La France va-t-elle expulser les étrangers malades du sida ?


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Ce mercredi, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, de nombreuses associations françaises de défense des droits des étrangers ont manifesté leur opposition à un amendement introduit dans le nouveau projet de loi sur l’immigration, qui prévoit de renvoyer dans leurs pays d’origine les malades du sida si les traitements y sont disponibles. Les associations expliquent que rien ne garantit leur accès aux soins une fois qu’ils sont expulsés. Privés de papiers, les malades pourraient sombrer dans la clandestinité, ce qui desservirait la lutte contre le sida.

C’est une affaire qui inquiète vivement les associations de défense des droits des étrangers malades en France. Si le nouveau projet de loi sur l’immigration, voté par l’Assemblée début octobre, est adopté en l’état par le Sénat qui doit l’observer en début d’année prochaine, des milliers d’étrangers malades du sida pourraient se voir priver des titres de séjour auxquels ils avaient droit jusque-là, pour rester en France et s’y faire soigner. Un amendement dit « étrangers malades » introduit dans le texte de loi par le député UMP Thierry Mariani prévoit en effet que le malade puisse être renvoyé dans son pays d’origine, si le traitement y est disponible. « Nous avons commencé à enregistrer les inquiétudes des malades qui viennent s’ajouter à celles des associations », indique Vincent Douris membre de Sidaction, une plateforme qui soutient financièrement les associations de défense des étrangers malades. Le problème, explique-t-il, est que l’amendement vise à remplacer le terme d’ « accessibilité » réelle aux soins tel qu’il figurait dans les dispositions légales antérieures, par celui de « disponibilité » des traitements.

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L’article de loi actuel :

« La carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de
plein droit : […] 11° A l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé
nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des
conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement
bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire »

Si l’amendement était adopté, il deviendrait :

« La carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de
plein droit : […] 11° A l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé
nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des
conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’inexistence d’un traitement
approprié dans le pays dont il est originaire »

Ce changement de terme, développe sa consœur Eve Plenel, de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, une plate-forme qui regroupe des associations comme Médecins du monde et l’association de lutte contre le sida et les hépatites virales, Aides, est lourd de conséquence : « jusque-là, l’accessibilité englobait toute la problématique liée à la maladie : la disponibilité du traitement, le temps du trajet jusqu’au centre de soin, l’isolement du malade par rapport à ce centre de soin, son accès à un médecin spécialiste de sa pathologie. Or, en prenant en compte uniquement la question de la disponibilité du traitement, un préfet pourrait refuser l’admission au titre de séjour ou son renouvellement, en faisant valoir qu’une pharmacie du pays concerné possède les médicaments», déplore-t-elle. D’autres associatifs pointent le fait que les malades pourraient préférer sombrer dans la clandestinité plutôt que d’être expulsés, ce qui naturellement les priverait de l’accès aux soins. Pour Vincent Douris, d’autres pourraient demander à leurs médecins de changer leurs protocoles de traitement, pour leur prescrire les médicaments de dernières génération, dites de troisième ligne. En principe, ceux-ci que les médecins ne prescrivent que lorsque les protocoles habituels se montrent inefficaces ne sont pas encore pas disponibles dans les pays pauvres. Pour l’ordre des médecins a récemment rappelé que le projet de loi allait à l’encontre de toute forme de déontologie médicale.

Ce mercredi à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, de nombreuses associations comme Aides qui publie un texte sur son portail Internet intitulé « Non, mourir n’est pas moins pénible au soleil ! » ont relancé la campagne contre l’amendement Mariani. Déjà en octobre, d’autres associations comme Tjenbé Rèd (association afro-caribéenne de lutte contre le racisme et l’homophobie avaient appelé à manifester à Paris. Tjenbé Rèd faisait alors valoir que cet amendement favoriserait ainsi l’épidémie de sida, renvoyant des PVVIH (personnes vivant avec le VIH ou le sida) mourir dans leur pays ou les enfonçant sinon dans la clandestinité en France, les éloignant du système de soins au détriment de la santé publique. » Les associations ne veulent pas baisser les bras. « Nous sommes très mobilisés. Nous avions déjà engagé des actions de lobbying et de plaidoyers auprès des députés, quand le projet de loi est passé à l’Assemblée. Nous avons entamé la même démarche auprès des sénateurs », explique Eve Plenel. Fin 2008, le nombre d’étrangers régularisés pour raison médicale était de 28 460 personnes.

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