La lèpre recule au Mali


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Drapeau du Mali
Drapeau du Mali

Le Mali compte aujourd’hui 610 lépreux contre 35 000 en 1986, a annoncé ce dimanche le ministère malien de la Santé. Des chiffres qui doivent être pris avec des pincettes selon le docteur Somita Keita.

Alors que le Mali recensait 35 000 cas de lèpre en 1986, seuls 610 ont été répertoriés en 2002 par les services du ministère malien de la Santé. Une baisse spectaculaire annoncéé ce dimanche, lors de la célébration du 50è anniversaire de la journée mondiale des lépreux, en présence du Président Amadou Toumani Touré. Une annonce qui doit être prise avec précaution, selon le docteur Somita Keita. Professeur à l’Université de Bamako, il est également responsable du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (Cénal), le principal organisme sanitaire malien de lutte contre la lèpre.

Afrik : Les chiffres annoncés par le ministère de la Santé sont impressionnants…

Somita Keita : Il ne faut pas trop s’avancer dans les chiffres en se félicitant d’avoir atteint le seuil d’élimination de la maladie, fixé par l’ OMS (Organisation mondiale de la Santé, ndlr) à un cas pour 10 000 habitants. Le chiffre de 610 lépreux ne concerne que les nouveaux cas. Ce qui intéresse l’OMS, ce sont les malades actifs qui hébergent le bacille de la lèpre. Une fois la période de traitement, qui va de 6 à 12 mois, terminée, les malades sont enlevés des registres. Ils restent pourtant victimes de grandes mutilations mais sont laissés pour compte. Cela constitue un drame social. Et même si l’on s’en tient aux nouveaux cas, on ne voit que la face émergée de l’iceberg.

Afrik : Pour quelles raisons ?

Somita Keita : Parce que nous effectuons un dépistage passif. Seules les personnes qui ont la possibilité de ce déplacer à l’hôpital sont comptabilisées. Des ratissages systématiques dans le pays donneraient d’autres chiffres. D’autant plus que de nombreux individus ignorent qu’ils hébergent le bacille. Beaucoup arrivent en pensant avoir une simple maladie de peau et apprennent qu’ils ont la lèpre.

Afrik : De nombreux malades sont donc oubliés par ce système de soins et de comptage ?

Somita Keita : Il existe des  » poches « , des zones hyper-endémiques connues mais difficiles d’accès, où les malades ne bénéficient d’aucuns soins. Elles se trouvent à l’Ouest, dans la première région, et au Nord, dans la cinquième. C’est d’autant plus rageant que les médicaments, sous forme de comprimés ou gélules, sont efficaces et d’usage facile sur le terrain. Le problème n’est plus au niveau des soins mais du dépistage. La lèpre est une maladie qui se transmet très lentement et nous pourrions l’éradiquer.

Afrik : Des ratissages systématiques ont-ils été pratiqués par le passé ?

Somita Keita : Durant la période coloniale, il existait ce que l’on appelle des  » circuits « , moto ou vélo, au cours desquels des ratissages de villages et hameaux étaient effectués. Ils étaient réalisés par  » l’équipe Jamot « . Mais aujourd’hui, les fonds, qui proviennent essentiellement de la Fondation Raoul Folereau, de l’OMS et de l’Etat, sont insuffisants. D’autant plus que nous avons de grands problèmes dans la formation du personnel.

Afrik : Quel a été le rôle de l’Etat dans les progrès réalisés ?

Somita Keita : Il y a eu un engagement politique national contre ce fléau. On a vu le Président assister au 50è anniversaire de la journée mondiale de la lèpre. Mais financièrement, l’Etat ne fait pas assez. Il se contente pour l’essentiel de payer les salaires des fonctionnaires médicaux. Il peut faire plus.

Afrik : Comment considérer les chiffres annoncés ?

Somita Keita : Que l’on ne s’y trompe pas. Les progrès sont considérables. 35 000 nouveaux cas en 1986 contre 610 aujourd’hui. Mais les autorités politiques et sanitaires ne doivent surtout pas baisser les bras en pensant que la lèpre est éradiquée au Mali. Elle ne le sera que lorsque nous pourrons accéder à ces poches de grande concentration.

Visiter les sites de :

La Fondation Raoul Folereau

L’organisation mondiale de la Santé (OMS)

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