Jean-Claude Beaujour veut donner une nouvelle chance au 20ème arrondissement de Paris


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Jean-Claude Beaujour
Jean-Claude Beaujour dans son siège de campagne

Jean-Claude Beaujour, 44 ans, est tête de liste UMP (Union pour un mouvement populaire) dans le 20ème arrondissement, l’un des plus à gauche de Paris. L’ampleur du défi stimule l’énergique avocat guadeloupéen, qui étrille le bilan socialiste et propose un programme dont les points forts son la lutte contre la précarité et le développement économique. Il a accordé un entretien à Afrik.com.

C’est dans son siège de campagne, à la rue de Belleville, sur les murs duquel ses supporters ont inscrit de nombreux messages de soutien, que Jean-Claude Beaujour nous a reçus. Avocat dans un grand cabinet d’affaires, marié et père de trois enfants, la réussite de sa vie professionnelle et familiale lui donne la sérénité nécessaire pour mener le difficile combat électoral qu’il a engagé dans le 20ème arrondissement, l’un des plus pauvres de Paris, où aux dernières présidentielles, 64,6% des électeurs ont voté Ségolène Royal. Face à lui, le maire sortant, le dissident socialiste Michel Charzat, la candidate officielle du PS, Frédérique Calandra, et le candidat du Modem, Didier Bariani. Pour corser la tâche, il doit aussi faire face à la dissidence de Raoul Delamare, l’ancien champion de l’UMP dans ces quartiers. Mais l’adversité semble doper sa combattivité, une valeur que ses parents lui ont transmise.

Né aux Abymes, en Guadeloupe, Jean-Claude Beaujour les a suivis, enfant, à Paris. Une ville où il a grandi. Bon élève, il a poursuivi des études de droit des affaire qui l’ont amené à exercer, par la suite, dans plusieurs grandes villes internationales telles que Londres, Tokyo, Abidjan et Shanghai. Engagé dans le milieu associatif, il est venu à la politique en 1997, date à laquelle il a pris sa carte du RPR (ex-UMP), en réaction à la politique menée par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin et, notamment, au projet de loi des 35 heures. A partir de 2001, il s’est mué en militant politique ; et l’année dernière il a été candidat aux élections législatives dans la 6ème circonscription – qui recoupe une partie des 11ème et 20ème arrondissements –, où il a été devancé par la socialiste Danièle Hoffman-Rispal. Il estime que sa candidature est « symbolique » et que son programme donnera une nouvelle « chance » au 20ème arrondissement. Interview.

Afrik.com : Pourquoi vous êtes-vous engagé dans la bataille des municipales ?

Jean-Claude Beaujour : Le combat des municipales vient à la suite d’autres combats politiques. Aux élections législatives, j’ai été candidat dans la 6ème circonscription de Paris et j’ai souhaité, à la demande de Françoise de Panafieu, poursuivre mon implication politique dans le 20ème arrondissement. Parce que je pense que son projet de faire de Paris une grande capitale européenne et internationale correspond à l’idée que j’ai de ma ville. J’ai une expérience internationale, j’ai vécu dans plusieurs mégapoles à travers le monde, donc c’est une idée qui me parle et, à l’avenir, je pourrai apporter à Françoise de Panafieu mon éclairage ou, à défaut, mon expertise. Deuxièmement, je suis un Parisien du quotidien. Je suis avocat ici, j’ai des enfants qui vivent ici, et je suis pour que les Parisiens ordinaires soient présents dans les instances politiques. Ce n’est pas une démarche isolée de ma part, car en tant qu’avocat je suis membre de plusieurs organisations professionnelles.

