Flammarion Olomo : irrésistible et irréductible


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Flammarion Olomo

Flammarion Olomo est le directeur couture Afrique de la marque de vêtements pour homme Francesco Smalto. Une charge sur mesure que s’est offert l’ancien mannequin qui sillonne son continent à la recherche d’une nouvelle clientèle pour la prestigieuse maison. Rencontre avec un esprit volontaire enveloppé dans un corps de rêve.

De lui, on pourrait dire (sans trop exagérer) qu’il est beau comme un dieu… africain. Lui, c’est Flammarion Olomo, le directeur couture Afrique de la maison Smalto. Car, si vous êtes fait de chair et de sang, vous ne pourrez rester insensible à l’allure flamboyante, comme son nom l’indique, d’un Flammarion Olomo vêtu d’un costume Smalto. Quoi de plus normal, me direz-vous, pour l’ambassadeur de Smalto en Afrique, un continent phare pour la marque.

Afrik.com : Racontez-nous un peu vos débuts dans la mode…

Flammarion Olomo :
Comme tous les parents, les miens auraient souhaité me voir réussir par le biais d’un schéma classique. C’est-à-dire faire des études qui m’auraient permis d’accéder à un métier ‘sûr’. Papa était un homme assez sévère, donc j’ai dû cacher mon envie de faire du mannequinât. En plus, j’ai toujours eu du mal avec l’autorité qu’incarne l’école, j’ai toujours été un homme libre, quelqu’un qui fait ce dont il a envie. L’idée de faire ce métier date de mon enfance. Quand j’avais déjà 9 ans, j’étais déjà le mannequin maison. Mon papa est quelqu’un qui voyageait beaucoup vers l’Europe et donc, à chaque fois qu’il rentrait, je recevais plein de cadeaux, dont des vêtements. Et comme chez nous, nous avions une éducation assez stricte, nous ne pouvions pas passer à table si nous n’étions pas propres. Je m’arrangeais donc pour me salir pour qu’on puisse me changer parce que j’adorais les vêtements. A cette époque-là déjà, la famille et les amis trouvaient que je les portais bien. L’idée de devenir mannequin s’est ainsi, petit à petit, imposée à moi.

Afrik.com : A quel moment avez-vous quitté votre pays natal pour venir faire carrière en France ?

Flammarion Olomo :
J’ai quitté le Cameroun le 1er février 1988, à peine majeur pour l’Afrique (il est né le 14 mars 1958, ndlr ), pour faire des études de commerce international. Ça n’a jamais été le cas, mais surtout ce fut le début de la galère car le cousin qui était censé venir me chercher ne s’est jamais présenté à l’aéroport. Il a fallu s’adapter à l’hiver, entre autres. Le reste de mes aventures, je le raconterai peut-être dans un livre – si un éditeur est intéressé, pourquoi pas – car il y a un vécu que certaines personnes qualifient d’exceptionnel, ce qui n’est pas mon avis.

Afrik.com : En dépit des difficultés, vous finirez par devenir mannequin et Ungaro sera votre premier employeur…

Flammarion Olomo :
Ce n’est pas arrivé tout de suite. J’ai fait de la menuiserie pour survivre, j’ai été SDF… Je le suis encore aujourd’hui d’une certaine manière : souvent quand on me demande ce que je fais, je réponds que je suis un SDF de luxe parce que je passe ma vie à voyager et vivre dans des palaces. Après plusieurs galères, j’ai rencontré des amis qui m’ont mis le pied à l’étrier, qui m’ont permis de faire des défilés à l’étranger, en Allemagne entre autres, pour des centres commerciaux. En somme, je me suis formé sur le tas. J’ai eu ensuite la chance de faire des rencontres. Notamment celle de Diane Chatillon, qui était à l’époque directrice de la communication chez Ungaro. Je l’ai connu parce qu’entre-temps je travaillais dans une boutique de chemises qui s’appelle Café Cotton dont l’un des clients était l’ami de Diane Chatillon. Il m’a invité à une fête en l’honneur de cette dernière, qui m’a demandé ce que je faisais. Je lui ai dit que j’étais vendeur pour l’instant, mais que ma vraie passion, c’était le mannequinât. Ce en dépit de mes déboires avec les agences. Elles m’expliquaient en général qu’elles avaient déjà deux ou trois mannequins noirs qu’elles n’arrivaient pas à faire travailler et qu’elles ne se voyaient pas en recruter un quatrième. C’était dans les années 90, mais je ne suis pas certain que les choses aient changé aujourd’hui. J’ai été d’ailleurs dans la meilleure agence, PH One. Elle n’avait même pas pris la peine de regarder mon book jusqu’à ce que je rencontre M. Ungaro, par l’intermédiaire de Diane Chatillon, qui a appelé PH One pour leur dire qu’il souhaitait me faire défiler. Comme je n’avais pas d’agence, il leur avait demandé de me prendre. C’est alors seulement que j’ai signé un contrat chez eux, à mes conditions cette fois-ci, puisque j’avais déjà du travail.

