« L’affaire Idrissa Seck »


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L’ex-Premier ministre sénégalais Idrissa Seck est détenu depuis cinq jours par la police dakaroise. Mis en cause dans « l’affaire des chantiers de Thiès », il est par ailleurs accusé d’« atteinte à la sûreté de l’Etat ». Les défenseurs de l’ex-préféré du Président Wade ne voient dans cette procédure judiciaire qu’un stratagème pour éliminer politiquement le surdoué de la politique, un an avant les législatives et deux avant les présidentielles.

Idrissa Seck est apparu en forme aux côtés du commissaire Assane Ndoye, lundi, dans la cour de la Division des investigations criminelles (Dic), à Dakar (Sénégal), où il est détenu depuis cinq jours. Peut-être une façon de rassurer ses proches, qui se sont mobilisés dimanche pour prévenir toute violence policière contre sa personne. Entendu vendredi matin, il a été placé en garde à vue samedi soir après une perquisition à son domicile. Le petit préféré déchu du Président Abdoulaye Wade est mis en cause dans des dépassements budgétaires survenus alors qu’il était Premier ministre, pour la réhabilitation de Thiès, une ville située à 70 km à l’Est de Dakar dont il est le maire, et pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Plus d’un an après avoir été limogé par son « père » spirituel, c’est ce dernier qui a lui-même lancé les hostilités jeudi dernier.

« Vous dites à quelqu’un de prendre de l’argent et de vous acheter telle chose pour 2 000 francs à la boutique. Il revient vous dire qu’il a pris 10 000 francs, vous êtes en droit de lui demander ce qu’il a fait des 8 000. Voilà tout ce qu’il y a entre Idrissa Seck et moi », a-t-il expliqué lors d’un meeting de ralliement de militants ex-socialistes venus de Thiès, le fief de « Idy ». Précisant que le « dossier », constitué à la suite d’un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE), a été transmis à la justice. Le document relève « un dépassement de 26 milliards de FCFA, par rapport à une enveloppe de 20 milliards autorisée par le Président de la République », selon un communiqué du ministère de l’Intérieur paru vendredi soir.

« Manœuvre politique »

« Pas un seul centime de détourné ne pourra m’être reproché », a rétorqué le principal intéressé, qui a dû rompre l’année de silence qui a suivi sa disgrâce en se fendant d’un communiqué solennel. Samedi soir, les autorités ont a ajouté le chef d’accusation « atteinte à la sûreté de l’Etat » à son dossier. La durée légale de la garde à vue, qui est de 48 heures renouvelables, peut, dans ces conditions, être prolongé de deux fois quatre jours. Ce qui a attisé la colère de ses soutiens. Mamadou Dia, l’ancien président du Conseil des ministres du Sénégal, sous l’ère Senghor, dénonce des manœuvres qui procèdent plus du règlement de comptes que du souci de rendre la justice. « Le fait sans précédent dans nos annales judiciaires de changer brutalement de motif de convocation au cours de l’audition en est une preuve éclatante », estime-t-il.

L’avocat sénégalais et président de la FIDH (Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme), Sidiki Kaba, a rejoint le collectif de défense d’Idrissa Seck. Et Moustapha Niasse, qu’« Idy » avait remplacé à la tête du gouvernement, a lui-même apporté son soutien au « citoyen sénégalais [et au] père de famille ». Le Comité d’initiative des intellectuels du Sénégal (Ciis) affirme ne pas pouvoir croire que « Boy Idy » soit « le premier voleur de la République et le dernier de la classe politique ». L’organisation, membre du Comité d’initiative de la Société civile sénégalaise, se demande pourquoi les ministres des Finances et de l’Habitat ne sont pas entendus dans cette affaire. Rappelant même comment le Président « Wade autorise des dépenses en dehors de tout vote du budget » et de quelle manière il a financé l’avion présidentiel.

Sans préjuger des fautes qu’il a pu commettre, les supporters d’Idrissa Seck, un an avant les élections législatives et deux avant les présidentielles, voient dans ce processus judiciaire la volonté d’élimination du surdoué de la politique. Si l’ex-directeur de campagne, directeur de cabinet et Premier ministre d’Abdoulaye Wade n’est plus le numéro deux au sommet de l’Etat, il l’est toujours à la tête du Parti démocratique sénégalais (PDS). Un mouvement au sein duquel « pros Idy » et « pros Wade » se déchirent. Ils le feront d’autant plus qu’en sortant de son mutisme pour démentir les accusations du chef de l’Etat, Idrissa Seck a confirmé ses ambitions pour les prochaines échéances législatives : être tête de liste sous les couleurs du PDS, si possible, ou indépendant. Et prendre la suite d’Abdoulaye Wade à la tête de l’Etat lors des présidentielles, sauf si celui-ci se représente.

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