L’ANC post-Mandela, la fin d’un rêve


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L’Afrique du Sud et le monde célèbrent ce mercredi 18 juillet les 94 ans de Nelson Mandela. Or, le Congrès national africain, maillon essentiel de la lutte contre l’apartheid, a progressivement évolué depuis le départ de son leader historique. L’ère post-Mandela a été et sera assurément mouvementée au sein du parti.

Nelson Mandela est officiellement devenu président de la République d’Afrique du Sud en 1994, grâce aux premières élections nationales non raciales de l’histoire du pays. Il présida le premier gouvernement non racial du pays, un gouvernement d’unité nationale entre le Congrès national africain (ANC), le parti Inkatha de la liberté (IFP) et le Parti national (NP). Il s’est alors entouré de deux vice-présidents, Thabo Mbeki de l’ANC et Frederik de Klerk du NP, conformément à son souhait de « Nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde ». Voir la vidéo ci-dessous :

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Or, à partir de 1996, Thabo Mbeki, qui est devenu l’unique vice-président en raison de la démission de De Klerk, prend la gestion quotidienne du pays et en décembre 1997 la présidence de l’ANC. Mandela lui laisse progressivement le pouvoir, en douceur, ce qui contribue à la stabilisation politique du pays. Il quitte complètement la tête de l’État le 16 juin 1999, date anniversaire des évènements de Soweto, au bénéfice de Mbeki, qui remporte les élections présidentielles. Ce dernier choisit Jacob Zuma comme vice-président, après le refus de Mangosuthu Buthelezi.

Cet homme à femmes est proche des syndicats et de l’aile gauche de l’ANC, et entretient des relations étroites avec la Cosatu (le congrès des syndicats) et du Parti communiste (SACP). Bien qu’il soit accusé dès 2003 de corruption et d’abus de pouvoir, il est facilement réélu avec Mbeki l’année suivante. De plus, l’ANC est encore renforcée à cette époque par la fusion-absorption du Nouveau Parti national (NNP).

La lutte des héritiers

En 2005, lors de son second mandat, Thabo Mbeki congédie finalement Jacob Zuma. Ce dernier est mis en cause dans une nouvelle affaire de corruption, cette fois sur un contrat d’armement. Le départ du vice-président provoque une réelle scission au sein de l’ANC. La ligue des jeunes du parti, le Parti communiste sud-africain et la Cosatu condamnent les poursuites contre Zuma et dénoncent l’attitude de Thabo Mbeki et de sa nouvelle vice-présidente, Phumzile Mlambo-Ngcuka. De plus, l’aile gauche du parti ne se reconnaît pas dans la politique libérale du président sud-africain. Jacob Zuma, qui est très populaire au sein du parti et impliqué dans de nombreuses affaires d’argent ou de mœurs, déclare être victime d’un complot.

En décembre 2007, les 4075 délégués du parti se réunissent à Polokwane pour élire le nouveau président de l’ANC, probable futur président de la République en 2009. Pour la première fois depuis 1949, deux candidats s’affrontent. Sans surprise, il s’agit de Thabo Mbeki et de Jacob Zuma. Ce congrès est celui des affrontements, des dissensions, des batailles de procédures. Nelson Mandela intervient même pour calmer les esprits. Finalement, le 18 décembre, Jacob Zuma est élu président de l’ANC avec 60% des suffrages. De plus, tous les membres du comité directeur élus sont de son courant au sein du parti. La victoire est donc totale.

L’ère Zuma, la fin de l’idéal de Mandela ?

Après des débuts difficiles, avec notamment la création d’une formation dissidente, le Congrès du Peuple, Zuma représente logiquement l’ANC aux élections de 2009. Grâce à son image d’homme du peuple, il obtient 66% des suffrages. Un score en baisse pour l’ANC, qui risque de voir ses scores diminuer davantage en raison de la désillusion des populations.
En effet, le manque de cohésion sociale, les injustices, les inégalités économiques entre Blancs et Noirs persistent, malgré l’apparition d’une classe moyenne noire.

Cette situation déclenche une certaine colère parmi les dirigeants noirs, particulièrement ceux de l’ANC, à présent divisé entre les adeptes de la coexistence pacifique avec la minorité blanche et les partisans du règlement de compte, des nationalisations, des saisies de fermes. Même si Julius Malema, ex-chef des jeunes, qui a appelé à la vengeance contre les Blancs, a été débarqué du parti en février pour indiscipline, le rêve d’une « Nation arc-en-ciel » n’est plus véritablement la priorité au sein de l’ANC.

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