Grève du sexe au Kenya


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« Pas de réforme, pas de sexe ! », tel est le mot d’ordre du mouvement lancé, mercredi, au Kenya, par l’Organisation de développement des femmes pour protester contre les différends qu’entretiennent le Premier ministre et le Président de la République. Des différends qui menacent le précaire équilibre du pays. Même Ida Odinga, l’épouse du chef du gouvernement kenyan, s’est dite solidaire de l’initiative. Les hommes kényans devront se passer jusqu’à jeudi des plaisirs de la chair, à l’égal des personnages imaginés par le dramaturge grec antique Aristophane, dans sa pièce Lysistrata.

La « Semaine de l’abstinence » décrétée par les kényanes fait de nombreuses adeptes, au grand dam des hommes. Elles espèrent convaincre le Premier ministre, Raila Odinga, et le président, Mwai Kibaki, d’agir contre la pauvreté plutôt que de se quereller sur des questions de protocole et de préséance. Patricia Nyaundi, directrice exécutive de la Fédération des avocates (FIDA), l’organisation qui a impulsé le mouvement composé aujourd’hui d’une coalition d’associations et de citoyennes convaincues, estime que la grève du sexe est une excellente façon pour les femmes d’exercer leur force de persuasion. « Les grandes décisions sont prises sur l’oreiller, donc nous demandons aux deux dames (les épouses du Premier ministre et du président) lorsqu’elles se retrouvent dans l’intimité avec leurs maris de leur demander : « Mon chéri, peux-tu faire quelque chose pour le Kenya ? » », a expliqué Patricia Nyaundi à la BBC.

Dès jeudi dernier, au lendemain du lancement du mouvement, Ida Odinga, l’épouse du Premier ministre kenyan, s’est dite solidaire. Ce week-end, lors de l’émission Africa Network diffusée par la BBC, elle a déclaré, pour justifier sa décision, qu’« il y a beaucoup de femmes qui subissent des viols, qui souffrent de la faim, et jusqu’à maintenant nos gouvernants ne pensent pas au gens du peuple, ils ne se soucient que de savoir qui sera responsable de ceci ou de cela ». Elle n’a cependant rien déclaré au sujet de l’acariâtre première dame, Lucy Kibaki. Celle-ci n’a pas dit si elle faisait subir à son auguste mari les affres de l’abstinence.

Ne pas faire l’amour pour combattre la guerre

Les femmes kenyanes espèrent qu’en privant tous les hommes du pays de sexe (elles ont même promis un dédommagement aux prostituées afin qu’elles s’associent au mouvement et interdisent tout échappatoire aux mâles en rut), ils réfléchiront mieux aux moyens de faire taire leurs différends au sein de la société comme au sommet de l’Etat. Quelque 1500 personnes avaient été tuées et plus de 300 000 déplacées suite aux violences nées au cours des élections présidentielles de décembre 2007. En février 2008, Raila Odinga avait accepté de devenir le Premier ministre de Mwai Kibaki. Mais depuis, les relations des deux hommes se sont dégradées, menaçant les intérêts du pays et la paix sociale.

L’initiative des femmes kényanes n’est pas sans rappeler Lysistrata, une comédie grecque écrite en 411 avant JC par Aristophane. La pièce, dont l’action se déroule au cours d’une guerre entre Athène et Sparte, raconte l’initiative de Lysistrata, une belle Athénienne qui a réussi à convaincre les femmes de toutes les cités de déclencher une grève totale du sexe, jusqu’à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat. Jeudi, nous saurons si l’initiative de Patricia Nyaundi aura eu le même succès que celle de Lysistrata.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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