Khaled en toute «Liberté»


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Liberté, pochette de l'album de Khaled
Liberté, pochette de l'album de Khaled

Dans son dernier album, Liberté (Universal, 2009), Khaled revient aux sources du raï. Le chanteur algérien nous livre ici un album fort et authentique.

L’album s’ouvre sur une introduction égyptienne, orchestre symphonique de cordes et solo de ‘oud, qui vire bientôt en rythme country, lequel ne s’avère être autre, une fois la voix de Khaled lancée, que le rythme du cheval au pas, rythme binaire et rural sur lequel se basent aussi des danses dans les villages de l’est algérien, et des chansons dans le raï d’Oran…

Khaled nous revient ici, après plusieurs d’années de silence, avec un album superbe comme ses tout premiers, authentiques et vécus. On se souvient que l’artiste oranais avait créé le premier tube planétaire algérien, “Didi”, au début des années 90, qui vit le raï faire son entrée dans toutes les boîtes de nuit du monde… Khaled rend ici hommage aux musiques qui l’ont formé, enfant et adolescent, dans cet Est algérien si proche du Maroc, et dans une ville, Oran, à la population étonnamment mélangée, où l’on écoutait à la fois les plus grandes stars arabes telles Abdel Halim Hafez ou Mohamed Abdelwahab, les plus grandes stars occidentales telles Elvis Presley ou Johnny Halliday (qui a donné un concert à Oran dans les années 60), les artistes marocains comme Nass el Ghiwane, mais aussi les musiques rurales venues avec les villageois affluant en ville.

Khaled, que nous avons eu la chance de rencontrer il y a quelques années, nous a raconté comment il a commencé à chanter, enfant: “J’ai grandi dans une famille pauvre, nous étions sept enfants. Je faisais de la musique sous la maison la nuit. On était mômes, on fabriquait des guitares avec des bidons d’huile Esso: on faisait un trou, on fixait une planche en bois, des clous et des fils de pêche. Nous, les Oranais, on commence avec la guitare parce qu’Oran a été espagnole…” (YASMINA n°1, oct. 2002).

Un raï vivant et authentique

Liberté nous offre plusieurs chansons splendides, de “Ya Bouya Kirani” (Père, dans quel état je suis), chanson d’un amour impossible selon un thème classique de la chanson arabo-maghrébine, à “Zabana”, hommage à un héros oranais de la guerre d’Algérie. On retrouvera ici les introductions typiques du raï, comme dans la chanson-titre, “Liberté”, où Khaled, pendant de longues minutes, se et nous délecte, de longs mawwals, ces vocalises arabes , et de douloureux “aman aman” expirés en souffrance, le tout sur des phrases en francarabe, l’intro se concluant par un mawwal sur les mots, oui on a bien entendu, “à moi la liberté” – en français ! – pour enchaîner sur un raï rythmé et vivant, car on ne reste jamais triste longtemps sur les rivages méditerranéens et ensoleillés d’Algérie…

Ces dernières années, le raï était tombé en disgrâce auprès du public car il s’était perdu dans les effets faciles des synthétiseurs et des rythmes automatiques pour les boîtes de nuit et les mariages. Avec cet album, Khaled nous prouve que le raï reste vivant et authentique, musique à la fois rugueuse et sentimentale, populaire et musicalement sophistiquée, romantique et canaille, et que l’on aime car elle contient toutes ses contradictions-là, qui sont celles de l’Algérie, et peut-être de chacun de nous…

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