La présence de l’ancêtre africain en Amérique Latine


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A partir des années 1920, apparaît une série d’auteurs caribéens et sud américains qui reprennent dans leurs œuvres littéraires les expériences, le langage et les symboles des populations ayant des ancêtres africains. Avec le temps, ces auteurs furent classés comme « négristes » dans le monde hispanique, et sous le nom du mouvement des « négritudes » dans les régions francophones (Haïti, Martinique, Guadeloupe).

Des écrivains tels que Nicolás Guillén (Cuba), Manuel del Cabral (République Dominicaine), Aimé Césaire (Martinique), Franz Fanon (Martinique), Luis Palés Matos (Porto Rico), Manuel Zapata Olivella (Colombie), Paulo de Carvalho-Neto (Brésil), Virginia Brindis de Salas (Uruguay), Julia de Burgos (Puerto Rico), Nicomedes Santa Cruz (Pérou), Adalberto Ortiz (Équateur) et Derek Walcott (St. Lucie) –qui a remporté le Prix Nobel de Littérature en 1992-, produisent des œuvres fondamentales représentatives de l’expérience noire en Amérique Latine.

Leur littérature introduit non seulement un langage propre qui enrichit l’héritage littéraire latino américain actuel, mais ses études sociales et ethnologiques servent de base aux luttes de revendications sociales, mais leurs études ethnologiques et sociales servent de base aux luttes et revendications sociales qui prendront de l’ampleur plus tard (voir Mansur, Mónica. La poesía negrista. México: Era, 1973).

Voici ce qu’affirme René Depreste dans son évaluation du négrisme latinoaméricain:

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre au négrisme américain est d’affirmer qu’il a contribué par sa poésie à réduire le champ de l’inhumanité de l’homme par rapport à l’homme et à réunir, dans la tendresse universelle de la création artistique, divers auteurs de toutes les couleurs, en élevant très haut dans l’espace solaire la voix populaire, sage et passionnée du Caliban américain. (« Aventuras del negrismo en América Latina ». América Latina en sus ideas. Ed. Leopoldo Zea. México: Unesco/Siglo XXI, 1986, p. 360).

En connexion avec le négrisme littéraire se produisent divers mouvements de revendication politique dans l’Amérique Latine des dernières décennies.

Dans les pays caribéens de langue anglaise et française, il existe une longue tradition de fierté de l’héritage africain. Le Black Power de Jamaïque, conçu par le guyanais Walter Rodney, a eu de fortes répercussions dans la politique internationale et est célébré dans la musique Reggae de Bob Marley, par exemple.

Entre Haïti et la République Dominicaine existe une longue histoire de tensions au sujet de l’identification haïtienne avec la race noire, en contraste avec l’identification métisse dominicaine. Mais les afrosudaméricains ont également créé des organisations pour défendre leurs droits. Le mouvement de la conscience noire au Brésil est l’une des plus puissantes. Il regroupe quelques 600 organisations dans tout le pays, ayant pour objectif de célébrer l’héritage afrobrésilien et lutter contre la pauvreté.

Certaines de ces organisations disposent d’une base politique plus ou moins forte d’intellectuels et de personnes de classe moyenne ayant occupé divers postes publics au Congrès national (Carlos Oliveira et Benedita da Silva) et dans le Parti Démocratique, et ayant réussi à faire approuver un amendement constitutionnel qui a rendu la discrimination raciale illégale.

D’autres organisations sont plus centrées sur l’aspect socioculturel et l’action locale, comme c’est le cas pour Groupe Olodum, fondé à Bahía en 1976, qui a obtenu une notoriété internationale grâce à son immense discographie et est aujourd’hui une ONG qui soutient l’Éducation, la créativité et le développement économique de la communauté noire dans sa ville.

Les afrocolombiens ont également obtenu un certain succès dans leur processus d’organisation politique laborieux en obtenant que la nouvelle Constitution Nationale de 1991 reconnaisse les droits collectifs des communautés d’ ascendance africaine sur plusieurs territoires de la côte Pacifique, avec la faculté d’exercer « une perspective autonome sur l’avenir », c’est-à-dire un développement alternatif avec- prenant en compte une plus grande conscience écologique et le respect de la biodiversité.

Voici un extraitde la déclaration du mouvement des négritudes en Colombie, en 1995:

Ceux d’en bas, les discrédités par le manque des voies de communications et de symboles nationaux qui nous représentent, sommes unis par la famine et la misère. Nous devons donc lutter unis dans la recherche de nos objectifs communs en tant que groupe exploité. Les noirs appartiennent à un groupe ethnique qui a survécu à l’action d’extermination entreprise par la classe dominante.

Cela indique que notre population est forte et qu’elle a une mission importante à remplir pour le bien de l’humanité, qui est d’encourager l’élimination totale de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Nous devons nous –renforcer, fortifier par l’éducation qui nous permet de nous retrouver culturellement avec notre mère Afrique et avec notre propre histoire et les valeurs qui nous protègent (Moreno Salazar, Valentín. Negritudes. Cali, XYZ, 1995. p.10-11).

Les postulats fondamentaux de cette citation, même si elle a été écrite il y a plus de dix ans restent en vigueur. Les personnes d’origine africaine ont une relation utile mais difficile avec les sociétés dans lesquelles elles sont nées. D’une part, beaucoup de leurs pays ont accueilli leur production culturelle en tant que partie fondamentale du patrimoine national.

D’autre part, les descendants d’africains sont toujours dans un processus de transformation des structures sociales qui les marginalisent depuis l’époque de la colonie et dont les effets continuent de se manifester jusqu’au XXIème siècle.

De nombreuses et fascinantes formes de création culturelles se sont développées avec la présence de l’ancêtre africain en Amérique Latine.

Elles ont toute contribué à la richesse artistique et sociale du continent, et témoignent de la créativité humaine dans lutte contre la marginalisation et l’exploitation. Chacune de ces manifestations témoigne de l’hybridation culturelle et de la multiplicité des modèles de réalité caractéristiques des cultures latino-américaines.

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