Idrissa Seck viré du PDS


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Réunis au Palais présidentiel vendredi soir, les membres du Secrétariat national du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) ont voté « l’exclusion définitive » d’Idrissa Seck. Depuis plusieurs mois, l’ancien dauphin d’Abdoulaye Wade présente la candidature de son mentor comme « anticonstitutionnelle » et revendique le statut de « candidat naturel » du PDS.

De notre correspondant

C’est l’histoire d’un long compagnonnage qui vire à l’affrontement politique. D’une brouille entre un père et son fils. Réunis vendredi soir à la Présidence, les cadres du secrétariat national du Parti démocratique sénégalais (PDS) ont voté « l’exclusion définitive » d’Idrissa Seck accusé de porter « atteinte aux intérêts du parti ». C’est d’ailleurs le secrétaire général du PDS, Abdoulaye Wade en personne, qui a demandé et obtenu la tête de son ancien protégé. « Nous avons tout fait pour lui tendre la perche. Mais je crois qu’il n’est pas sain et il n’est pas un saint non plus, aurait lancé Wade. On a fait toutes les concessions pour le garder, mais il continuait de plus belle ses actions fractionnistes ». Sur 123 membres, seulement deux se sont opposés au renvoi d’Idrissa Seck, qui n’a pas assisté à la réunion. Le 20 décembre 2010, une commission de discipline s’était déjà tenue pour trancher sur d’éventuelles sanctions à son égard. Depuis novembre, le maire de Thiès s’oppose farouchement à la candidature du « Vieux », qu’il juge anticonstitutionnelle, et se présente comme le candidat légitime du PDS à l’élection de février 2012.

Pouvait-il en être autrement entre « Idy », 51 ans, et son mentor, Abdoulaye Wade dont il fut le directeur de cabinet puis le Premier ministre de 2002 à 2004 avant de tomber en disgrâce ? Même bagou, même goût prononcé pour l’intrigue et même ambition, les deux hommes ont beaucoup en commun. Militant du PDS à l’âge de 15 ans, son père était le neveu de l’un des co-fondateurs du parti. Idy grimpe rapidement les échelons. Porte-flingue de Wade, il devient très vite son principal lieutenant. Le Sénégal le découvre en 1988. À seulement 29 ans, il est bombardé directeur de campagne d’Abdoulaye Wade et présenté, déjà, comme l’éminence grise du PDS. Douze ans plus tard, il dirige pour la deuxième fois la campagne du candidat Wade. Cette fois, c’est le grand soir !

De la Primature à la maison d’arrêt

Directeur de cabinet du président avec rang de ministre d’Etat et numéro deux du PDS, Idrissa Seck accède à la Primature en novembre 2002. Il rêve déjà de succéder au « vieux » en 2007. Pourtant, c’est à la prison qu’il atterrit en juillet 2005. Ses anciens camarades le traînent devant la Haute cour de justice pour détournement de fonds dans l’affaire des chantiers de Thiès, corruption, faux, usage de faux, atteinte à la défense nationale et atteinte à la sûreté de l’Etat. Libéré après six mois et demi derrière les barreaux de la maison d’arrêt de Reubeuss, Idrissa Seck créé son parti politique et annonce sa candidature pour la présidentielle de 2007 face à Wade. Les liens entre le père, de plus en plus proche de son « fils biologique », et son « fils spirituel » (selon les mots d’Idrissa Seck lui-même) seraient-ils définitivement coupés ? Pas sûr…

À la surprise générale, l’ancien dauphin se rend au palais présidentiel à la veille du scrutin pour s’entretenir pendant quatre heures avec Abdoulaye Wade. À la sortie, le président déclare qu’Idrissa Seck a « accepté de réintégrer le PDS ». L’intéressé ne dément ni ne confirme semant ainsi le trouble parmi ses sympathisants. Avec 15% des suffrages, il termine quand même deuxième de l’élection. Wade est lui réélu dès le premier tour.

L’hémorragie se poursuit au PDS

Finalement, Idrissa Seck ne rentre au bercail qu’en début d’année 2010. Et le retour tant annoncé du fils prodige ne fait pas que des heureux au sein du PDS. Idrissa Seck est désormais décrit comme un opportuniste qui valse selon ses humeurs et ses intérêts personnels. Les jeunes loups de la génération du concret, le mouvement lancé par Karim Wade, se méfient. La vieille garde aussi. En fait, si les retrouvailles sont officialisées, la place de l’ancien bras droit dans le parti reste floue. Des rumeurs l’annoncent à la Primature. Une vice-présidence est créée, mais le poste reste vacant. En fait, les deux camps s’observent. Idrissa Seck a toujours le même objectif en tête : devenir le 4e président du Sénégal. Convaincu après son aventure en solo qu’il a besoin de l’appareil du parti libéral pour l’emporter, Idrissa Seck décide de mener bataille à l’intérieur du parti. La suite, on la connaît…

L’exclusion d’Idrissa Seck entérinée, tous les problèmes ne semblent pas pour autant résolus au PDS. Depuis plusieurs mois, le parti connaît une hémorragie. Certains observateurs s’interrogent : un général peut-il partir en campagne sans lieutenants ? Après Macky Sall en 2008, Cheikh Tidiane Gadio en 2009 et Landing Savané voici quelques mois, c’est au tour d’Aminata Tall, une fidèle parmi les fidèles depuis plus de trente ans, de claquer la porte. Plusieurs fois ministre, nommée secrétaire générale de la Présidence en 2009, cette très proche collaboratrice de Wade, qu’elle qualifie aujourd’hui de « trompeur », avait quitté le Palais, où dit-on elle se sentait à l’étroit, et elle avait, lors du dernier remaniement en février, refusé le portefeuille de la Fonction publique estimant mériter mieux. Dans la maison du « père », les disgrâces succèdent aux disgrâces. Et ses « enfants » pourraient bien être nombreux à lui contester le fauteuil présidentiel l’an prochain.

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