Homophobie endémique ? Viols et violences en Afrique du Sud


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Les homosexuels sont fortement discriminés en Afrique du Sud et sur l’ensemble du continent. Ils encourent une peine de prison dans une majorité de pays. Mais certaines évolutions apparaissent. Il en va ainsi de la condamnation de quatre personnes accusées du meurtre d’une jeune lesbienne le 1er février dernier. Certaines explications discutables mettent en avant le machisme des sociétés africaines qui serait à l’origine des violences faites aux lesbiennes et aux homosexuels en général.

Les quatre hommes reconnus coupables du meurtre d’une jeune femme lesbienne de 19 ans, Zoliswa Nkonyana, ont été condamnés à 18 ans de prison mercredi 1er février par la justice sud-africaine. Ils avaient lapidé, frappé puis poignardé leur victime à quelques mètres de son domicile en 2006. Pour la première fois dans cette affaire, la justice sud-africaine a reconnu que l’orientation et l’identité sexuelle peuvent être des circonstances aggravantes lors d’un meurtre. Une victoire pour les droits des homosexuels en Afrique du Sud, un pays dont la législation est particulièrement en avance sur le sujet.

En 2006, l’Afrique du Sud légalisait le mariage homosexuel, après avoir déjà permis l’adoption par des couples du même sexe en 2002. Ce pays fait figure d’exception en Afrique, alors que l’on estime que 39 des 54 pays qui composent le continent pénalisent encore l’homosexualité. L’Ouganda s’était par exemple illustré en 2009 en voulant faire passer une loi, « Anti-homosexuality Bill 2009 », qui visait à punir de la peine de mort plusieurs actes homosexuels. Les autorités ougandaises avaient ensuite fait marche arrière devant la levée de boucliers internationale déclenchée par le projet de loi. Le ministre du gouvernement ougandais avait alors déclaré que « les lois en vigueur sont suffisantes pour protéger l’Ouganda de l’homosexualité ».

Une situation préoccupante

Le meurtre de Zoliswa Nkonyana est l’exemple que beaucoup de femmes et d’hommes homosexuels sont victimes de discriminations et de violences en Afrique du Sud. « Une étude de 2008 a révélé que 86% des lesbiennes noires de la province du Cap occidental, dans le sud-ouest, vivaient dans la crainte d’une agression sexuelle, dans un pays qui voit environ 500.000 viols par an », rapporte Afriquinfos. En 2009, 68 000 agressions sexuelles ont eu lieu dans le pays, selon des chiffres officiels rapportés par Le Monde. Ce chiffre pourrait être dans les faits dix ou vingt fois supérieurs. Une autre étude publiée en 2009 par le Medical Research Council avait fait grand bruit en déclarant, selon leurs auteurs, qu’un homme sur quatre avait déjà violé. Ces chiffres issus d’une extrapolation d’un très petit nombre de foyers sont bien sur à relativiser. La part de « viols punitifs » de lesbiennes parmi ces crimes est inconnue. Très peu de donnés fiables sont disponibles au niveau nationale sur les crimes contre les lesbiennes et contre les homosexuels en général. Mais si on ne peut considérée cette enquête comme représentative, c’est une illustration possible d’une certaine manière de pensée.

Des « viols correctifs » pour « soigner »

Pour leurs auteurs, ces « viols correctifs » sont censés « soigner ». Il s’agit en fait de remettre dans le « droit chemin » des êtres jusque là « contre-nature ». La sentence est lourde pour les victimes qui, si elles portent plaintes, se retrouvent la plupart du temps face à l’inaction de la police.

« Le viol correctif est certes vieux comme le monde, mais on a l’impression qu’il est paradoxalement en augmentation depuis la légalisation de l’homosexualité, peu après l’élection de Nelson Mandela et la fin de l’Apartheid. En Afrique du Sud, comme elles n’avaient plus besoin de se cacher, les lesbiennes sont devenues plus visibles et la cible de tous les maux. C’est le signe d’une société toujours phallocratique, qui veut que la femme reste l’objet exclusif du désir et de l’appétence de l’homme », a expliqué à Libération. Charles Gueboguo, sociologue camerounais. Auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l’homosexualité en Afrique, il est actuellement à l’université du Michigan aux Etats-Unis et analyse les répressions actuelles qui touchent la communauté gay.

L’homophobie importée de l’Occident ?

Plusieurs explications plus ou moins convaincantes s’affrontent sur la prégnance de l’homophobie en Afrique et en Afrique du Sud. Certains auteurs ont avancé que ce rejet était dû au modèle du patriarcat et de la polygamie encore très présent en Afrique du Sud, qui pousserait au machisme. Le viol serait ensuite une preuve de virilité. D’autres citent encore l’influence des évangélistes américains sur le continent qui favoriseraient la diffusion du sentiment anti-gay.

Certains dirigeants africains affirment que ce sont les colons qui auraient propagés l’homosexualité en Afrique et qui serait une perversion apportée de l’Occident. La lutte contre l’homosexualité serait une manière de se réapproprier un destin national indépendant de toute influence extérieure.

Charles Gueboguo a une idée différente sur la question. « Pour certains chercheurs, c’est plutôt en fait l’homophobie qui aurait été importée de l’Occident, via la religion notamment. Je partage cette analyse avec modération. Car, si l’on pose que l’homosexualité est une forme d’expression d’un sentiment humain, il reste tout aussi humain que son pendant opposé. Le sentiment anti-homosexuel est de toutes les ères et de toutes les cultures. Ce que l’on peut dire c’est que via la colonisation, c’est la codification de l’homophobie dans un système légal qui a été importée », rapporte Libération.

Les mobilisations associatives ainsi que certaines initiatives prouvent qu’il y a une certaine évolution des mœurs sur le continent. Il en va ainsi de l’élection de Mister gay en Namibie, en novembre dernier, remportée par Wendelinus Hamutenya, un jeune homosexuel de 25 ans. Ce jeune gay a bien l’intention d’utiliser sa notoriété pour faire évoluer les mentalités.

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