Femmes battues en Afrique : une violence banalisée


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Nombre de femmes africaines subissent des violences conjugales. Gifles, insultes, coups et humiliations sont leur lot quotidien. Une violence banalisée dont les médias se font peu l’écho, plus habitués à décrire les atrocités commises sur les femmes en période de conflit. A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, ce 25 novembre, Afrik.com se penche sur cette question au Maroc, au Mali, et au Bénin.

« Mon mari a commencé à me taper le jour de la réforme du code de la famille, le jour de la Moudwana en 2004. » Ce type de récit, Fatima Serdaous en entend tous les jours. La coordinatrice du « Centre d’Ecoute et d’Orientation Juridique et Soutien Psychologique pour les Femmes Victimes de Violences au Maroc » nous explique que malgré les progrès politiques réalisés par le royaume chérifien, les violences conjugales sont encore bien présentes. « On recense de plus en plus de violences à l’arme blanche comme le couteau », dit-elle. « Il y a un regain d’agressivité chez les hommes violents depuis 2004 et la réforme n’a rien changé, bien au contraire». Vengeance ou simple coïncidence ? La violence dans le couple est ancrée dans de nombreux foyers marocains. Les victimes subissent généralement toutes les formes de violences possibles: sexuelles et physiques mais aussi verbales, psychologiques et économiques (refus de verser une pension alimentaire par exemple). L’association ne cherche pas à comprendre les causes de cette violence par peur de culpabiliser des femmes déjà fragiles car « dans tous les cas, l’agresseur est fautif », affirme Fatima Serdaous. Rares sont les femmes qui osent pousser la porte des centres d’écoute au Maroc.

Plus de 200 cas de femmes battues par an

Il en est de même au Mali. Les femmes y sont victimes des mêmes violences au sien du couple,et aussi sur leurs lieux de travail de la part de leurs collègues masculins. Même si les causes sont bien souvent inexplicables et renvoient à un problème propre à chaque individu, les femmes évoquent partout les mêmes motifs: jalousie des conjoints, problèmes d’argent, paternité difficile à assume… Mariam Traoré Diarisso, conseillère juridique à l’« Association pour le Progrès et la Défense des Femmes Maliennes », nous explique qu’elle a reçu en 2008 près de 200 dossiers de femmes battues. La plupart d’entre elles ne savent pas s’exprimer et ont peur. L’Association leur permet alors d’écrire des lettres pour raconter ce qu’elles ont subi ou de porter plainte. Le chiffre de 200 est pourtant bien inférieur aux réalités maliennes car, souvent, les femmes battues ne sont pas conscientes qu’elles sont victimes, ont honte ou ont peur des pressions familiales. Il faut une prise de conscience pour que la femme battue puisse nommer ce qu’elle endure et qu’elle puisse agir ensuite. Les violences à l’encontre des femmes ne sont qu’une part infime des inégalités subies par la population féminine en Afrique. Elle s’accompagne de toute une panoplie de discriminations.

Des violences qui sont aussi sociales et politiques

Accès aux institutions politiques, prise de parole dans la sphère publique, participations aux instances démocratiques, la femme n’a pas sa place dans nombre de sociétés aujourd’hui et est cantonnée aux taches domestiques et familiales bien souvent. Geneviève Ogoussan, directeur adjointe de l’Observatoire de la famille, de la femme et de l’enfant au Ministère de la Famille, de la protection sociale et de la solidarité du Bénin nous explique la situation de son pays. « Tous les problèmes liés aux femmes aujourd’hui au Bénin tiennent à la place qui leur est faite dans la société et dans le foyer. La violence conjugale est un facteur très important qui peut même expliquer la non implication des femmes dans la vie politique et dans la sphère publique». Le Bénin se lance dès les semaines à venir, dans une étude nationale sur les violences faites aux femmes. « Le but est de réorienter l’action politique et sociale du Bénin pour la promotion des femmes en comprenant vraiment ce qui ne va pas dans la société. »

Même si l’on a tendance à évoquer les atrocités faites aux femmes dans les pays en guerre, celles-ci ne sont que l’expression exacerbée des violences structurelles qu’on leur fait subir dans des sociétés où celles-ci n’ont pas réellement leur place. La journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes est le moyen de mettre en lumière des problématiques peu abordées dans les sociétés africaines.

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