Afrik.com : Après, vous avez défilé pour Smalto…

Flammarion Olomo :
Grâce à Pascal Nouma. Le footballeur était alors au PSG (le club de football parisien, ndlr) et défilait, pour le plaisir, pour la maison de couture. Il m’a présenté le directeur artistique de Smalto et s’est désisté au dernier moment pour un défilé qu’il était supposé faire pour me donner ma chance. Et tout de suite, ça a été la révélation chez Smalto. Jacques Babando, qui était alors le directeur de la communication, m’a dit : « J’ai vu trois personnes marcher comme ça : Naomi Campbell, Greg Hansen et Albert Delègue ». Je l’ai pris comme un compliment. C’est ainsi que ma carrière a pris son envol : Kenzo, Hermès, Ungaro, Smalto, Emporio Armani…

Afrik.com : Comment avez-vous fait pour garder toute votre intégrité dans un métier où l’on dit qu’il y a beaucoup de drogue et qu’il faut coucher pour réussir ?

Flammarion Olomo :
En gardant ma personnalité. On me prend comme je suis. A chaque fois que je sors et que je bois du café et de l’eau, mon entourage s’en étonne. Je leur réponds que je n’ai pas besoin de ça pour m’amuser. Il faut avoir un minimum d’hygiène de vie. Même si je sortais beaucoup à cette époque, c’était pour le travail. Je ne me prive pas non plus de tout. Je suis un épicurien qui ne se refusera pas de goûter à un bon vin même s’il n’aime pas spécialement l’alcool.

Afrik.com : Après vous être retiré des podiums, vous êtes devenu le directeur couture Afrique de la maison Smalto. C’est un poste qui a été créé pour vous ?

Flammarion Olomo :
Je dirai que c’est plutôt moi qui l’ai créé, parce que Smalto m’a fait craquer de par son style, sa qualité et ses coupes qui sont impeccables. J’ai donc toujours eu beaucoup d’affection pour Smalto et je souhaitais intégrer cette maison à la fin de ma carrière de mannequin. Mais à quel titre pouvais-je prétendre le faire ? Pourquoi ne pas se tourner vers l’Afrique, me suis-je dit. Cela a coïncidé avec la mort de mon père et je suis donc retourné en Afrique, comme un retour aux sources. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai décidé d’arrêter le mannequinât. Je n’en avais plus envie, comme si je voulais prouver quelque chose à mon père. J’ai donc décidé de faire un métier différent tout en restant dans la mode. Je suis restée près de 5 mois en Afrique parce que je voulais créer un cabinet de conseil en style. J’avais eu la confirmation que les Africains aimaient beaucoup les vêtements mais qu’il y avait parfois quelques fautes de goût. J’ai donc pensé être conseiller vestimentaire, mais c’est très difficile parce que les gens qui ont réussi sur le continent, et donc qui peuvent s’offrir ce type de service, n’attendent justement aucun conseil dans ce domaine. Je suis rentré à Paris et j’ai tenté ma chance chez Smalto avec le magazine Afrique Magazine en main. Il m’avait élu, en 2000, parmi les 50 personnalités du continent. Si vous voulez développer le marché africain, leur ai-je dit, je suis votre homme. Au début, j’ai été engagé comme agent. C’était difficile en Afrique, je me suis donc rabattu sur de très grands sportifs qui avaient une aura internationale. Cela m’a donné une certaine crédibilité et permis ensuite d’aller à la conquête du marché africain.

