raison pour laquelle le gouvernement marocain pourrait jouer la carte du prochain tunnel qui reliera le Maroc à l’Espagne. Ce projet titanesque demandera la collaboration des deux pays et la mobilisation de plusieurs milliards d’euros pour qu’il soit réalisé. Ce projet risque toutefois d’affaiblir le contrôle européen du flux migratoire vers la péninsule ibérique et c’est là que le Maroc pourrait jouer sa carte. En effet, le Maroc serait prêt à céder plus de prérogatives concernant ce tunnel aux espagnols s’ils acceptent de céder une partie de la souveraineté sur “Ceuta” et “Melilla” aux Marocains. En plus, les Espagnols sont conscients des problématiques sociales et économiques grandissantes de ces deux enclaves et qui rendent la présence concrète du Maroc dans ces territoires plus logique.

Malheureusement, les Européens ne voient le flux migratoire des africains vers leurs pays que comme une menace alors que le sous-développement de l’Afrique est la faute de tous les pays développés. Les pays de l’Europe doivent alors assumer leurs responsabilités concernant ce désastre sauf s’ils comptent bâtir d’autres chapelles similaires à “la Capela dos Ossos” par les milliers de corps des pauvres dont regorge déjà la Méditerranée.

Plus de prérogatives dans le contrôle de ce prochain tunnel rapportera plus de bénéfices à l’Espagne et lui évitera aussi d’être vue coupable devant l’opinion publique à cause des milliers de clandestins qui verront, dans ce prochain tunnel, une opportunité facile pour rejoindre le paradis européen. Beaucoup de problèmes de sécurité qui dérangent le Maroc et l’Espagne pourraient être résolus facilement par une telle cession parallèle de prérogatives entre les deux pays, surtout que l’Europe ne compte céder son contrôle du flux migratoire à aucun pays de son voisinage.

En vérité, la réalisation de ce tunnel donnera au Maroc d’autres cartes à jouer puisque ce projet rendra le voyage des travailleurs détachés vers la péninsule ibérique encore moins cher. Cela permettra certes au gouvernement marocain d’évacuer une partie de ses chômeurs, mais si le Maroc contrôle cette masse de travailleurs détachés, cela lui permettra d’influencer directement plusieurs secteurs économiques européens qui comptent les embaucher.

Finalement, les peuples de la péninsule ibérique et du Maroc préfèrent vivre la prospérité dans le cadre de la paix au lieu d’un tel jeu de cartes politiques entre les gouvernements. En plus, si de bons accords à vocation culturelle et religieuse relient l’Espagne et le Maroc, cette paix pourrait même englober les anciennes victimes des tribunaux de “l’inquisition” qui se sentent encore injustement exilés au Maroc.

Le Maroc pourrait, en effet, demander une souveraineté légitime sur les mosquées historiques de l’Andalousie comme les mosquées de Cordoue et de Grenade, tandis que l’Espagne pourrait demander la souveraineté religieuse sur les églises historiques existantes au Maroc. Cet échange de responsabilités et de prérogatives pourrait même être nécessaire pour permettre aux deux pays de passer de l’étape de la reconnaissance du culte à celle de la surveillance légale du culte. Cela permettra alors d’abolir tout extrémisme ou atrocité dans ces lieux saints. Les Marocains et les espagnols pourront donc prononcer le nom de Dieu en toute quiétude et sans aucune rancune historique dans tous les lieux de culte des deux rives.

Par Akram Louiz, Auteur, poète, Lieutenant de première classe de la marine marchande

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