Le clitoris retrouvé


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Pierre Foldes
Pierre Foldès

L’excision se répare. Depuis 25 ans, le chirurgien urologue français Pierre Foldès reconstitue les clitoris coupés lors de pratiques traditionnelles, majoritairement pratiquées en Afrique sub-saharienne. Il explique ce qui l’a poussé à mettre au point cette intervention et revient sur les menaces de mort qu’il reçoit de la part de ses détracteurs.

Faire l’amour avec plaisir. C’est le bonheur que Pierre Foldès offre aux Africaines excisées. Ce chirurgien urologue français reconstitue depuis 25 ans les clitoris coupés lors de rites culturels et ancestraux, principalement pratiqués en Afrique sub-saharienne. Le spécialiste, qui exerce à la clinique Louis XIV de Saint-Germain-en-Laye (à l’ouest de Paris), revient sur la mise au point de cette chirurgie réparatrice et sur les risques qu’il prend en la poursuivant en France et en Afrique.

Afrik : Comment avez-vous commencé à réparer le clitoris des femmes excisées ?

Pierre Foldès : Lors de missions humanitaires en Afrique (notamment au Burkina, au Mali, au Niger et au Sénégal), je réparais les divers complications qui résultaient des excisions, comme problèmes d’incontinence. Cela permettait aux femmes de retrouver une certaine souplesse au niveau de la vulve ce qui leur permet d’enfanter plus facilement. Par la suite, des femmes burkinabés sont venues me demander, lors de consultations, s’il était possible de reformer un clitoris excisé. La demande était très forte parce qu’elles se prennent beaucoup plus en charge et hésitent moins à parler de leurs souffrances. J’ai donc adapté et perfectionné, en France, une méthode utilisée pour rallonger la verge des hommes. La technique est au point depuis dix ans.

Afrik : Opérez-vous toutes les formes d’excision ?

Pierre Foldès : Oui. De l’excision à l’infibulation (la forme la plus extrême de cette pratique, ndlr). La technique d’intervention est la même.

Afrik : En quoi consiste l’intervention ?

Pierre Foldès : Il faut savoir que le clitoris fait une dizaine de centimètres de longueur. Lors de l’excision, c’est la partie externe qui est coupée. Lors de l’opération, je découpe la cicatrice souvent douloureuse et je vais chercher sous le bassin le reste de l’organe, qui est toujours innervé. L’acte chirurgical dure en moyenne une heure.

Afrik : Au bout de combien de temps les femmes éprouvent-elles une sensibilité ?

Pierre Foldès : La douleur se fait sentir pendant la dizaine de jours qui suit l’intervention. Au bout d’un mois et demi, le clitoris prend forme. Les femmes que j’ai opérées, me disent qu’elle ressentent un plaisir sexuel au bout de quatre à six mois. C’est difficile à prouver car elles n’ont pas de point de comparaison, étant donné qu’elles n’ont jamais éprouvé ce genre de sensations avant.

Afrik : Combien de femmes avez-vous opéré ?

Pierre Foldès : J’ai opéré environ soixante femmes, âgées entre 18 et 30 ans en moyenne. Depuis la médiatisation de cet aspect de mon activité, de plus en plus de femmes viennent me voir.

Afrik : Comment réagissent les maris de ces femmes ?

Pierre Foldès : En France, les hommes réagissent vraiment bien en général. Certains viennent même me voir avec leurs femmes. Il y a une réelle évolution des mentalités sur ce sujet, notamment grâce à l’immersion culturelle différente. Mais en Afrique, les choses bougent plus lentement. L’excision reste encore un moyen de domination masculin.

Afrik : Vous opérez gratuitement. Pourquoi ?

Pierre Foldès : La plupart des femmes que j’opère n’ont pas de couverture sociale. Et comme la législation stipule que l’excision est un crime, je ne voulais pas gagner de l’argent en réparant le clitoris des femmes excisées. Mais je ne pense pas que vais pouvoir continuer comme cela longtemps. Avant, le nombre d’opérations oscillait entre une et deux par semaine et je pouvais les offrir. Mais leur nombre s’accroît et je commence à perdre de l’argent. Eventuellement, je demanderai une somme symbolique aux femmes qui ont une couverture sociale.

Afrik : Cela fait 25 ans que vous pratiquez cette opération. Pourquoi n’est elle médiatisée que maintenant ?

Pierre Foldès : J’opérais discrètement par crainte des menaces. J’ai reçu plusieurs menaces de mort en Afrique. Et les Africaines qui venaient me consulter étaient exposées aux mêmes dangers. Mais certaines de celles qui ont été opérées ont témoigné de leur expérience dans les médias et m’ont dit qu’il fallait en parler. Depuis, j’ai fait plusieurs interviews pour des journaux et fait plusieurs interventions radio et télé.

Afrik : Avez-vous une idée de l’identité de ceux qui vous en veulent ?

Pierre Foldès : Avec la récente médiatisation de cette opération de chirurgie réparatrice, j’ai déjà reçu d’autres menaces de mort ces derniers jours. Elles proviennent de ceux qui considèrent que je vais à l’encontre de leur culture. Mais je pense qu’elles sont surtout l’oeuvre de ceux qui ont un intérêt à ce que cette pratique perdure. Il faut savoir qu’en France le prix d’une excision peut atteindre 1 000 euros. En Afrique, il oscille entre 70 et 1 000 euros. Il y a donc beaucoup d’argent en jeu.

Afrik : Avez-vous déjà songé à arrêter cette opération à cause des dangers qui pèsent sur vous ?

Pierre Foldès : Non. Par contre, ce type de menaces pourrait décourager d’autres médecins, africains comme français, de pratiquer cette intervention. J’ai commencé à en former il y a quelques mois en France. En général, c’est moi qui me déplace et qui pratique l’intervention devant eux. Mais pour l’instant, je suis le seul qui pratique l’opération officiellement. Je compte sur la médiatisation de cette opération pour rallier d’autres collègues à ma cause. Pour l’instant, certains soutiennent ce que je fais, mais à condition que ce soit moi qui prenne les risques.

Afrik : Avez-vous des retours des associations luttant contre l’excision ?

Pierre Foldès : Je n’ai pas eu de retour d’Afrique, mais je travaille en France étroitement avec le Gams (Groupe Femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles), qui se réjouit de cette chirurgie réparatrice. J’ai également eu des retours positifs d’autres associations.

Contact Pierre Foldès :

Clinique Louis XIV

4, Place Louis XIV

78100 Saint Germain-en-Laye

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