Joyandet au Gabon pour recoller les morceaux de la Françafrique


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Le nouveau secrétaire d’Etat français à la Coopération, pour son premier déplacement en Afrique, a choisi de rendre visite ce jeudi au président Omar Bongo, symbole de la « Françafrique ». À Paris, un collectif de citoyens français en profite pour dénoncer la complaisance entre les gouvernements français et gabonais, en rappelant l’existence dans la capitale de biens immobiliers acquis de façon douteuse par la famille du président Bongo.

Le changement de style au Secrétariat d’Etat à la Coopération ne s’est pas fait attendre, après l’éviction en mars de Jean-Marie Bockel, qui avait annoncé la fin de la « Françafrique ». Son successeur Alain Joyandet se rend ce jeudi au Gabon : pour sa première visite en Afrique, il a choisi de rendre visite à celui que l’on présente parfois comme « le dinosaure de la Françafrique », Omar Bongo Ondimba, quarante années à la tête d’un pays riche en pétrole et où le groupe Elf bénéficie d’une forte implantation.

« Je vais aller faire mon premier déplacement africain au Gabon pour rendre visite au président, parce que je veux renouer les fils partout, je veux que l’ambiance constructive soit là », a déclaré Alain Joyandet à Radio France Internationale (RFI). Accompagné du secrétaire général de la présidence Claude Guéant, le secrétaire d’Etat à la Coopération devra surtout recoller les morceaux avec Libreville : les relations entre la France et le Gabon s’étaient récemment tendues après la reconduite aux frontières de deux étudiants gabonais, en février, et surtout à la suite d’un reportage télévisé sur le luxueux patrimoine immobilier d’Omar Bongo en France, diffusé sur France 2 le 3 mars dernier.

« Bien mal acquis »

Entre juin et novembre 2007, les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) avaient rédigé des procès verbaux faisant état de 33 biens immobiliers, à Paris et à Nice, appartenant à la famille Bongo. La justice française avait ouvert une enquête pour « recel de détournement de biens publics », avant de classer l’affaire sans suite.

Sans suite pour la justice, mais pas pour la Cellule Françafrique, un collectif de jeunes citoyens français « pour une autre politique de la France en Afrique ». Pour dénoncer la visite de courtoisie d’Alain Joyandet à Omar Bongo, ils ont organisé ce jeudi une saisie symbolique d’un hôtel particulier de la famille Bongo, 4 rue de la Baume à Paris (8ème arrondissement). Avec force pancartes dénonçant le « bien mal acquis », ils ont restitué à la société civile, représentée par Marc Oba, coordinateur de la plateforme « Publiez ce que vous payez » (qui demande aux compagnies extractives de publier le montant des taxes et redevances qu’elles payent aux Etats dans lesquelles elles sont présentes), le contrat de propriété de cet hôtel acheté en juin 2007, plus de 18 millions d’euros, par une société civile immobilière (SCI) qui associe des proches de Bongo, dont deux de ses enfants âgés de 13 et 16 ans.

Retour au temps de Jacques Foccart

Avec cette visite de Joyandet au Gabon, « ce sont les vieux démons de la Françafrique qui resurgissent », commente Antoine dit « Houphouët-Boigny », membre de la Cellule Françafrique, joint par Afrik.com. « Après la relégation plus que douteuse de Jean-Marie Bockel, on retrouve les pratiques du passé, celles du temps de Jacques Foccart (le « Monsieur Afrique » du général de Gaulle et de Pompidou, ndlr), où la politique de la France en Afrique se joue en catimini, dans le secret des cabinets ministériels, au lieu d’être débattue à l’Assemblée nationale ! » Signe révélateur : Alain Joyandet a affirmé la veille de sa visite qu’il « agira sans doute assez discrètement »…

Rien à voir, donc, avec les déclarations de Nicolas Sarkozy en campagne, qui annonçait vouloir rompre avec les pratiques de Jacques Chirac, grand ami des chefs d’Etat africains, avec celles de la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme Rama Yade, pour qui « l’Afrique à papa, c’est terminé », et surtout avec celles du secrétaire d’Etat d’ouverture Jean-Marie Bockel, qui avait déclaré vouloir « signer l’acte de décès de la Françafrique ». De son côté, le président gabonais semble tout à fait disposé à se réconcilier avec la France. Soupçonné d’avoir demandé « la peau » de Bockel, Omar Bongo n’avait pas caché que son remplacement par Alain Joyandet, lors du remaniement ministériel du 18 mars dernier, était pour lui « un signe intéressant ».

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