George Pau-Langevin : « je voulais montrer que la diversité, c’était possible »


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George Pau-Langevin est la nouvelle députée (PS) du vingtième arrondissement de Paris. L’avocate guadeloupéenne, seule candidate issue de la « diversité » élue à l’Assemblée nationale française, revient pour Afrik.com sur les élections et livre son regard sur l’évolution des mentalités et des représentations en France.

Après une désignation mouvementée au sein du Parti socialiste et une campagne menée tambour battant, George Pau-Langevin, 59 ans, a été élue, le dimanche 17 juin, députée de la 21e circonscription de Paris avec 62, 7% des voix face à son adversaire UMP, Raoul Delamarre. Pendant la pré-campagne et le premier tour, elle avait eu maille à partire avec le député socialiste sortant et maire du XXe arrondissement, Michel Charzat, qui lui reprochait d’avoir été « parachutée » par le parti. Pour imposer une femme noire dans la 21e circonscription, plusieurs responsables du PS, tels que Bertrand Delanoë, Dominique Strauss Khan et Victorin Lurel – le secrétaire national aux DOM-TOM a même mis sa démission dans la balance –, ont dû batailler ferme. Au second tour des élections, débarassée de son rival socialiste, la candidate officielle a pu bénéficier d’un excellent report de voix. Seule candidate issue de la « diversité » élue à l’Assemblée nationale, George Pau-Langevin est avocate de profession. Après avoir obtenu son bac, en Guadeloupe, en 1965, la Pointoise (native de Pointe-à-Pitre) est partie étudier la littérature et le droit France métropolitaine où elle a prêté serment en 1971. Elle a collaboré avec le célèbre avocat martiniquais Marcel Manville, co-fondateur du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et conduit de nombreux combats pour la défense des droits de l’homme. Parallèlement, elle a mené une vie de militante socialiste active. En 1989, elle a été nommée présidente de l’Agence nationale de promotion et d’insertion des travailleurs de l’Outre-mer (ANT). Et, en 2001, lorsque la Mairie de Paris est passée à gauche, elle y est devenue déléguée générale à l’Outre-mer, une fonction qu’elle occupe encore.

Afrik.com : Vous êtes, depuis dimanche, la nouvelle députée du XXe arrondissement de Paris. Quel est votre sentiment après cette victoire ?

George Pau-Langevin :
Comme après toute victoire, j’éprouve une grande satisfaction. Lorsque je suis partie dans l’aventure de la désignation [à la candidature socialiste, ndlr], je voulais montrer que la diversité, c’était possible. Cette désignation a été difficile, mais une fois que le parti m’a soutenue, l’électorat a suivi. Ce qui prouve que dans ce pays, la force du préjugé est moins forte qu’on ne le pense.

Afrik.com : Vous êtes la seule et la première candidate issue de la « diversité » a avoir été élue député en France métropolitaine. Comment expliquez-vous qu’en dépit de tous les discours de principe entendus ces derniers temps, il n’y en ait pas eu davantage ?

George Pau-Langevin :
Le PS a présenté plus de candidats dits de la « diversité » que l’UMP aux législatives. De plus, ce dernier a envoyé ses représentants dans des circonscriptions ancrées à gauche. Il ne leur a pas donné les moyens d’être élus. D’autre part, gagner les élections est plus difficile pour les candidats de la « diversité » que pour les autres. Ils n’ont pas de mandat local, ils ne sont pas sortants. Cependant, force est de constater qu’ils ont réalisés des scores honorables. Les socialistes Safia Otokoré et Fawzi Lamdaoui, par exemple, ont frôlé la victoire au second tour. Donc l’expérience de la « diversité » est positive. Les candidats qui en sont issus ont prouvé qu’ils étaient capables de faire de bons scores.

Afrik.com : Votre rival au premier tour, le député socialiste sortant et maire du XXe arrondissement, Michel Charzat, a affirmé pendant la campagne que vous aviez été « parachutée » par le parti. Et un autre ténor du PS, Michel Charasse, a déclaré que vous étiez un « pur produit de la cuisse de Jupiter », une façon de dire que vous n’étiez pas légitime…

George Pau-Langevin :
Pas légitime dans le XXe arrondissement, moi ? J’y vis avec mes enfants depuis plus de 20 ans. L’argument de mes opposants était de dire que j’étais parachutée parce que je n’étais pas élue. Mais ceci n’est qu’une tautologie. Si tant qu’on n’est pas élu, on ne peut pas se présenter, seuls les gens qui ont déjà des mandats pourront être candidats…

Afrik.com : Vous êtes la première descendante d’un peuple colonisé par la France élue députée dans l’Hexagone. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont nommé Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara aux postes de ministre et de secrétaires d’Etat dans le gouvernement. Est-ce que votre élection et ces nominations sont, pour vous, le signe d’une réelle évolution de la société française ?

George Pau-Langevin :
Oui, il y a une évolution. Depuis quelques années, le modèle universaliste dominant est remis en cause. Aujourd’hui, on a compris que l’universalisme est en chacun de nous. En effet, je peux être antillaise tout en me préoccupant des problèmes de tout un chacun. L’identité particulière d’un élu n’entraîne plus nécessairement un manque de confiance de la part des administrés.

Afrik.com : Quels atouts vous procure votre identité antillaise ?

George Pau-Langevin :
Bien plus que certains le pensent, aux Antilles, nous avons une grande connaissance de la société française. De plus, l’histoire et l’expérience que nous avons nous permet de comprendre beaucoup d’enjeux de la société française d’aujourd’hui, en particulier celui de la cohabitation entre personnes d’origines et de cultures différentes. En Outre-mer, nous y sommes habitués depuis très longtemps. Mais ici, en Métropole, nombre de gens ont encore du mal à appréhender cette évolution de la société. Par exemple, quand à la Maire de Paris je subventionne un événement autour d’Aimé Césaire, il m’arrive de m’entendre dire que c’est du « communautarisme », alors qu’il s’agit de mettre en avant l’un des plus grands écrivains de langue française ! Je connais Voltaire, Rousseau, certes, mais il y a aussi Césaire. N’est-il pas plus enrichissant de les connaître tous les trois plutôt que de célébrer les deux premiers et d’ignorer le dernier ?

Afrik.com : Continuerez-vous à exercer votre fonction de déléguée générale de l’Outre-mer à la Mairie de Paris ? Et si vous quittez ce poste, à qui passerez-vous la main ?

George Pau-Langevin :
Je suis en train de réfléchir en ce moment à cette question. Je suis contre le cumul des mandats, donc je vais démissionner prochainement de la délégation de l’Outre-mer à la Mairie de Paris. Ma mon remplaçant n’a pas encore été trouvé.

Afrik.com : Quelles ambitions avez-vous pour le XXe arrondissement de Paris ?

George Pau-Langevin :
Ma campagne dans le XXe s’est faite sur le thème de la « cohabitation ». Il y a de gros problèmes intergénérationnels dans cet arrondissement, entre les personnes âgées et les jeunes qui sont bien souvent issus de l’immigration. Donc je devrai œuvrer à apaiser ces tensions. Je m’attaquerai aussi aux problèmes d’emploi, de logement… D’autre part, vous n’êtes pas sans savoir que je suis avocate. En tant que juriste, ça me plaira beaucoup de travailler sur les textes de loi.

 Le blog de George Pau-Langevin

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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