J’ai été aussi administrateur du théâtre 13, à Paris. Pour moi, c’est une démarche naturelle que de participer à la vie de la collectivité. On ne peut pas sans cesse critiquer sans donner de soi-même. Enfin, puisqu’on parle beaucoup en ce moment de « diversité », je pense qu’il est essentiel que nos instances politiques soient à l’image du pays réel. Il ne s’agit pas d’une sorte de communautarisation de notre pays, mais de faire en sorte que des hommes et des femmes qui contribuent à faire fonctionner la France aient une égale chance de la représenter dans le cadre de sa gestion et de sa direction. J’ajouterai de plus, qu’être antillais tête de liste à Paris, c’est un symbole fort. Je suis candidat d’une commune de 200 000 habitants, soit l’équivalent de la population de Strasbourg et plus que la ville du Havre ! Ma candidature a valeur de témoignage aux yeux de ceux et de celles de nos concitoyens qui ont, à tort ou à raison, le sentiment de ne pas être des Français à part entière.

Afrik.com : Vous êtes guadeloupéen, vous avez la peau noire. Est-ce un atout ou un handicap dans le combat politique que vous menez aujourd’hui ?

Jean-Claude Beaujour : Je ne me pose pas la question sous cet angle-là. Car, dans ma tête, je suis un candidat comme un autre. La question, pour moi, n’est pas de savoir si c’est un atout ou un inconvénient, mais de comprendre l’attente de mes concitoyens et ce que je peux faire pour y répondre. Je me préoccupe très peu de ceux qui ne m’aiment pas pour, finalement, me rendre disponible pour les hommes et les femmes qui me rencontrent, me soutiennent et comprennent le projet que j’ai pour l’arrondissement.

Afrik.com : Le 20ème est l’un des arrondissements les plus pauvres de Paris. Et vous dites, dans votre programme, vouloir lui donner « un ballon d’oxygène » sur le plan économique. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Jean-Claude Beaujour : Les faits sont ce qu’ils sont. Le 20ème arrondissement compte 15% de chômeurs là où le reste de Paris est à 11%. Il y a deux fois plus de RMIstes et 40% de familles monoparentales. Nous avons 30% de logements sociaux et nous constatons qu’à bien des égards notre arrondissment s’essouffle. Il y a un beau 20ème, c’est Gambetta. Et un 20ème qui souffre, je pense par exemple à Saint-Blaise où les gens ont un sentiment d’abandon. Il faut remettre le développement économique au cœur de notre quartier, car c’est lui qui va générer des emplois et permettre toute une série d’initiatives qui vont revaloriser l’arrondissement. Mais ce n’est pas le seul élément de notre projet. Il faut travailler à améliorer la sécurité. Il y a encore des foyers de violence dans l’arrondissement. Il faut travailler à la propreté et sur le plan urbanistique afin que les habitants du 20ème aient plaisir à y vivre.

Afrik.com : La lutte contre la précarité est vraiment l’une des priorités de votre programme. Vous parlez de créer une zone franche. Vous voulez augmenter le nombre de logements. Comment pensez-vous faire, concrètement, pour mener ces projets à bien ?

Jean-Claude Beaujour :D’abord, pour ce qui est de la zone franche, nous comptons faire la même chose que les maires de Roubaix ou de Toulon, qui en ont installées en centre ville. Ensuite, nous disons que dans le 20ème il faut plus de logements intermédiaires afin de favoriser la mixité sociale. Il faudra trouver des partenariats publics, privés, pour réaliser les complexes immobiliers que nous envisageons. Il faut construire de beaux ensembles, élever le niveau des étages des immeubles car il y a un problème de foncier. Il faut rétablir un mot oublié, qui pourrait presque passer pour un gros mot : le beau. Prenons en exemple les endroits dans le monde, comme le Brésil, où on a fait de très beaux ensembles, avec de belles tours. Il faut également rétablir le personnel d’immeuble, comme les gardiens qui ont disparu dans les années 70-80. Pourquoi ne pas faire des salles de sport dans chaque bâtiment ? Tout cela permettrait de responsabiliser les gens, de leur créer un environnement favorable.

