L’avortement clandestin en Afrique


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Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 44% des femmes qui meurent chaque année dans le monde, suite à un avortement clandestin non médicalisé, sont africaines. Ces dernières sont contraintes à avorter dans des conditions médicales dramatiques à cause des lois très restrictives interdisant une pratique que seuls l’Afrique du Sud, le Cap-Vert et la Tunisie autorisent.

Par Vitraulle Mboungou

Beaucoup d’avortements en Afrique se font sans médecin, pour des résultats malheureusement souvent macabres. Près de 300 000 Africaines décèdent ainsi chaque année sur le continent. Le fait est que la plupart des pays africains interdisent cette pratique (seul l’Afrique du Sud, le Cap-Vert et la Tunisie l’autorisent). Certains l’autorisent toutefois exceptionnellement lorsque la vie de la mère est menacée, un diagnostique qui doit être confirmé par plus d’un médecin. C’est le cas pour 25 des 53 pays que compte le continent. Mais ces lois sont si contraignantes que de nombreuses femmes ont souvent recours à des méthodes mettant leur vie en péril. L’avortement est passible de lourdes peines de prison dans de nombreux autres pays. Comme au Kenya, au Nigeria, au Sénégal, ou encore en Ouganda, où il est puni de 14 ans de prison pour la mère et de sept ans pour le médecin qui pratique l’acte.

Des femmes qui n’ont pas d’autres solutions que l’avortement clandestin

Les femmes qui tiennent absolument à mettre fin à des grossesses non désirées se tournent souvent vers des « avorteurs » clandestins dans les cliniques de rue. Beaucoup d’entre eux utilisent des techniques rudimentaires et extrêmement dangereuses. Ainsi, elles acceptent de « s’enfoncer des cintres dans le vagin, un tesson de bouteille ou un mélange de verre pilé », ou alors, elles demandent à leur compagnon de « piétiner leur ventre », ont rapporté à la presse certains gynécologues présents à la première conférence africaine sur l’avortement, qui s’est déroulée à Addis Abeba, en Ethiopie (20-23 mars 2005). Ce faisant, ces femmes risquent d’avoir leurs utérus perforés, subir une importante hémorragie, ou être victimes d’infections pouvant conduire à la mort. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 4,2 millions d’avortement à risque se produisent tous les ans en Afrique, entraînant près de 300 000 décès. Au niveau mondial, 44% des femmes qui meurent suite à des complications dues à un avortement non médicalisé, sont africaines. Il représente même en Ouganda et au Ghana, l’une des premières causes de mortalité.

La méconnaissance des textes de loi par les médecins conduit également beaucoup de femmes africaines à avorter clandestinement. Au Ghana, par exemple, la loi sur l’avortement a été réformée en 1985, autorisant l’acte en cas de viol, d’inceste ou de menace pour la santé mentale ou physique de la mère. Cependant de nombreux médecins l’ignorent et refuseraient toujours jusqu’à présent d’exercer cette pratique, par crainte de poursuites. Ainsi, selon une étude menée en 1995 dans le pays, soit dix ans après la réforme, 58% des avortements se faisaient toujours en dehors du système de soin.

L’exemple sud-africain

L’Afrique du Sud est l’un des rares Etats à avoir légalisé, en 1997, l’interruption volontaire de grossesse sur le continent. Elle a depuis considérablement réduit le nombre de décès liés à cette pratique. Les premiers résultats sont aujourd’hui visibles. La mortalité maternelle a ainsi été divisée par deux.. Des efforts ont également été fait en Ethiopie pour assouplir les lois anti-avortement, car selon le ministère de la Santé, l’avortement clandestin est devenu la deuxième plus grande cause de mortalité chez les femmes admises dans des hôpitaux. Le gouvernement éthiopien s’est ainsi donné pour objectif de sensibiliser les femmes à l’usage des contraceptifs en leur en facilitant l’accès. Le Sénégal, qui possède comme les autres pays, une législation très restrictive en matière d’interruptions volontaires de grossesse, a également mis en place un programme de prévention sur les méthodes contraceptives afin de limiter le nombre d’avortements clandestins.

Nombreux sont ceux qui, dans le milieu médical et la société civile, critiquent ces lois qui font de l’avortement un crime, même si le sujet reste largement tabou. Ils les considèrent archaïques et trop restrictives. Ils dénoncent la pression exercée par les hommes politiques sur les femmes désireuses de mettre fin à leur grossesse. Beaucoup d’appels en faveur de la révision des lois anti-avortement ont donc été lancés à travers l’Afrique, notamment lors de la conférence d’Addis Abeba où les lois anti-avortement ont été considérées comme « une guerre silencieuse menée contre les femmes ».

L’alternative misoprostol

Au Kenya, une association de gynécologie et d’obstétrique, le KOGS (Kenya Obstrical and Gynaecological Society) mène une campagne pour faire enregistrer le misoprostol comme traitement gynécologique. Le misoprostol est une pilule qui peut, semble-t-il, provoquer l’avortement. Selon le KOGS, il offre une alternative moins coûteuse à l’interruption de grossesse, et entraîne moins de complications si il est administrée correctement. Une étude produite par l’une des ONG organisatrices de la conférence d’Addis Abeba en mars dernier, fait le point sur cette pilule : «le misoprostol est peu coûteux, simple à administrer, facile à conserver et est donc particulièrement attrayant pour les fournisseurs dans les pays en développement et pour les femmes en quête d’avortements clandestins ». Dans la plupart des pays africains, ce médicament ne peut être actuellement utilisé que comme traitement contre l’ulcère et pour arrêter l’hémorragie après l’accouchement. Son administration est donc illégale. Il semblerait cependant que certains médecins l’utilisent à des fins gynécologiques, mais en cachette, car les risques encourus sont multiples. Ainsi, si un malade développe des complications, le médecin sera inculpé pour avortement et administration d’un médicament illégal. Une piste comme une autre pour les défenseurs du droit de choisir.

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