La leçon d’amitié de Tahar Ben Jelloun


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Tahar Ben Jelloun est un prosateur exigeant, à la langue juste et claire : son Eloge de l’amitié, La soudure fraternelle, repris aux éditions Arléa, prouve qu’il a également l’âme juste et belle.

« Quoi de plus beau qu’une réunion d’amis véritables autour d’une bonne table ? C’est le miel de la vie. Mon bonheur est de voir heureux ceux que j’aime.  » Le charme de ce petit livre de l’écrivain marocain tient à cette simplicité paisible, qui lui permet d’écrire sur l’amitié au quotidien d’un ton naturel et sans apprêt. Les grandes ombres de Montaigne et de Cicéron, peuvent bien être convoquées au passage, eux aussi passent en amis, sans faire de façons.

Comment écrire sur l’amitié, sa solidité, et sa fragilité aussi, sinon en égrenant les souvenirs d’amitiés, qui toutes ont paru permanentes, éternelles, avant parfois de se refermer, sur un malentendu, un éclair de lucidité, une déception, un mot malheureux. L’amitié est impérieuse, parce que chacun y met beaucoup de soi : « l’autre, en face, l’être qu’on aime, est non seulement un miroir qui réfléchit, c’est aussi l’autre soi-même rêvé.  »

Tahar Ben Jelloun fait danser devant sa mémoire les histoires d’amitiés qu’il a traversées, et ces visages et ces âmes successives qui défilent peuvent être célèbres, comme Jean Genet, ou masqués, ou encore inconnus, l’écrivain leur accorde la même attention patiente et rigoureuse. De Jean Genet, il écrit par exemple :  » Il croyait plus en la trahison qu’en la fidélité. Je compris, un peu tardivement, que l’amitié n’avait pour lui que peu d’importance. Il croyait en l’amour.  » Car l’amitié peut commander la générosité et la tolérance, elle n’implique pas l’aveuglement.

Magnifique exemple d’amitié, Tahar Ben Jelloun s’attarde aussi sur ses amis égyptiens Adel et Bahgat, les jumeaux, qui signent ensemble leurs livres sous le pseudonyme de Mahmoud Hussein :  » plus je les fréquente, et plus je suis étonné et en même temps ému par cette union solide, entière et sans la moindre ambiguïté. C’est, il me semble, le degré le plus élevé de l’amitié.  » Si différents soient-ils, si éloignés que soient leurs tempéraments, ils ont construits à deux cette digue de confiance que rien ne peut ébranler. Amitié digne des anciens, de Cicéron ou de Montaigne… Qui est donc encore possible, nous dit Tahar Ben Jelloun, en ce siècle de fer…

Commander : La soudure fraternelle, Editions Arléa 1996.

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