Le DDT de nouveau utilisé contre le paludisme


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Après plus de 30 ans d’interdiction, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé que le DDT pourra de nouveau être employé pour combattre le paludisme. Une décision soutenue par les Etats-Unis et justifiée par les conclusions scientifiques les plus récentes concernant les effets du puissant insecticide sur l’Homme.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que le puissant insecticide dichloro-diphényl-trichloréthane (DDT) pouvait de nouveau être employé dans la lutte contre les moustiques transmetteurs du paludisme (anophèles gambiae). Le DDT avait été interdit depuis 1972. Utilisé massivement dans l’agriculture pendant plus de 30 ans, il avait été prouvé qu’il s’accumulait dans la chaîne alimentaire et était toxique pour les oiseaux consommateurs d’insectes. Il était considéré comme une menace pour l’environnement et qualifié, à la Conférence de Rio de 1992, de « polluant organique persistant ». L’OMS, qui avait été un ardent opposant au DDT, est aujourd’hui l’un de ses plus fervents défenseurs.

Le DDT faute de mieux

Les raisons de ce revirement sont multiples. Chaque année, près de trois millions de personnes meurent du paludisme, dont 90% en Afrique. Moustiquaires imprégnées d’insecticide, médicaments à base d’artémisinine… Les autres moyens mis en œuvre pour combattre la maladie ont manqué d’efficacité. Ils ne semblent pas pouvoir permettre d’atteindre l’objectif fixé par l’OMS : réduire de moitié la mortalité due au paludisme d’ici 2010. Or, s’appuyant sur des expériences récentes conduites en Afrique du Sud et en Inde, l’OMS affirme que le DDT vaporisé sur les murs, les plafonds et sous les meubles peut réduire la transmission du paludisme de 90%.

Cependant, la toxicité du DDT pour l’Homme, même si elle n’a pas été formellement prouvée, fait encore débat. Dans une conférence de presse tenue à Washington le 15 septembre, le Dr Arata Kochi, Directeur du Programme mondiale de lutte antipaludique à l’OMS, a expliqué que le DDT est sans danger pour la santé s’il est utilisé avec précaution : à petite dose, dans les maisons et les zones endémiques. « Nous devons fonder notre position sur la science et les données objectives », a-t-il affirmé, avant d’ajouter que le DDT est l’arme « la plus efficace » contre le paludisme. Le sénateur américain Tom Coburn, l’un des principaux avocats de la lutte antipaludique dans le monde a déclaré que : « Grâce à la position claire de l’OMS, nous pouvons enfin couper court aux mythes et prétendues données scientifiques qui n’ont fait qu’aider les vrais ennemis, les moustiques ! »

Le poids des Etats-Unis

Les Etats-Unis semblent avoir pesé lourd dans le choix de l’OMS de recourir de nouveau au DDT. L’an dernier, le Président américain George W. Bush s’est engagé à verser 1,2 milliard de dollars dans la lutte contre le paludisme. Dans son communiqué du 15 septembre dernier, l’OMS annonce que la récente initiative des Etats-Unis contre le paludisme financera la pulvérisation de DDT sur les murs intérieurs des habitations pour prévenir la maladie. Les Etats-Unis, premier pays producteur d’insecticide dans le monde, utiliseraient-ils le combat humanitaire pour servir leurs intérêts économiques ?

Selon le Dr Cheikh Fokhana, chercheur paludologue à l’IRD (Institut de Recherche et de développement), au Sénégal : « Le problème du paludisme, c’est qu’il y a des enjeux financiers. On prend beaucoup de temps pour trouver des remèdes car les populations touchées par la maladie n’ont pas de moyens. » Pour le Dr Cheikh Fokhana, la décision des Etats-Unis d’investir dans la lutte est « une affaire de gros sous et de pouvoir ». Les Américains voudraient renforcer ainsi leur influence sur le continent africain. Toutefois, le chercheur sénégalais estime que l’utilisation du DDT sera profitable aux populations africaines car c’est jusqu’à maintenant le produit le plus efficace qu’on ait trouvé contre le paludisme, et les critiques formulées contre lui n’ont pas été validées scientifiquement.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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