Front National : les Français n’ont plus peur du loup


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Jean-Marie Le Pen
Jean-Marie Le Pen

Plus d’un quart de la population française se déclare en accord avec les idées de Jean-Marie Le Pen et du Front National. Louis Alliot, le secrétaire général du parti d’extrême droite, et Mouloud Aounit, du Mrap, font la même analyse : le FN surfe sur les échecs des partis traditionnels et sur « l’ethnicisation » des problèmes de société.

26% des français se disent en accord avec les idées du Front National (FN), selon un sondage publié jeudi et réalisé par l’institut d’étude TNS/Sofres. Depuis 1 999 et la scission du parti d’extrême droite entre lepénistes et mégrétistes, le taux d’adhésion des Français aux idées du parti d’extrême droite n’a cessé d’augmenter. De 11% en 1999, il est passé à 17% l’année suivante puis à 28 en 2 002. L’année de la fin de la traversée du désert de son président, Jean-Marie Le Pen, arrivé le 21 avril au second tour des élections présidentielles. Le chiffre est tombé à 22% en 2003 avant de prendre deux points les deux années suivantes. Dans le même temps, 70% des personnes interrogées se déclarent en désaccord avec les idées du FN. Soit trois points de moins qu’en 2005 et dix de moins qu’en 2 000.

« Cela veut dire que les médias ne reflètent pas la réalité de l’opinion, pas plus que le parlement français », commente Louis Alliot, le secrétaire général du FN. « J’ai toujours dit que nous défendions des valeurs de bon sens et que le peuple français était sans doute le moins raciste du monde », assure-t-il. Pour le secrétaire général du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), le sondage confirme au contraire « la lepénisation des esprits ». Elle confirme également le fait que « de violentes idées racistes deviennent une opinion comme n’importe quelle autre », poursuit Mouloud Aounit, qui cite les récentes sorties médiatiques du philosophe Alain Finkielkraut, du dirigeant socialiste Georges Frêche ou de l’animateur Pascal Sevran.

« Surf sur les capitulations » des partis traditionnels

Un coup d’oeil sur la courbe d’adhésion aux idées du FN de TNS/Sofres suffit pour s’apercevoir que la santé du parti d’extrême droite est, depuis 1984, plus qu’irrégulière. Elle a été marquée par d’autres pics de forme (32% en octobre 1991 et deux fois 28% en 1996 et 2002), comme de méforme. Mais pour le secrétaire général du Mrap, dont l’association a gagné deux procès contre le FN, en 1987 et 1999, notamment pour « provocation à la haine, la discrimination et la violence raciale », un cap a été franchit. « L’extrême droite progresse quand nous sommes dans une société qui n’a plus de valeurs. Le fait qu’il n’y a plus d’affrontements idéologiques entre gauche et droite joue dans ce sens. »

Les Français auraient-ils changé ou bien est-ce le FN ? « Le FN a sans doute fait des efforts de présentation, explique Louis Alliot. Mais ce sont les événements qui viennent à nous plus que nous ne faisons d’efforts. » Ce que confirme Mouloud Aounit. « Le FN surf sur une réalité : sur les questions de la diversité, des banlieues… la gauche comme la droite n’ont pas été capables d’apporter de réponses. Au contraire, elles ethnicisent ces problèmes de société et le FN s’appui sur leurs capitulations. »

Le FN en défenseur des « immigrés »

59% des personnes interrogées par Sofres sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « il y a trop d’immigrés en France ». Parmi les « événements » qui donnent des couleurs au FN, Louis Alliot évoque comme Mouloud Aounit « le fait que la droite face la même politique que la gauche » et « les émeutes dans les banlieues. Elles montrent que plus on met d’argent dans les quartiers, plus il y a de problèmes. Le problème est peut-être l’intégration de ces gens là, qui sont pour la plupart des Français », développe-t-il. Le FN serait-il devenu le défenseur de ces derniers ainsi que des Français d’origine étrangère ?

Sur une affiche du parti interdite en 1991 par la justice, l’« Immigration » était le « I » de « SIDA » (Socialisme, Immigration, Drogue, Affairisme). Mais le propos a évolué. Cette année, une jeune française métisse et « assimilée » figure même sur une affiche de la campagne présidentielle. Alors que les partis traditionnels banalisent certaines idées du FN (« la France tu l’aimes ou tu la quittes » de Nicolas Sarkozy…), Jean-Marie Le Pen chasse effectivement là où on ne l’attendait pas. Ce changement s’entend dans le discours qu’il a prononcé à la fête « Bleu Blanc Rouge », au Bourget, le 12 novembre dernier, et qui fait office de « projet présidentiel » sur le site du FN. « Mépris des immigrés, parqués dans les culs de sac de l’immigration que sont les cités, traités tantôt comme des victimes, tantôt comme des criminels, selon les besoins de politiques qui les voient toujours comme des primitifs et qui les manipulent (…) », commente-t-il.

Dans le même texte, le président du FN explique vouloir « assimiler (…) les immigrés devenus français au cours des dernières années ». Mais il ajoute que « pour ne pas altérer les équilibres économiques des systèmes de protection qui ont été mis en place d’abord au bénéfice des français », il faut arrêter « l’immigration qui pèse d’un poids aujourd’hui insurmontable sur les régimes sociaux ». On ne perd pas ses réflexes comme cela.

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