La designer africaine de la mode


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Claire Kane, rencontrée au Fima 2003

Claire Kane, Sénégalaise d’origine française, compte parmi les plus grands talents de la mode en Afrique. Styliste et designer, elle réinvente l’utilisation du pagne et crée son propre style. Couturier engagé, elle se bat pour une Afrique meilleure au sein d’Africa 2005.

Par Stella Dikutala

Invitée de tous les podiums de la mode en Afrique et ailleurs, Claire Kane est l’un des grands stylistes du continent. Sa griffe a près de 17 ans mais reste toujours très avant-gardiste. Animée d’une puissante conscience africaine, elle milite activement au sein d’Africa 2005, pour défendre et préparer l’avenir d’une Afrique solidaire.

Afrik : Vous êtes une styliste africaine, mais au départ nous n’aviez aucun rapport avec l’Afrique. Pourriez-vous nous expliquer vos liens avec le continent ?

Claire Kane : Je suis née à paris. Mes parents n’avaient aucune attache avec l’Afrique. Petite, j’avais déjà l’envie de m’y rendre, mes parents me disaient «attend d’être plus grande». J’ai vécu très proche d’une famille guadeloupéenne durant mon enfance. Je vivais à cheval entre ma famille de sang et ma famille de cœur qui s’intéressait aux voyages et à l’Afrique. Juste après mon BAC, vers 16-17 ans, je me suis rendue au Maroc. Là, j’y ai appris la couture avec une styliste américaine. Par la suite, j’ai fait le tour de l’Afrique : Nigeria, Bénin, Togo…Je suis revenue au Sénégal, toujours au travers d’activités professionnelles et toujours dans les deux domaines qui m’intéressaient : la mode et la communication. J’ai effectué trois années d’études de communication au Canada et quelques expériences parisiennes. De là, j’ai décidé de lancer une griffe de mode plus portée vers le design et la communication.

Afrik : C’est-à-dire ?

Claire Kane : Je me suis servie de la mode comme support de communication pour raconter des histoires. Le travail qui m’intéresse le plus est le design à imprimer sur tissu ou à faire en tissage. Notre griffe a dérivé très tôt vers des objets, vers de la déco, des choses plus design que mode.

Afrik : La marque possède donc deux grandes branches, le vêtement et la décoration ?

Claire Kane : La griffe Claire Kane s’impose avec deux styles vestimentaires, un style citadin et un autre plutôt street wear. A cela il faut rajouter la gamme décoration avec ses deux lignes, le «Sop» une ligne de meubles africains à la fois moderne et design et le «koch» qui s’adresse plus à un développement de l’image, du son et de l’événementiel.

Afrik : Qu’est-ce qu’être un créateur africain ?

Claire Kane : Je suis sénégalaise, j’ai développé mon métier au Sénégal et je vis au Sénégal. Donc je suis un créateur africain, et membre de la Fédération de mode africaine dirigée par Alphadi. Depuis le début on se rassemble avec les designers africains pour être plus forts.

Afrik : Peut-on comparer la mode occidentale à la mode africaine ?

Claire Kane : On ne peut pas comparer ces deux styles, car on sait très bien que les leaders de la mode sont européens (français et italien) .Tout le monde se rend dans ces pays et cela crée une mixité où toutes les origines se rencontrent. A Paris, certains créateurs de mode africains sont devenus de vraies stars comme Xuly Bët qui est sénégalo-malien d’origine et parisien quand il se présente sur les podiums. Pour moi, il n’y a pas telle ou telle mode : il y a la mode tout court! Néanmoins l’Afrique a inspiré beaucoup de grands créateurs occidentaux comme Yves St Laurent.

Afrik : N’est-ce pas frustrant de voir les grands couturiers occidentaux s’inspirer de l’Afrique alors que les créateurs africains eux-mêmes ont du mal à s’en sortir ?

Claire Kane : Il faudrait à l’Afrique plus de moyens, pas uniquement financiers, mais au moins en terme d’encadrement. Pour cela il faut de bonnes idées. Il faut expertiser les distributeurs et les professionnels de la mode en terme de distribution pour qu’on puisse se développer correctement, c’est vrai pour tous les créateurs de mode même si certains s’en sortent mieux que d’autres.

Afrik : N’y a-t-il pas un problème dans la clientèle africaine qui parfois préfère ce qui vient de l’extérieur ?

Claire Kane : Nous nous sommes beaucoup battus contre cela et je peux dire que les mentalités ont bien évolué depuis dix ans. Avant quatre-vingt-dix pour cent de ma clientèle étaient des expatriés. Aujourd’hui, les Africains qui ont un fort pouvoir d’achat n’ont plus d’à priori. Il faut ajouter à cela qu’Alphadi et tous les gens de la profession promeuvent la mode africaine en innovant, en se rassemblant mais aussi en s’associant avec d’autres expressions culturelles telles que la musique ou la danse.

Afrik : Vous militez activement au sein de l’association Africa 2005, qui veut faire de 2005 l’année de l’Afrique. Pourquoi ?

Claire Kane : L’Afrique doit s’organiser pour le devenir de ses enfants. Africa 2005 est une association fondée à Paris par des Africains et des amis de l’Afrique, des afro-optimistes qui se soucient de l’avenir du continent. Une association qui sera à l’échelle internationale, pour faire de 2005 l’année de l’Afrique. Nous voulons inonder le monde de belles images d’Afrique. Nous comptons nous appuyer sur des entreprises qui réussissent, des success stories, que se soit dans le domaine culturel, social ou économique. On a besoin des partenaires médias. Se sont eux qui feront la réussite de l’association. On a besoin de toutes les bonnes volontés, de toutes les compétences. Pour l’instant, l’association compte trois milles membres, on espère être mille fois plus pour se faire entendre.

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