Indemnisation des victimes des essais nucléaires français : un accueil mitigé


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Le projet de loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français effectués dans le Sahara puis en Polynésie française, entre 1960 et 1996, a été adopté par le Sénat le 14 octobre dernier. Les associations des victimes, insatisfaites, mettent notamment en cause l’indépendance du comité d’indemnisation et la liste des maladies retenue par cette loi. Les victimes algériennes pourraient également faire les frais « du manque de volonté politique » de Paris et Alger.

Le projet de loi d’indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires français effectués dans le Sahara puis en Polynésie française, entre 1960 et 1996, a été adopté par le Sénat le 14 octobre dernier. Mais les associations des victimes ne sont pas totalement satisfaites du texte élaboré par l’UMP. L’association des Vétérans des Essais nucléaires (Aven), l’association Moruroa e Tatou et le comité Vérité et justice, du lobbying pour faire aboutir leur cause depuis le début des années 2000, regrettent, notamment, qu’ils ne soient pas associés au comité d’indemnisation dont ils contestent l’indépendance. Ce dernier, présidé par un magistrat et composé essentiellement de médecins désignés par l’Etat, sera chargé d’examiner les demandes individuelles. Il transmettra son avis au ministre de la Défense à qui reviendra la décision finale.

Le texte prévoit également l’indemnisation des personnels civils et militaires, estimés à 150 000 personnes, et les populations locales qui ont contracté un cancer à cause des radiations. Une liste de 18 types de cancer, conforme à celle établie par une agence spécialisée de l’ONU, a été retenue par le Conseil d’Etat. Patrice Bouveret, président de l’Observatoire des désarmements, doute néanmoins que cette liste touche toutes les pathologies contractées à cause des retombées radioactives des essais français. «Les maladies cardiovasculaires, les problèmes de stérilités, de dérèglement hormonal, le diabète, beaucoup de maladies non fixées par cette loi peuvent avoir des radiations pour origine», explique-t-il. L’association Aven, qui compte plus de 3000 membres, a recensé 32 types de cancer et 16 maladies non-cancéreuses chez ses adhérents.

En outre, l’observatoire estime à 250 000 les personnes touchées par les radiations en Polynésie française, soit presque la totalité des habitants de l’archipel. Impossible, en revanche, de dire combien de personnes ont été contaminées par les retombées radioactives des quatre « Gerboise », les essais atmosphériques et souterrains effectués entre 1960 et 1966 dans le désert algérien, où les populations locales mènent souvent une vie nomade. « Ajoutez à cela les ouvriers que ramenait l’Etat Français du Niger voisin pour travailler sur ces sites », et le nombre de contaminé potentiels grandit.

Les victimes pourront déposer les demandes à partir de janvier

Un groupe de travail algéro-français est, par ailleurs, prévu pour permettre aux victimes algériennes de bénéficier de cette loi. « Mais il y a un manque de volonté politique de part et d’autre sur la question », relève Patrice Bouveret qui avait visité, en compagnie d’une équipe d’experts et de journalistes français, le champ d’essai d’In-Ecker. « Le gouvernement algérien ne tient pas à affoler la population au moment où il négocie avec la France pour développer son nucléaire civil ».

Certains aspects de cette loi sont toutefois salués pas les associations des victimes. Notamment le fait que le comité d’indemnisation soit obligé de motiver et de rendre publique sa réponse à la demande d’indemnisation (dans un délai de 6 mois maximum), ainsi que l’introduction de la « présomption de causalité » entre les essais nucléaires et certains cancers. Le texte prévoit également la mise en place d’un comité de suivi, dont devraient faire partie les associations de victimes, pour permettre aux demandeurs d’introduire des recours en cas de refus. La loi d’indemnisation devra encore être soumise à une commission mixte paritaire (7 sénateurs, 7 députés), avant sa promulgation. Les victimes pourront déposer leur demande d’indemnisation dès janvier 2010, promet le ministère français de la Défense.

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