L’Afrique ne croit pas aux innovations


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Lauréats du 3ème Salon africain de l’invention et de l’innovation technologique en septembre dernier avec leur mototracteur, Minsob et Anta ont déjà trois inventions à leur actif et près d’une dizaine dans les tiroirs. Faute de moyens pour déposer les brevets, les deux bricoleurs de génie togolais sont contraints de freiner leur boulimie créatrice et déplorent la manque d’intérêt des investisseurs. Interview.

Minsob Logou et Anta Trimua, 27 et 22 ans, ont décroché le prix de la meilleur invention dans le domaine de l’agroalimentaire au 3ème Salon de l’invention et de l’innovation technologique (SIIT) à Libreville (3-13 septembre 2002). Les deux Togolais ont mis au point une mototracteur pour remplacer les bêtes de somme dans les travaux agricoles. Egalement primés l’année dernière pour un moulin à céréales, ils ont près de 10 nouveaux projets en tête mais n’ont pas les moyens pour déposer tous les brevets. Des inventions pourtant pratiques qui n’intéressent pas (encore) les investisseurs africains, trop frileux.

Afrik : En quoi consiste votre invention ?

Minsob Logou : Nous avons développé notre mototracteur pour remplacer la traction animale dans les champs. Nous avons adapté sur une moto, une Ténéré 600, un système pour labourer les champs. On peut même biner, sarcler et faire la récolte avec cette machine.

Afrik : Quels sont les avantages d’une telle invention ?

Anta Trimua : La mototracteur ne coûte pas cher à fabriquer. Pas plus de 3 millions de F CFA. Alors qu’il faut compter 100 millions pour l’achat d’un tracteur. Plus rapide et plus puissante que les bêtes de somme, le mototracteur est une bonne alternative au tracteur pour les petites et moyennes exploitations. Elle peut efficacement assurer une période transitoire.

Minsob Logou : Elle peut également servir de moyen de locomotion car notre système se monte et se démonte très facilement.

Afrik : Vous travaillez à deux. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Minsob Logou : Nous nous sommes rencontrés à l’école. Nous nous sommes rendus compte que nous avions un talent pour inventer. Le mototracteur n’est pas notre première invention. Nous en avons déjà trois autres à notre actif dont l’une, un moulin à céréales, pour laquelle nous avons reçu le prix du meilleur jeune inventeur en 2000 à Lomé, lors de la première édition du SIIT (le SIIT est une manifestation organisée par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle, l’Oapi), ndlr). Et nous avons encore une dizaine d’inventions dans nos tiroirs.

Afrik : En quoi consistaient votre moulin à céréales et vos dernières inventions ?

Anta Trimua : Les moulins actuels sont métalliques. En s’usant, ils laissent de la limaille de fer dans la farine. Si vous approchez un aimant de la farine, vous constaterez qu’elle est attirée. Il s’agit en fait des résidus de fer. Ce qui peut s’avérer dangereux pour la santé. Un danger que notre invention supprime totalement.

Minsob Logou : Nous avons également mis au point une machine électrique à foufou (mets à base d’igname ou de manioc pilé très prisé en Afrique de l’Ouest, ndlr). Les femmes pilent habituellement les légumes à la main, au mortier. Ce qui est long et fatigant physiquement. Et la confection de pilons et de mortiers nécessite beaucoup de bois. L’invention a donc également une dimension écologique. La dernière invention, que nous avons d’ailleurs présentée cette année à Libreville, est un siège pour travailler en haut des arbres. Je suis électromécanicien et j’avais inventé cela pour travailler confortablement en haut des poteaux électriques. L’invention intéresse aujourd’hui un société qui récolte les noix de palme.

Afrik : D’où vous vient cette frénésie créatrice ?

Minsob Logou : En regardant autour de nous on identifie des problèmes de la vie courante puis on essaye de trouver une solution technologique pour les résoudre. Pour le mototracteur, l’idée m’est venue alors que je regardais mes parents travailler aux champs.

Afrik : Vous dites avoir encore une dizaine d’inventions en tête. Pourquoi ne pas les développer ?

Anta Trimua : Nous n’avons pas les moyens de déposer les brevets. Pour l’instant, nous n’en avons déposé que deux. Pour protéger une invention auprès de l’Oapi, il faut déposer l’idée, 525 000 F CFA, et payer 240 000 F CFA d’annuités pour renouveler la protection.

Afrik : Pensez-vous vivre un jour de vos inventions ?

Anta Trimua : Nous avons bon espoir. Nos inventions sont viables, elles sont pratiques et utiles. Nous ne prétendons pas faire des fusées. Elles ont toutes le mérite d’être entièrement réalisables sur place. Pas besoin d’importer. Mais les inventions en Afrique ne suscitent pas encore l’intérêt des bailleurs de fonds togolais. Il n’y avait que des étudiants au dernier SIIT, très peu d’investisseurs. Nous avons gagné 500 dollars pour notre prix. Ce n’est pas beaucoup mais nous avons participé au salon essentiellement pour essayer de nous faire connaître et nouer des contacts.

Logou Minsob et Anta Trimua

Adresse : B.P. 31 112 Lomé/Togo

Visiter le site de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi).

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