L’Algérie devient (presque) un pays producteur de drogue


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La situation est inquiétante. Longtemps pays de transit, l’Algérie se transforme, en douceur, en un pays producteur de drogue. Abdelmalek Sayah, directeur de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, tire la sonnette d’alarme.

« Pour l’instant, l’Algérie n’est pas encore en danger, comme le sont d’autres pays tels que les Philippines et la Chine. Mais les chiffres ne nous laissent pas indifférents », souligne Abdelmalek Sayah. Invité hier de l’émission « Fil Wadjiha » de la Chaîne I de la Radio algérienne, M. Sayah prédit le pire : « Le phénomène va encore s’aggraver. » Au premier trimestre 2007, les services de sécurité (gendarmerie, police et douanes) ont saisi 5,8 t de résine de cannabis, 1025 plants de cannabis et plus de 25 000 comprimés de substances psychotropes de différentes marques. Selon l’invité de la Chaîne I, les quantités saisies correspondent à celles récupérées durant la même période de 2006. Il précise qu’au quatrième trimestre 2006, les services de sécurité ont saisi 6 t de résine de cannabis, 180 plants de cannabis et 58 000 comprimés de substances psychotropes. Il fait savoir que plus 1700 affaires, dont 558 liées au trafic et à la commercialisation des stupéfiants, ont été enregistrées au premier trimestre 2007. 400 sont liées au trafic de résine de cannabis, 157 concernent la commercialisation de substances psychotropes, une affaire de trafic et de commercialisation d’héroïne et une autre liée au trafic et à la commercialisation d’opium.

Par la suite, affirme-t-il, il y a eu (en avril dernier) cinq nouvelles affaires liées à la culture de l’opium au sud du pays. Ces affaires concernent les 100 000 plants d’opium découverts à Adrar. M. Sayah parle de la généralisation de cette culture à travers le pays. « Plusieurs champs se préparaient dans les régions isolées, notamment à l’intérieur et au sud du pays. Des gens ont essayé de faire ça à Béjaïa, à Batna, à Tizi Ouzou, à Béchar. Ce sont les services de sécurité qui les ont arrêtés », indique-t-il. Aussi, les services de sécurité ont arrêté plus de 2400 personnes pour trafic et usage de stupéfiants et de substances psychotropes. M. Sayah fait remarquer que parmi les personnes interpellées figurent 33 étrangers, dont 10 Nigérians, 5 Nigériens et 2 Français. Cela lui fait dire qu’il y a des réseaux organisés et structurés en Afrique subsaharienne (Niger, Mali, Tchad, Sénégal et Nigeria) en rapport avec d’autres réseaux européens et asiatiques. Le bilan indique aussi que 44 personnes impliquées dans le même trafic sont recherchées.

N’est visible que le somment de l’iceberg…

Concernant l’usage et la consommation de drogue, M. Sayah fait état de 1181 affaires traitées, dont 1098 concernent la détention et l’usage de résine de cannabis. Quand bien même elles seraient importantes, ces statistiques ne reflètent pas la réalité et l’ampleur du phénomène du trafic et de la consommation de drogue en Algérie. « Ces chiffres, précise-t-il, représentent uniquement les saisies des services de sécurité. » Ce qui n’est, selon lui, que la partie apparente de l’iceberg. « Nous ne savons pas quelle est la quantité de drogue qui entre en Algérie. Nous avons 6000 km de frontières et 1200 km de côtes qui nécessitent bien plus de moyens humains et matériels pour mieux les surveiller », relève-t-il.

L’invité de la radio nationale explique l’existence de la culture de drogue en quantité, notamment de l’opium, sur le sol algérien par l’étau qui se resserre sur les réseaux de trafic transnationaux qui, habituellement, font transiter d’importantes quantités par l’Algérie vers l’Europe. Ces mêmes réseaux dont les « têtes pensantes » se trouvent souvent en Europe ou en Asie encouragent la production locale. M. Sayah, qui insiste sur le rôle de la famille dans la prévention et la lutte contre la drogue, soulève des problèmes socioéconomiques qui, à ses yeux, poussent certaines personnes à verser dans la culture de drogue, qui leur permet de gagner beaucoup d’argent en une période courte. La prise en charge de ce phénomène nécessite, selon lui, la mobilisation de tout le monde, des institutions de l’Etat au simple citoyen.

M. A. O, pour El Watan

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