L’OMC joue sa crédibilité à Cancùn


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Les subventions accordées aux producteurs de coton des pays du Nord tuent les filières africaines. Le Président de l’Association cotonnière africaine (Aca) présente les mesures qui seront proposées au sommet de l’Organisation Mondiale du commerce au Mexique (du 10 au 14 septembre) pour changer la donne. Il considère que les décisions qui seront prises à Cancùn engagent la crédibilité de l’OMC.

L’avenir du coton africain est menacé. Le sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancùn est une échéance importante pour les producteurs africains de coton, écrasés par la concurrence déloyale des pays du Nord. Ibrahim Malloum, Président de l’Association cotonnière africaine (Aca), fait partie de la délégation qui se rendra au Mexique du 10 au 14 septembre. Il estime que des conclusions défavorables porteraient un coup fatal aux filières africaines et à la crédibilité de l’OMC.

Afrik : Quel rôle joue le coton dans l’économie africaine ?

Ibrahim Malloum : Le coton est un rouage très important de l’économie africaine. Les Etats producteurs encaissent d’importantes sommes d’argent par le biais des impôts et taxes payés par la filière cotonnière. Les revenus engendrés permettent aux paysans d’améliorer leur niveau de vie. Cette culture permet donc de lutter contre le sous-développement et la pauvreté. Au Bénin, au Burkina Faso, au Mali et au Tchad, le coton représente de 60 à 65% des recettes d’exportations. C’est aussi pourquoi ces pays se sont associés pour représenter l’Afrique à L’OMC. C’est une question de survie pour des millions de concitoyens.

Afrik : Qu’attendez-vous du sommet de l’OMC à Cancùn ?

Ibrahim Malloum : Nous attendons beaucoup de cette rencontre. Nous souhaitons que les choses changent, notamment dans le domaine du coton. C’est un problème d’éthique, économique et social que nous sommes tenus de poser dans sa crudité. Les règles du commerce mondial ne sont pas appliquées par tout le monde. Les pays qui les respectent sont lésés par ceux qui les détournent. Les pays nantis dépensent des milliards de dollars en subventions pour soutenir leurs agriculteurs, qui en plus ne produisent pas un coton compétitif comparé à celui de l’Afrique. Ces Etats faussent la règle du jeu de l’offre et de la demande et provoquent la chute du cours du coton. Les pays en voie de développement, eux, n’allouent pas de subventions par manque de moyens et parce que des programmes structurels interdisent ces pratiques. Si des mesures ne sont pas prises pour rétablir une compétitivité loyale, la filière cotonnière africaine court sa perte.

Afrik : Que préconisez-vous ?

Ibrahim Malloum : Nous demandons l’instauration de mesures d’urgence concrètes en faveur du coton. Il y a quelques années, nous avions des caisses de stabilisation. Ces structures soutenaient les agriculteurs lorsque la conjoncture économique était défavorable. Elles ont toutes été supprimées suite aux accords de Brettons Wood. Aujourd’hui, il n’y a plus de filet de sécurité. Ce qui explique que les filières cotonnières africaines sont dans le rouge malgré leur compétitivité en termes de coût de production et de qualité. Pour renverser la situation, il faut réduire de façon significative ou supprimer les subventions accordées aux producteurs de coton. Ensuite, il faudrait mettre en place des modalités intermédiaires qui permettraient aux filières de survivre en attendant l’entrée en vigueur de la directive. Des compensations financières pourraient notamment réparer le préjudice causé ces dernières années aux producteurs africains.

Afrik : Pourquoi l’Afrique n’a pas porté plainte contre les Etats-Unis, champion des subventions sur le coton, pour concurrence déloyale ?

Ibrahim Malloum : Le Bénin et le Tchad sont tierce partie dans le procès intenté par le Brésil et les autres pays africains sont solidaires. Beaucoup doivent se demander pourquoi nous n’avons pas pris des mesures plus tôt. Je leur répondrai qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Si nous n’avions rien fait, on nous l’aurait reproché un jour. La cause que nous défendons aujourd’hui est juste. Il faut que les pays puissants comprennent qu’ils nous ruinent complètement avec leurs politiques économiques et que l’aide financière qu’ils nous apportent ne sert à rien si l’équilibre commercial mondial n’est pas respecté.

Afrik : Croyez-vous que vos demandes vont aboutir ?

Ibrahim Malloum : Deux issues sont possibles. L’OMC peut choisir de protéger les producteurs d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Une initiative qui bénéficieraient à 10 millions de personnes. Ou alors, l’organisation rejettera nos propositions, auquel cas l’Afrique se rendra compte que les mots prononcés dans les sommets ne valent rien et que les grands discours sur la réduction de la pauvreté ne sont que des discussions de salon.

Propos recueillis par David Cadasse

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