Afrik.com : Dans le 20ème arrondissement, l’UMP a dû faire face à la dissidence de Raoul Delamare. Et le MoDem semble plus prompt à se rapprocher du PS que de vous. Est-ce que vous avez réussi à recoller les morceaux ?

Jean-Claude Beaujour : Je suis le seul candidat de l’UMP et autour de moi il y a le PRG (Parti radical de gauche), la gauche moderne de M. Bockel et les progressistes, qui sont les partis associés à notre projet. M. Delamare n’est pas le candidat de l’UMP et n’est dans aucune majorité municipale. Donc il ne pourrait pas mettre en œuvre ses propositions. Pour ce qui est du Modem, j’ai toujours cherché à faire l’union de la droite derrière ma candidature. Je ne me suis jamais trompé de concurrent. Il s’agit de mettre aujourd’hui fin à la politique de Delanoé qui, par exemple, avec le Plan de déplacement a ruiné nombre de commerçants de Paris, en particulier dans les rues de Belleville et d’Avron. Ma porte n’est fermée à personne, mais je dois vous avouer que je ne comprendrais pas comment des candidats de droite pourraient soutenir M. Charzat, le maire sortant, alors qu’ils l’ont longuement dénoncé. Mme Calandra, la candidate officielle du Parti socialiste, est l’adjointe de M. Charzat depuis 1995 et est la collaboratrice de M. Delanoé au titre de « médiateur ». Donc à l’évidence elle fait partie des gens responsables de la politique qui a sacrifié le 20ème arrondissement.

Afrik.com : Ce 20ème arrondissement n’en demeure pas moins un fief de la gauche, qu’il vous sera très difficile de prendre. N’êtes vous pas impressionné par le défi à relever ?

Jean-Claude Beaujour : Le 20ème fut naguère à droite, M. Bariani (MoDem) en a été le maire jusqu’en 1995. D’autre part, le véritable défi n’est pas de savoir s’il revient à tel ou tel parti. Aucun parti n’est propriétaire d’un territoire. Il s’agit avant tout de faire comprendre aux hommes et aux femmes qui y vivent que ce sont eux les sacrifiés de la politique menée. Par exemple, la concentration excessive de logements sociaux dans certains points de l’arrondissement a conduit à ghettoïser des pans entiers du 20ème.

Afrik.com : Les 14 et 22 février, vous avez pris part, à Paris et à Saint-Denis, à un rassemblement des candidats Antillais aux municipales de la région parisienne organisé par le CM98 (Comité marche du 23 mai 1998). C’était une première. Que pensez-vous de cette initiative ? Jugez-vous qu’elle est porteuse d’un nouvel élan ?

Jean-Claude Beaujour : Je souhaite préciser qu’il ne s’agissait pas de réunions faites par les candidats eux-mêmes. L’association CM98, comme d’autres structures, a interpellé les candidats pour connaître leur position sur le 23 mai, en tant que date devant commémorer le souvenir des victimes de l’esclavage colonial. C’est dans ces conditions que j’ai dit que je soutiendrais cette date du 23 mai. Est-ce que cette rencontre est une initiative porteuse ? Je ne sais pas. En tout cas, des associations, des syndicats, des groupes de pression demandent aux candidats, pendant la campagne, de prendre position sur certaines de leurs revendications. C’est ce que j’ai fait.

Afrik.com : Quelle sera votre priorité si vous êtes élu maire du 20ème arrondissement ?

Jean-Claude Beaujour : Je crois que ce sera de renouer le dialogue avec les populations qui aujourd’hui ne font plus confiance aux hommes et aux partis politiques, qui ont le sentiment que tout ça ne sert à rien. Je souhaiterais aussi réintégrer la culture du résultat dans ma commune. Nous devrons mieux satisfaire les demandes de nos administrés. Je souhaiterais désormais que les responsables municipaux aient un suivi plus personnalisé des soucis que rencontrent nos concitoyens et que leur priorité soit de trouver une solution acceptable aux problèmes qui leur sont posés.

La profession de foi de Jean-Claude Beaujour

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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