Jeunesse en état d’ivresse sur l’Ile Maurice


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Stella
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Les jeunes Mauriciens boivent de plus en plus et de plus en plus tôt. La première fois se passe souvent en famille ou entre amis et les jeunes considèrent l’alcool comme un vecteur de détente et d’amusement. Face à cela, les autorités s’organisent pour les protéger des nombreux risques.

Viens boire un p’tit coup à la maison ! Les jeunes Mauriciens sont de plus en plus nombreux à céder à l’appel des boissons alcoolisées, la drogue légale la plus prisée de l’île. Une façon pour eux de prendre du bon temps et de se sentir plus adultes. Le rituel commence parfois dès la pré-adolescence. La quantité et la force des spiritueux absorbés augmente avec l’âge. Le phénomène s’est accentué ces dernières années, donnant lieu à une large mobilisation des autorités.

Filles et garçons à la même enseigne

La prière goutte d’alcool est souvent partagée en famille. A l’occasion d’une fête ou d’une célébration. « J’ai bu de l’alcool pour la première fois à 16 ans lors d’une réunion familiale, raconte Patrice, un Mauricien de 24 ans. Par la suite, je trinquais avec mes proches à l’occasion d’un dîner ou à l’apéritif. » D’autres commencent entre amis, pour s’amuser, relever un défi ou encore parce qu’ils ont cédé à la pression de leurs pairs. « Certains de mes amis ont bu pour la première fois entre 12 et 14 ans, explique Olivier, 20 ans. Pour la plupart, il s’agit de montrer leur virilité. C’est celui qui boit le plus qui est un vrai homme. »

La gent masculine n’est pas seule à succomber aux vapeurs alcoolisées. Les filles n’y sont pas insensibles, même si la majorité se calme après le mariage. Elles redoublent même des stratagèmes pour ne pas être repérées. « Elles boivent autant que les garçons. Dans les voitures, en boîte et même pendant la récréation. Elles transvasent l’alcool dans des bouteilles colorées pour passer inaperçues dans les cours d’école », poursuit Olivier. Résultat : 61,5% des jeunes entre 12 et 24 ans ont déjà bu de l’alcool et 11,4% des jeunes ce cette même tranche d’âge boivent tous les jours ou presque, selon l’association gouvernementale NATReSA (Agence Nationale pour le Traitement et la Réhabilitation des Toxicomanes & Alcooliques). Toujours selon la même source, 2,8% des consommateurs réguliers d’alcool ont pris leur premier verre avant l’âge de 8 ans.

Bois si t’es un homme !

« Les jeunes commencent par la bière et, avec l’âge, se tournent vers le rhum mauricien. Comme nous produisons de la canne à sucre, cette boisson est presque disponible à volonté », explique Pierre Murugan, le chef inspecteur de la Brigade anti-drogue à la section métropolitaine de Saint Louis. « L’alcool est un sujet tabou à l’Ile Maurice. Les jeunes ne boivent pas de façon affichée. Ils ont tendance à se cacher et à se regrouper entre copains pour le faire », estime Vidharshini, une Mauricienne de 25 ans. Ceux qui ne suivent pas la mouvance font l’objet de quolibets. « Je n’ai jamais bu. Lorsque je sors en boîte, je prends toujours un jus de fruits ou un soda. Ça ne m’intéresse vraiment pas, mais mes amis n’arrivent pas à l’accepter. Il me disent que je suis un rabat-joie, un ringard », constate Olivier.

La plupart des buveurs le font occasionnellement, mais certains optent pour une sorte de rituel. « Tous les week ends, je vois mes amis et nous buvons ensemble pour nous détendre. Nous inventons même des anniversaires fictifs pour créer l’événement et avoir une raison de boire. Mes quatre amies préfèrent le vin rouge, mon copain le gin et moi le vieux whisky. Ce que nous apprécions, c’est le sentiment d’être grisés », commente Patrice.

Plus saouls à 25 ans qu’à 40

Ceux qui commencent à boire très jeune sont beaucoup plus exposés au risque d’accoutumance. « Dans la pré-adolescence, le cerveau est en plein développement. Plus on boit jeune, plus la vulnérabilité à la dépendance est grande, explique le Dr Parmanun Jagarnath, psychiatre à l’Hôpital Brown Sequard de Beau bassin (nord-ouest). J’ai déjà reçu des patients âgés de 10 à 16 ans à tendance alcoolique. J’en vois un environ une fois par mois. »

Selon ce psychiatre, le problème s’est fortement accentué ces dernières années. Même constat pour Lindsay Morvan, président de la NATReSA. « La tendance s’est inversée. Auparavant, les centres qui traitent ce type de dépendance accueillaient des patients de 40 ans et plus. Aujourd’hui, beaucoup ont moins de 25 ans », explique-t-il.

La société civile s’organise

Selon le Dr Parmanun Jagarnath, le pays ne dispose pas de structures spécialisées dans la prise en charge des jeunes dépendants. Mais les autorités ont décidé de prendre le problème à bras le corps. Les ministères de la Santé et de l’Education mettent en place des campagnes de prévention. La police n’est pas en reste. « Au vu de ce qui se passait sur le terrain, nous avons pris l’initiative d’organiser des campagnes de prévention dans les écoles pour sensibiliser les jeunes, commente le chef inspecteur de la Brigade anti-drogue à la section métropolitaine de Saint Louis. Parallèlement aux méfaits de la drogue, nous insistons sur les dangers de l’alcool. » Indispensable, car les jeunes ne sont pas suffisamment conscients des risques qu’ils prennent et qu’ils font prendre aux autres. « En fin de semaine, certains jeunes provoquent des accidents de la route à la sortie des boîtes, vers les deux ou trois heures du matin, poursuit Pierre Murugan. Parfois, ils lancent des projectiles sur les gens ou se battent. »

La responsabilisation des parents est tout aussi indispensable. Selon NATReSA, 75,4% des parents savent que leurs enfants boivent. Les parents de Patrice font partie des 40,9% qui disent à leur progéniture de faire attention. « Lorsque j’ai commencé à aller en boîte, mes parents me disaient de faire attention avec la boisson. Il savent bien ce qui se passe quand les jeunes sortent », explique-t-il.

La monde publicitaire aide à la prévention

Le monde de la publicité participe à l’effort de prévention. Une loi destinée à protéger les jeunes interdit « le placement de panneaux faisant la publicité de produits alcoolisés à moins de cent mètres des établissements scolaires. La mesure est très largement appliquée, même s’il y a des exceptions », concède Lindsay Morvan, président de la NATReSA. Les spots publicitaires concernant des produits alcoolisés sont interdis à la télévision avant 21 heures depuis plus de quarante ans. Pas assez pour quelques organisations non gouvernementales (ONG), qui demandent leur suppression pure et simple. « Certains visent clairement les jeunes. Par exemple, ils montrent des acteurs avec des bouteilles de bière à la main devant la mer. Ce qui peut avoir un effet incitatif » souligne Lindsay Morvan.

Récemment, les médias nationaux et l’Association des agences de publicité (Association of advertising agencies, AAA) se sont joint à l’effort de prévention, même si la cible n’est pas exclusivement les jeunes. « Un code d’éthique de la profession publié en 1994 stipule que toute publicité de produits alcoolisés doit comporter la mention sanitaire : A consommer avec modération. Certaines entreprises passent outre. Mais avec cet accord, toutes les agences de publicité qui ne respecteront pas ce critère n’auront plus d’espaces dans les médias », explique Cyril Palan, Président de l’AAA. Les jeunes Mauriciens boiront désormais en leur âme et conscience.

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