La route du Wax ou comment l’Afrique enrichit une société basée en Hollande


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Wax

En 2016, la célèbre marque de wax de luxe, Vlisco fêtait son 175e anniversaire. À l’affiche, des icônes de la femme africaine, dont la célèbre chanteuse Angélique Kidjo. De quoi inspirer un sentiment de fierté. La fierté d’être Africain et de le revendiquer à travers ce célèbre tissu : le wax. Triste supercherie, dirait-on, quand on sait qu’à part le coton et les imprimés, le wax n’a rien d’africain.

Il inonde les plus grands marchés africains, de Cotonou à Lomé en passant par Abidjan ou Kinshasa. Pourtant, le wax est tout sauf africain. L’histoire de cet imprimé sous cire remonte au 19e siècle. Cette technique d’impression était alors utilisée à Java, une île située dans le sud-ouest de l’Indonésie. Les voyages marchands ont permis aux commerçants néerlandais de l’importer en Hollande et c’est ainsi que le wax hollandais est né.

Symbole de l’identité africaine, il est fièrement drapé par les femmes et participe même à la hiérarchie sociale. En effet, porter du véritable wax hollandais est un signe d’aisance et de réussite sociale. Vendu entre 45 et 70 000 francs CFA (68 et 107€) les 6 mètres, il a tôt fait d’éclipser les autres tissus, tout aussi nobles et pourtant plus africains.

Faussement rattaché à la culture africaine, le wax a été utilisé comme symbole par de nombreuses stars, à l’image d’Erykah Badu, Beyoncé, Solange ou Rihanna. Il a permis à de grands stylistes comme Lisa Folawiyo de jouir d’une renommée internationale. Sur le continent, c’est le tissu de toutes les célébrations (mariage, baptême, enterrement), porté en uniforme. Un tel faste autour d’un tissu dont la fabrication et la commercialisation sont dominées par un grand groupe hollandais.

L’industrie du wax en Afrique

Une énorme industrie hollandaise est née autour du wax et très vite, l’Afrique est devenue le premier marché. Considéré comme le « père du wax », Vlisco est devenu la plus grosse marque de wax, avec une production annuelle estimée 64 millions de mètres. Produit entièrement en Hollande, ce volume est écoulé à 90% en Afrique. En 2014, le chiffre d’affaires de la marque de luxe était estimé à 300 millions d’euros.

Cette notoriété, la marque ne s’en cache pas. À l’occasion de son 170e anniversaire, Vlisco a lancé une collection baptisée « Hommage à la femme africaine ». Pour l’occasion, de nombreux stylistes de renom ont été engagés par la marque hollandaise, tels que Lanré da Silva Ajayi, Élie Kuamé ou encore Loza Maleombho.

Le wax tue le « real made in Africa »

Pendant que le wax se célèbre, les tissus « made in Africa » se noient sur ce vaste marché, en partie faute d’industrialisation. La capacité de production actuelle est beaucoup trop insignifiante pour rivaliser avec le géant hollandais.

Les initiatives pour faire renaître les véritables tissus africains ne se font qu’à petite échelle. En Côte d’Ivoire, vous avez le choix entre des marques comme Uniwax et Woodin. Si l’une met le « wax made in Africa » à l’honneur, l’autre mise sur le tissu Bogolan, véritable identité culturelle de la Côte d’Ivoire.

Plusieurs stylistes africains et même occidentaux tentent de « révéler la supercherie du wax », mais face à plus de 170 ans de communication bien rodée et une production à l’échelle continentale, ils ne font clairement pas le poids. À cette concurrence, il faut ajouter toutes les autres, notamment les imitations venues de Chine.

En attendant, le wax, c’est la référence. Les femmes africaines continuent d’en porter, pensant « consommer local ». Elles ne sont que très peu nombreuses à pouvoir citer sur les doigts d’une main les véritables tissus d’origine africaine. Un véritable drame pour l’identité culturelle de la mode africaine.

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