Afrik.com : En quoi consiste votre travail ?

Flammarion Olomo :
Démarcher de nouveaux clients. Je m’étais rendu compte que jusque-là, la seule personne qui ramenait des clients importants, c’était M. Smalto. Il a eu l’opportunité d’habiller le père de Mohammed VI, ce qui lui a ouvert la porte d’autres chefs d’Etat africains. Mais depuis sa clientèle ne s’est pas renouvelée. A la faveur de mes déplacements, j’ai remarqué qu’en Afrique il y a beaucoup de jeunes qui faisaient des métiers de vieux. Souvent parce qu’ils ont repris des affaires familiales ou autres. Et ces derniers n’ont plus le temps de faire leurs courses parce que trop pris. Je vais donc au devant de ces personnes qui jusqu’ici se sont montrées très satisfaites de nos services.

Afrik.com : Quelle est la part de marché de Smalto en Afrique ?

Flammarion Olomo :
La part de marché de Smalto est très importante en Afrique. C’est la marque la plus connue sur le continent africain. Par ailleurs, je développe la couture et le prêt-à-porter. Ce qui amplifie notre activité. La preuve, c’est que nous avons ouvert, il y environ un an, une distribution au Sénégal par l’intermédiaire de Cheick Mbaye qui est un garçon très dynamique.

Afrik.com : Qu’est-ce qui attire l’Africain chez Smalto ?

Flammarion Olomo :
Quand l’Africain a les moyens de s’offrir le luxe, il pense d’abord à Smalto parce que nous sommes aujourd’hui l’un des plus grands tailleurs au monde. Et Smalto a montré à l’Afrique qu’il l’aimait : j’en suis l’une des preuves vivantes. Les Africains le lui rendent bien aussi. Je pense que c’est vraiment la qualité de Smalto qui fait toute la différence : les Africains aiment les vêtements de très belle facture, bien coupés et je pense qu’à l’heure actuelle, Smalto est le seul au monde à pouvoir leur offrir ce type de vêtements.

Afrik.com : Vous qui avez sillonné plusieurs fois l’Afrique. Dans quels pays trouve-t-on les plus coquets ?

Flammarion Olomo :
Je ne vous le dirai pas parce que je risque de vexer certains de mes clients et de faire des jaloux. Les Sénégalais, les Congolais, les Gabonais… en général tous les Africains aiment être bien mis.

Afrik.com : Beaucoup de jeunes gens – plus de jeunes filles que de jeunes gens a priori – sont attirés par ce métier qui est assez difficile en dépit des apparences. Que pouvez-vous leur dire à ce sujet ?

Flammarion Olomo :
C’est justement la raison pour laquelle je dis que c’est un métier extrêmement difficile : il y a beaucoup de candidats, mais très peu d’élus. Maintenant les critères de sélection, je ne peux pas les expliquer. Mais je sais que moi, j’y suis arrivé par la volonté, le caractère, mais ce n’est pas toujours ce que l’on demande dans ce métier. J’ai géré ma carrière comme j’en avais envie. J’ai eu la chance d’être grand et d’avoir une démarche qui plaisait à ce moment-là. Et puis quand on fait ce métier, il faut l’aimer, il faut vraiment aimer les vêtements, il ne faut pas le faire seulement parce qu’on a envie de briller.

Afrik.com : Après Smalto, quelle sera la prochaine étape ?

Flammarion Olomo :
Je n’en sais encore trop rien mais, si tout va bien un jour, j’envisage de créer ma propre marque.

Afrik.com : Vous avez 37 ans. Votre métier vous a-t-il laissé le temps de fonder une famille ? Si ce n’est pas le cas, cela ne vous manque-t-il pas ?

Flammarion Olomo :
J’ai une famille, je suis très entouré, mais ma vie privée reste ma vie privée.

Afrik.com : Que pensez-vous de la situation des mannequins noirs en France. Est-ce qu’elle changera un jour ?

