Kamini : l’homme vert du rap français


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Il est Français, né de père congolais, et il vante, avec autodérision, son petit village perdu de Marly-Gomont dans un clip disponible sur le net. Kamini est devenu, en quelques mois, la nouvelle coqueluche du rap français avec son premier opus Marly-Gomont. Son clip-vidéo, contrairement à ce que les rappeurs ont l’habitude de nous montrer, est truffé de verdure et de vaches. De quoi susciter la curiosité de chacun sur cet ovni du rap venu de là où l’herbe est si verte. Entretien avec un artiste sincère et plein d’humour.

Il ne vient pas de la cité, mais son beat est bon. Il ne vient pas de Paname, mais de Marly-Gaumont. Cette paraphrase du refrain de la chanson Marly-Gomont situe bien le personnage. Kamini, dont le patronyme restera secret parce qu’il tient à protéger sa famille, est né le 8 décembre 1979 à 14 km de Marly-Gomont (Aisne), un village de 423 habitants. Le jeune Français de 26 ans d’origine congolaise, amoureux de rap mais friand de toutes les musiques – de Mickael Jackson à Balavoine en passant par Snoop Doggy Dog, a trouvé le succès grâce au net et à un clip réalisé en trois jours en juin. Installé à Lille depuis l’obtention de son bac à 19 ans, il continue d’y exercer son métier d’infirmier. Une concession qu’il a faite à sa passion pour la musique qui ne lui aurait pas permis alors de poursuivre des études de médecine. Il avait mis ses pas dans ceux de son père, qui exerce la profession de médecin. Un père vers qui le succès du fils fait affluer aujourd’hui de nombreux malades imaginaires. Et pour cause, son cabinet est facilement indentifiable dans la région où sa famille est la seule qui soit noire. Kamini n’a pas renoncé à reprendre le flambeau, mais en attendant il prépare son premier album. Une priorité face à la déferlante médiatique dont il fait l’objet. Au menu : beaucoup de rap et de la variété.

Afrik.com : Votre chanson Marly-Gomont et son clip, l’un de ceux les plus téléchargés actuellement en France sur Internet, est une véritable carte postale de ce village dont vous êtes originaire. Pourquoi avoir choisi ce morceau pour faire votre entrée sur la scène musicale française ?

Kamini :
C’est une chanson où je raconte ma vie, si j’avais vécu au Congo ou à Paris, il en aurait été de même.

Afrik.com : Tout le monde dit que vous êtes un bol d’air frais pour le rap français à l’instar de cette campagne que vous donnez à voir dans votre clip. Comment expliquez-vous un tel enthousiasme ?

Kamini :
C’est un concours de circonstance. Dans les clips de rap, on a souvent l’habitude de voir des Mercedes, « des femmes à poil », la vie a voulu que mon rap soit à l’opposé de tout cela. Ce n’est pas de la provocation. Marly-Gomont fait ainsi figure d’œuvre originale. Mais le plus marrant de tout ça, c’est qu’il ne s’agit que de mon quotidien.

Afrik.com : Avez-vous choisi délibérément de diffuser et de promouvoir votre œuvre sur Internet ?

Kamini :
Absolument pas. C’est pas la force des choses que mon clip s’est retrouvé sur le Net. J’ai envoyé à la mi-juin un lien pour faire visionner le clip aux majors. J’avais estimé que le clip-vidéo serait une manière efficace de faire découvrir mon œuvre. Ce sont les stagiaires de ces maisons de disque qui ont fait circuler le lien sur des forums. Ça s’est passé très vite, le 12 septembre, je me suis retrouvé sur des chats. Le lendemain, j’étais sur Fun Radio et le 22 j’étais invité chez Cauet. Nous voulions d’abord signer avant d’utiliser Internet. On a d’ailleurs été obligés de créer un site officiel très rapidement, la veille de l’émission de Cauet, pour récupérer le mouvement avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. Ce qui explique sa sobriété. Il y avait déjà des sites autour du lien. Avant de s’appeler www.kamini.fr, je crois qu’on l’avait baptisé « Kamini, le vrai » ou quelque chose d’approximatif.

