La déforestation au-dessus des lois


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En un an, plus de 60 sociétés forestières ont été condamnées par l’Etat camerounais. Faux visas d’exploitation, déforestation sauvage, les compagnies sont coutumières de l’illégalité. Amendes et sanctions ne suffisent pas à enrayer le drame écologique. Sylvestre Naah Ondoa, ministre de l’Environnement et des Forêts, lance un appel à la communauté internationale.

Au Cameroun, terminé le temps où l’on écrasait la loi à grands coups de bulldozers. Le ministère camerounais de l’Environnement et des Forêts veut serrer la vis et sanctionne à tour de bras les infractions des sociétés d’exploitation forestière. Pourtant, si élevées que soient les amendes et les peines, la forêt se vide. Sylvestre Naah Ondoa nous fait part de ses craintes. Interview d’un ministre en but à un drame social et écologique.

Afrik.com : Mercredi dernier, 40 sociétés d’exploitation forestière, dont Tolazzi, Unilor ou encore Patrice Bois, sont passées en jugement. De quoi étaient-elles inculpées et de quelles peines ont-elles écopé ?

Sylvestre Naah Ondoa : Il y a plusieurs sortes de délits. Parmi les plus courants, il y a l’exploitation sans visa. D’autres sociétés exploitent en marge du terrain qui leur est alloué. On leur confie 2 500 hectares, elles en exploitent 3 500. Et puis il y a ceux qui abattent les arbres précieux et les espèces rares. Les peines vont jusqu’à 90 millions de francs cfa. Elles peuvent être accompagnées d’une suspension d’activité pour un délai plus ou moins long.

Afrik.com : Pensez-vous que les amendes, comparées à l’important chiffre d’affaire de ces compagnies, suffisent à les dissuader ?

Sylvestre Naah Ondoa : Non, les amendes, même si elles rapportent plus d’un milliard de franc cfa à l’Etat, ne dissuadent personne. Mais ces procès sont importants par la publicité qu’en font les médias. C’est cela que craignent les opérateurs économiques. Ils savent que leur image est en difficulté.

Afrik.com : L’exploitation abusive des forêts a-t-elle régressé depuis que vous sanctionnez les sociétés en infraction ?

Sylvestre Naah Ondoa : Je ne sanctionne que les sociétés en infraction. L’exploitation légale, même abusive, n’est pas de mon ressort. Je ne peux pas non plus m’attaquer à tous les problèmes liés à la pollution, ou aux dommages causés à la forêt par l’extension des exploitations agricoles. Il faudrait un plan d’aménagement global. J’essaye, pour le moment, de créer une prise de conscience chez les opérateurs économiques. Le problème de la forêt est d’abord le leur. Lorsqu’ils abattent des arbres trop jeunes notamment, c’est à eux qu’ils nuisent en premier.

Afrik.com : Quel bilan dressez-vous de l’exploitation de la forêt ?

Sylvestre Naah Ondoa : Je suis très inquiet. Le Cameroun ne peut pas, seul, lutter contre la disparition progressive et rapide de la forêt. Il faut que la Guinée équatoriale, le Congo et la Centrafrique, fassent également un effort. Et puis je voudrais lancer un appel à la communauté internationale. Le problème de la forêt est lié à la pauvreté. Si les Camerounais avaient de quoi vivre, ils ne seraient pas tentés d’exploiter leurs richesses de façon abusive. J’aimerais que les sociétés étrangères qui viennent s’approvisionner au Cameroun soient un peu plus sensibles au fait que ce qu’elles font ici, elles ne le feraient pas chez elles.

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