Flammarion Olomo :
J’espère que ce sera le cas. Je sais pas comment qualifier ce que j’ai vécu à l’époque et ce que les mannequins noirs vivent aujourd’hui, mais il est certain qu’il reste exotique. Le mannequin noir n’est pas encore intégré dans la mode. C’est pour cela qu’il faut l’imposer au travers des médias. En même temps qu’on a envie, on a peur. Tout cela est aussi très politique. Pour ce que j’en sais, 10% de la population en France est noire. Ils sont des consommateurs comme les autres, il faut donc arrêter de se voiler la face. J’ai eu la chance d’avoir un vécu différent mais ça n’a pas été facile…

Afrik.com : Vous dites que vous vous êtes toujours arrangé pour ne « jamais être le noir de service », c’est à dire …

Flammarion Olomo :
[[Cet entretien a été réalisé avant la crise des banlieues en France]] C’est-à-dire ne pas me conformer à l’image qu’ils avaient de moi. C’est par exemple ne pas défiler en maillot de bain sous prétexte que les Noirs ont une belle musculature. J’ai toujours refusé de faire des photos de nu et j’ai toujours préféré Smalto tailleur parce qu’eux me témoignaient du respect en me faisant défiler en costume d’autant plus que je le porte bien. Les maisons qui me proposaient de me déshabiller pour elles, j’ai tout simplement refusé de travailler pour elles. Et puis le costume, c’est ce qui me va le mieux – je suis un esthète – et c’est ce que j’ai envie de représenter. Car c’est un vêtement connoté, notamment pour un garçon des cités. Un noir en costume, c’est un avocat, en tout cas quelqu’un de respectable, un modèle de réussite… Quand j’ai rencontré pour la première fois Fabrice Mahabo, le créateur de Black Up (marque de cosmétiques, ndlr), il m’a félicité pour l’image que je véhiculais des Noirs. J’ai été très sensible à cela parce que d’autres le sont quant aux valeurs que j’essaie de défendre. Il y a des avocats, des médecins noirs en France mais on ne les montre jamais. Pourquoi ? Parce que ça dérange ! On nous parle d’intégration, dans un tel contexte, c’est justement de ce type d’images que les jeunes ont besoin. La société est basée sur la communication et l’image. Il y a trop de contradictions aujourd’hui dans la société. On prend et puis on jette… Il n’y pas une véritable communication sur le sujet même parfois de la part des médias africains qui sont galvaudés. Par conséquent, il faut toujours se battre pour arriver à s’imposer. Et moi, je mène ce combat à ma manière.

Afrik.com : Votre avis sur la mode africaine…

Flammarion Olomo :
Je pense qu’elle est très créative, mais aujourd’hui elle a besoin d’investisseurs, d’où la nécessité de multiplier les évènements relatifs à la mode. Les plus grosses économies mondiales aujourd’hui reposent sur des grands groupes comme LVMH (groupe français présent dans la mode et le luxe, ndlr). La mode semble futile mais elle rapporte gros tout en participant à la culture d’un continent. Les investisseurs africains devraient aider les créateurs africains à se développer et à vivre de leur art. Plutôt que d’acheter 10 costumes Smalto, je leur conseillerai d’en acheter la moitié et d’investir dans la mode africaine. Les Africains pourraient tout aussi bien habiller les Européens s’ils arrivent à réaliser des produits de qualité, ce qui n’est pas encore véritablement le cas.

Afrik.com : Que vous inspire toute cette tendance ethnique ?

Flammarion Olomo :
Que du bien ! Ça colore un peu la vie des gens. Les vêtements ethniques marchent beaucoup aux Etats-Unis parce qu’il y a une vraie volonté de retour aux sources.

Afrik.com : A part bien évidemment, les costumes Smalto, qu’est-ce que Flammarion Olomo aime porter ?

Flammarion Olomo :
Flammarion Olomo aime porter Smalto jusqu’à ce qu’il crée sa propre marque. Pour l’instant, Smalto est la seule marque qui me convainc.

Afrik.com : Qu’est-ce qui vous maintient en forme ?

Flammarion Olomo :
Le sport, la natation, c’est bon pour le corps et la tête. Car, même s’il n’y paraît pas, j’ai un métier stressant parce qu’il y des objectifs à atteindre.

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