La sexualité des lesbiennes excisées


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Chaque année, en Afrique sub-saharienne, au Proche-Orient et en Asie, deux millions de fillettes subissent une excision. Cette ablation totale ou partielle du clitoris prive les femmes ainsi mutilées de la principale source de plaisir féminin et rend leurs rapports sexuels douloureux. Les lesbiennes sont aussi confrontées à ce drame. Témoignages.

Est-il possible de bien vivre sa sexualité après une excision? «L’excision provoque des fibroses, indique le Dr Charlemagne Ouedraogo, gynécologue-obstétricien au Burkina Faso. Les nerfs au niveau du clitoris coupé sont pris dans cette fibrose et c’est ce qui provoque les douleurs pendant les rapports sexuels, et parfois même des décharges de douleurs. D’autant que certaines ont été excisées de telle sorte que même un stylo ne pourrait pas rentrer…»

Le spécialiste fait uniquement référence aux relations hétérosexuelles, mais les rapports homosexuels se révèlent parfois ardus. La coquette Manu* en a fait l’amère expérience. Cette métisse installée au Sénégal a eu une aventure avec une Malienne et une Sénégalaise dont le sexe a été mutilé. […] «La première fois, j’ai été choquée et je n’étais plus très emballée. J’avais peur de faire mal en doigtant, surtout que je ne suis pas vraiment délicate», se souvient-elle.

[…] Selon plusieurs spécialistes, la majorité des femmes atteignent l’orgasme par la stimulation du clitoris. Du coup, si l’ablation du petit organe érectile est trop importante, «on aura beau tout faire, la fille restera sexuellement insatisfaite», souligne le Dr Charlemagne Ouedraogo, qui reçoit «deux ou trois couples de femmes dans l’année». De quoi comprendre les difficultés rencontrées par Manu […].

Nul doute [qu’elle aurait] eu moins de problèmes avec la pulpeuse et pétillante Alima*, 36 ans. «Personnellement, je jouis avec une fille qui sait y faire et qui me plaît bien. Rien qu’à travers les caresses et les cunnilingus, j’arrive à trouver du plaisir», indique ce petit bout de femme burkinabè, dont une partie du clitoris a été préservée.

[…] Comme Alima, Carole* a mis un point d’honneur à satisfaire la seule femme «coupée» ayant partagé son lit. «Il suffit d’apprendre à connaitre les points sensibles des femmes excisées pour qu’elles jouissent elles aussi, assure la Burkinabè de trente ans. Avec ma partenaire excisée, on est parvenu à se comprendre: elle adorait plutôt la pénétration, elle aimait bien que je la suce fort et même que je la touche au niveau du clito absent. (…)»

[…] Isabelle* relate une expérience passée. «Ma copine se sentait diminuée, raconte cette Burkinabè de 25 ans. Il a été difficile pour elle auparavant d’avoir des relations durables à cause de ça. Elle m’a donc expliqué que, quand une personne lui plaisait, elle essayait de l’oublier, de peur qu’elle ne se moque d’elle. C’est pour ça que, quand elle a eu envie de moi, elle se ressaisissait et se refusait à moi.»

Isabelle est parvenue à la rassurer et son ex se sent aujourd’hui mieux dans sa peau. Mais toutes ne parviennent pas à se réconcilier avec leur corps. Touché par cette souffrance entendue lors de ses voyages humanitaires, un chirurgien-urologue français a mis au point il y a une trentaine d’années une intervention consistant à faire remonter à la surface la partie interne du clitoris, longue d’une dizaine de centimètres.

Le Dr Pierre Foldes, menacé de mort par des partisans de l’excision, a partagé sa technique avec d’autres spécialistes de l’Hexagone. L’un d’entre eux, le Dr Sébastien Madzou, a à son tour formé des confrères au Burkina Faso. Dont le Dr Charlemagne Ouedraogo, qui «répare» les clitoris excisés depuis 2006 à l’hôpital public du secteur 30 de Ouagadougou, la capitale burkinabè. […] «Tentant», auraient envie de dire certaines. En tout cas, pas pour Alima et Ramata. Elles affirment ne pas être complexées. Ni en tant que femme, ni en tant qu’amante.

*Les prénoms ont été changés

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le numéro 132 de Têtu, actuellement en kiosques.

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