Afrik.com : Vous êtes infirmier, comment avez-vous réussi à concilier études et rap, puis travail et rap ?

Kamini :
Il fallait faire des études pour être peinard. On finit les études, puis on se consacre à son art. Cela a été d’abord une exigence de mes parents. Après le bac, j’ai suivi des études d’infirmier, parce que bien que voulant faire médecine, je me suis rendu compte que la charge de travail ne serait pas compatible avec la musique et les sorties. Je m’étais fixé deux ans d’exercice, et ça fait un an et demi que je travaille, avant de retourner en fac pour faire médecine. Je ne lâche rien, mais nous sommes dans un pays où de nombreuses opportunités s’offrent à vous. L’idéal aurait été que tout cela arrive après la P1 (première année de classe préparatoire de médecine, ndlr ) à cause de la charge de travail. Mais ça a pété du feu de dieu et j’en suis très heureux. Je suis le mouvement tout en restant fidèle à mes projets. Pour ce qui est du travail, j’ai tenu à continuer à faire, depuis le 12 septembre, mes deux nuits par semaine dans la structure psychiatrique dans laquelle je suis employé depuis 9 mois.

Afrik.com : Que pense votre entourage professionnel de ce succès ?

kamini :
Mes collègues sont heureux pour moi et me demandent des autographes pour leurs enfants et, parfois même, pour eux.

Afrik.com : Quand disposera-t-on d’une oeuvre de Kamini qui ne sera pas virtuelle ?

kamini :
Un single est prévu pour la mi-novembre et un album pour plus tard. J’ai signé avec une major, mais j’aurai mon propre label. Je veux rester indépendant afin de demeurer proche des gens. Je ne veux pas me retrouver dans une grosse machine où vous n’avez aucune emprise sur les choses. Quand vous restez à l’écoute des gens, vous savez ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent. Internet permet d’avoir une telle approche. Je vais continuer à promouvoir ma musique sur le Net. Je réserve d’ailleurs quelques surprises sur mon site aux internautes.

Afrik.com : Quelle sera la couleur de vos prochains morceaux ?

kamini :
Ils seront toujours liés à ma vie. Je parlerai de la maladie… les thèmes sont inépuisables dans le rap et n’ont pas de limites. J’ai plein de choses dans mes malles. On a choisi Marly-Gomont parce qu’il me présente. Je ne sais pas si c’est mon égo d’artiste (rires) qui me joue des tours, mais je pense que ça aurait marché aussi avec un autre morceau.

Afrik.com : Vous avez reçu de nombreux surnoms. On qualifie, par exemple, votre genre de « rap rural », que pensez-vous de toutes ces étiquettes ?

Kamini :
Je fais tout simplement du rap de Kamini. Je m’en fous des étiquettes. Je fais mon « truc » sans me préoccuper de ce que les gens pensent. Ça passe ou ça casse ! Je veux faire mes preuves par mon travail. Il y aura toujours des gens pour l’interpréter. Si j’avais fait une chanson sur la lune, ils l’auraient peut-être appelée « rap cosmique ». Ces étiquettes vont rapidement disparaître avec mes autres concepts.

Afrik.com : Dans votre clip, vous racontez que vous étiez les seuls Noirs à des kilomètres à la ronde et vous évoquez le racisme que vous avez subi dans votre enfance …

Kamini :
A ce niveau, ça a été une galère. Mais c’est une question de personnalité. Je n’ai jamais été quelqu’un de violent. C’est une souffrance qui me poussait plutôt vers la réflexion. Et à ce sujet, je voulais dire que les gens confondent tout. La dernière fois encore, je participais à l’émission « On a tout essayé » (diffusée sur France 2, chaîne nationale française, ndlr) et l’un des chroniqueurs m’a comparé à Corneille. Comment peut-on comparer un génocide à ce que j’ai vécu ? Ce n’est pas une chanson où je me plains du racisme, je raconte juste un épisode de ma vie.

Afrik.com : Je ne peux décemment pas terminer cet entretien sans évoquer votre coupe de cheveux…

kamini :
Je suis un chevalier de bronze, je me dois d’avoir les cheveux qui vont avec !

 Ecouter et voir le clip sur le site de Kamini

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