Lansana Conté : l’arroseur arrosé


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Drapeau de la Guinée
Drapeau de la Guinée

La tension à la frontière guinéenne donne lieu à une surenchère nationaliste à Conakry. Mais les populations menacées par les bandes armées doivent autant leurs déboires aux errements diplomatiques du régime qu’à l’avidité des pillards. Explication.

La patrie est en danger ! Tel est le slogan du régime guinéen après plusieurs semaines d’incursions sanglantes d’hommes en armes venus vraisemblablement du Liberia ou de Sierra Leone. La fièvre  » patriotique  » a définitivement gagné la capitale Conakry, après l’attaque, dimanche, de la ville frontière de Macenta qui a fait au moins 30 morts.
La radio et la télévision nationale ouvrent largement leurs ondes aux  » nouvelles du front  » où l’armée multiplie les opérations de ratissage.

Les appels des autorités pour  » bouter l’ennemi hors du territoire  » sont relayés par des distributions d’armes aux populations frontalières qui n’ont pas quitté la zone. De patriotisme à xénophobie, il n’y a qu’un pas que les partisans du président Lansana Conté franchissent allègrement en désignant du doigt les réfugiés des guerres atroces de Sierra Leone et du Liberia. Commode appel à l’unité nationale quelques deux semaines après l’ubuesque condamnation de l’opposant Alpha Condé à cinq ans de prison pour complot contre l’Etat.

De fait, les populations de la région de Macenta paient le prix des options diplomatiques retenues depuis une dizaine d’années. Le protecteur des rebelles Sierra Léonais du RUF et actuel président du Liberia, Charles Taylor, est un vieil ennemi du président guinéen.

C’est sur l’insistance de Lansana Conté que les troupes ouest africaines de l’ECOMOG ont stoppé, au début des années 90, les colonnes de Charles Taylor aux portes de Monrovia dans la guerre qui l’opposait à l’ancien chef d’Etat libérien, Samuel Doe. Le président en poste à Conakry ne s’est pas contenté de cela. Il a également armé contre Taylor, l’ULIMO, mouvement favorable à Doe. Puis il a appuyé un mouvement dissident de celui-ci, l’ULIMO-K, dirigé par Alhaji Kromah aux méthodes aussi contestables que celles de Charles Taylor.
Problèmes : non seulement ce dernier a gagné la guerre, mais il a réussi à se faire élire à la tête du pays. Kromah en fuite a laissé une armée de pillards désoeuvrés, à proximité, voire sur les bases arrières guinéennes, aujourd’hui cibles de leurs attaques.

En outre, si l’on compte le RUF, les anciens de l’ULIMO pas fâchés de faire payer à Conté le prix de sa trahison et les anciens de l’armée guinéenne chassés par le coup d’Etat de 1984 qui a porté Lansana Conté au pouvoir, les hommes en armes susceptibles de mettre le sud de la Guinée à feu et à sang avec la bénédiction de Charles Taylor sont légion.

Le président guinéen a beau en appeler à ses voisins de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest qui se sont engagés à fournir des observateurs militaires – à une date indéterminée – il est fort probable qu’il n’en obtiendra pas plus. L’intense ballet diplomatique du Mali et de l’OUA pour éviter l’embrasement de la région risque d’être limité par le souci de ne pas soutenir un régime qui suscite fort peu de sympathie chez ses voisins. Certains ayant même critiqué la condamnation d’Alpha Condé.

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