La dernière chance du coton africain


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Champ de coton
Un champ de coton

Le prochain sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se déroulera du 10 au 14 septembre à Cancùn, au Mexique. Les attentes du continent noir sont nombreuses. Arrive en tête, la lutte contre les subventions agricoles accordées au coton des pays du Nord. Samuel Améhou, ambassadeur du Bénin à Genève et négociateur à l’OMC, plaidera la cause africaine à travers un document cadre et des propositions

Le coton africain menacé de mort. Et avec lui tous les pays qui en dépendent. Pour en finir avec les subventions agricoles pour le coton du Nord, qui faussent totalement les lois du marché, le Bénin, le Burkina, le Mali et le Tchad vont tenter de faire entendre raison à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), au sommet de Cancùn, prévu du 10 au 14 septembre prochain au Mexique. Samuel Améhou, ambassadeur du Bénin à Genève et négociateur à l’OMC fait partie de la délégation africaine qui présentera les propositions du continent qui privilégie la négociation au bras de fer.

Afrik : Dans quel état d’esprit allez vous aborder les négociations de Cancùn ?

Samuel Améhou: Les quatre pays qui représentent l’Afrique (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad, ndlr) ont déjà des propositions à faire. Nous demandons deux choses : l’arrêt des subventions sur le coton et une compensation pour le préjudice financier subi en attendant que l’arrêt des subventions soit effectif. Nous attendrons donc plutôt la réaction des partenaires au niveau de l’OMC, et envisagerons, si besoin est, d’autres suggestions. Nous avons fait savoir que nous sommes très ouverts et prêts à dialoguer.

Afrik : Pensez-vous réellement peser dans les débats de cette rencontre ?

Samuel Améhou: Nous avons le soutien des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique, ndlr), le groupe le plus important de l’OMC. Les chefs d’Etat africains, les PMA (Pays les moins avancés, ndlr), ainsi que l’Inde, l’Argentine et le Brésil appuient notre initiative. En Europe, un certain nombre de pays se sont rangés de notre côté. Nous attendons que ces Etats essayent de convaincre les autres membres du bien fondé de notre position.

Afrik : Le soutien de l’Union Européenne est-il indispensable au règlement de la question du coton ?

Samuel Améhou : L’Union Européenne et les Etats-Unis sont les poids lourds des négociations se déroulant à l’OMC. Un accord entre les deux sur le dossier du coton est donc nécessaire pour faire avancer les choses.

Afrik : Pour beaucoup Cancùn fait figure de test. Certains pays africains seraient mêmes prêts à remettre en cause leur appartenance à l’OMC si leurs doléances ne sont pas entendues. Quelle est votre position ?

Samuel Améhou: Je ne veux pas me hasarder à aller jusque là. Aujourd’hui, nous nous sentons écrasés parce que les Etats puissants ne respectent pas les règles fixées par l’OMC. Le rôle de l’organisation est aussi de régler les problèmes des pays membres. C’est en partie pour cela que nous payons des contributions qui, par ailleurs, impliquent pour nos populations de lourdes restrictions. Mais si au moment précis où nous sommes en difficulté aucune solution n’est proposée, nous sommes en droit de remettre en cause l’utilité de cet organe et de nous demander sur quoi repose notre appartenance.

Afrik : Pourquoi ne pas avoir porté plainte pour concurrence déloyale pour régler le problème des subventions agricoles ?

Samuel Améhou: La voie judiciaire ne nous apporterait pas grand chose. Une plainte déposée à l’organe de règlement des différends coûte beaucoup d’énergie et d’argent (pour la mobilisation des cabinets d’avocats, ndlr). En cas de victoire, tout ce qu’on vous propose sont des mesures de rétorsion compensatoires et non financières. Dans le cas d’un litige perdu par les Etats-Unis, l’organisme vous permettra de leur interdire l’exportation dans votre pays de certaines marchandises. Les répercussions de cette sanction ne se feront sentir que si les relations commerciales avec l’Amérique sont très étroites. Pour la plupart des Etats africains, la mesure sera donc sans effet. Du coup, une victoire devant l’organe de règlement des différends ne servirait à rien. La négociation reste la meilleure option dans la mesure où nous avons encré notre argumentaire sur l’incohérence des mesures de coopération.

Afrik : A l’issu d’un jugement qui serait défavorable aux Etats-Unis, ne serait-il pas possible d’appliquer des mesures pour les contraindre à supprimer purement et simplement leurs subventions ?

Samuel Améhou: De telles mesures existent. Mais dans le cadre du sommet de Cancùn, la voie des négociations est celle que nous privilégions car nous pouvons non seulement espérer la suppression des subventions, mais aussi obtenir des compensations financières.

Propos recueillis par David Cadasse

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