La forêt congolaise, enjeu économique et financier


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La République démocratique du Congo abrite la deuxième forêt tropicale primaire de la planète, avec 86 millions d’hectares dont près de 60 potentiellement exploitables. Un enjeu écologique et économique majeur que Kinshasa veut mieux contrôler.

Entre le gouvernement et les gouvernorats de province, c’est la forêt qui a allumé l’incendie… Dans une lettre aux gouverneurs de province, le ministre de l’Environnement Didace Pembe dénie aux autorités provinciales le pouvoir de prendre des décisions en ce qui concerne l’exportation du bois. Didace Pembe est sérieux. ‘‘La loi portant code forestier ne vous attribue dans aucune de ses dispositions le pouvoir de suspendre les activités d’un exploitant forestier, moins encore de saisir son matériel d’exploitation’’, souligne-t-il dans une circulaire rendue publique, après une mesure ‘‘temporaire’’ des autorités de la Province Orientale.

Mettre fin à l’exploitation sauvage

Cette décision est intervenue quelques jours seulement après l’annonce par le vice-gouverneur de la Province Orientale, Joseph Bangakya Angaze, qu’il suspendait l’exportation de grumes pour, soutient-il, mettre fin à l’exploitation sauvage de la forêt. ‘‘Il y a une commission interministérielle présidée par le ministère du Commerce extérieur qui définit la mercuriale des prix. En dehors de cette structure, c’est le ministère de l’Environnement qui accorde des permis d’exploitation du bois’’, rappelle le ministre Pembe.

Pour le ministre de l’Environnement, l’exécutif provincial doit se limiter à faire rapport à la tutelle pour toutes les questions intéressant le secteur du bois et à ‘‘respecter scrupuleusement’’ les prescrits du code forestier qui définit clairement le nouveau mode de gestion des ressources forestières ainsi que les attributions des uns et des autres en la matière.
Sans chercher à se livrer à la polémique, le vice-gouverneur Bangakya s’est vite plié aux ordres du ministre qui, lors de sa prise de fonction à la tête du portefeuille de l’Environnement, s’était engagé à veiller au respect de la législation en matière de gestion des domaines de son ressort.

Le vice-gouverneur avait suspendu toutes les exportations du bois actuellement stocké au port fluvial de Kisangani et décidé qu’elles y resteraient tant que les exploitants forestiers continueraient à piétiner la réglementation en vigueur. ‘‘Aujourd’hui, l’exploitation est sauvage: on coupe des arbres dans des aires protégées, des espèces rares en trop grande quantité. Notre forêt qui est un patrimoine pour l’humanité entière va disparaître si on ne fait rien’’, avait déclaré le vice-gouverneur pour justifier sa décision.

Plus de transparence et une application stricte de la Loi

‘‘Les exploitants ne communiquent pas les volumes qu’ils exportent. Au niveau provincial, par exemple, ils devraient payer 1,23 dollar par m3 de bois. Aucun d’entre eux n’est en règle. Les rares qui paient ne donnent que des pourboires qu’ils évaluent eux-mêmes forfaitairement, sans aucun rapport avec les volumes réels et avec la complicité de quelques agents corrompus de l’Etat’’, avait expliqué le vice-gouverneur dénonçant les exploitants congolais, libanais, français, portugais et allemands qui affichent un sentiment de mépris à l’égard des autorités locales. ‘‘Le système actuel est tellement opaque, mafieux, qu’on ne sait même pas combien de m3 de bois sortent chaque mois de notre province’’, déplorait Bangakya.

La production industrielle de bois du secteur formel est estimée à quelque 150.000 m3 par an, très en deçà du potentiel annuel d’exploitation durable évalué à plus de 5 millions de m3 par des experts du secteur. Après l’adoption en 2002 du code forestier et d’un moratoire, 163 contrats forestiers non-conformes ont été abrogés et 25,5 millions d’hectares reversés dans le domaine public. Sur les 21 millions d’ha actuellement en concession, 3 millions ont été illégalement attribués. Quinze millions ont été ‘‘échangés’’, les exploitants ayant troqué par exemple des zones de marécage ou de faible potentiel contre des zones riches en essences marchandes, ce qui constitue aussi une violation de la loi. Les trois millions restant constituent des titres légaux. Les différents services de l’Etat présents au port fluvial de Kisangani, dont l’Office congolais de contrôle (OCC) et l’Office national de tourisme (ONT) travaillent au détriment de l’Etat qui s’en tire avec un énorme manque à gagner.

Assainir les moeurs

Le gouvernement ne doit pas seulement s’approprier le pouvoir de décision mais doit également assainir les moeurs des agents chargés du contrôle des activités des exploitants s’il est réellement déterminé à instaurer en RD Congo la bonne gouvernance, qui en matière d’exploitation forestière et d’exportation de bois ne peut se matérialiser sans la sanction.

Article de Carla LUSAMBA, pour notre partenaire The Post, Kinshasa.

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