Etat d’alerte au Maroc : valse d’arrestations après la publication d’informations confidentielles


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Le dossier d’Al Watan Al An sur les raisons de l’état d’alerte au Maroc n’en finit pas de faire des vagues. Le directeur de publication et un journaliste de l’hebdomadaire arabophone ont été arrêtés le 17 juillet et, peu après, sept officiers des Forces armées royales ont été mis aux arrêts pour avoir communiqué des documents « revêtant tous un caractère ultraconfidentiel ». Des associations de journalistes dénoncent l’arrestation des co-auteurs du dossier, qui devraient recouvrer la liberté mardi.

Pour le Maroc, la sécurité doit rester une affaire d’Etat. Aussi, n’a-t-elle pas apprécié le dossier « Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc », publié dans Al Watan Al An (La Nation Maintenant) du 14 juillet. Les articles de l’hebdomadaire arabophone revenaient sur l’état d’alerte maximum décrété le 6 juillet par le Royaume chérifien pour se préparer à une « menace terroriste avérée » qui émanerait d’Al-Qaïda Maghreb. L’un des papiers se basait sur une note de la Direction générale de la sûreté nationale qui demandait la plus grande vigilance aux services de sécurité suite à une vidéo diffusée sur Internet. Un groupe terroriste y lançait « un appel solennel au djihad contre les régimes maghrébins, en désignant particulièrement le Maroc », indique la note publiée dans Al Watan Al An, qui n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice.

Huit jours de garde à vue

Trois jours après la parution du dossier, Abderrahim Ariri et Mustapha Hormat Allah, respectivement directeur de publication et journaliste, ont été arrêtés sur ordre du procureur général du Roi Mohammed VI près la Cour d’appel de Casablanca, Moulay Abdallah Alaoui Belghiti. Ils étaient au départ l’objet d’une garde à vue de 96 heures « pour déterminer les circonstances des fuites de ces documents secrets et identifier les responsables », avait précisé le parquet. Cette instance a prolongé, samedi, cette garde à vue de 96 heures. Les deux journalistes, co-auteurs du dossier incriminé, sont interrogés dans les locaux de la police judiciaire de Casablanca, selon leur avocat, Me Jalal Tahar, interviewé par l’AFP. Ils devraient recouvrer la liberté mardi, à 11h30 et comparaître devant la justice cette semaine.

« La saisie de plusieurs autres documents en possession du directeur de publication de l’hebdomadaire, émanant d’administrations sécuritaires et revêtant tous un caractère ultraconfidentiel », a révélé dans un communiqué Moulay Abdallah Alaoui Belghiti, précisant que « la publication de ces rapports est un acte contraire à la loi ». La Brigade nationale de la police judiciaire a par ailleurs trouvé « d’autres documents secrets détenus par d’autres personnes appartenant aux Forces Armées Royales (Far) et qui sont, de leur côté, impliquées dans la fuite de ces documents ».

Journalistes inquiets, manifestation de soutien

Des têtes sont donc tombées du côté des Far. « Sept officiers des Forces armées royales ont été mis aux arrêts de rigueur », dont un colonel, selon une source officielle de Rabat citée par l’AFP. « D’autres soldats, dont un colonel major, ainsi que des policiers », ont été auditionnés dans le cadre de cette affaire. Tous les responsables dont l’implication est avérée devraient également être présentés à la justice.

L’arrestation des journalistes a provoqué une vive réaction de leurs confrères dans le pays et à l’extérieur. Le syndicat national de la presse marocaine a « condamné catégoriquement » les conditions de la garde à vue et fait part de sa « préoccupation ». Reporters sans frontières a renouvelé, le 21 juillet, dans un communiqué, « sa demande de mise en liberté des deux journalistes ». L’organisation précise : « Si personne ne peut contester la gravité de cette affaire, comme en témoigne la mise aux arrêts de rigueur d’un officier, le maintien en détention des deux journalistes est tout à fait incompréhensible. En effet, de l’avis même de certains officiels, ils ne sont « ni des criminels, ni des terroristes » ».

Et de se demander si le pouvoir fait preuve d’une « volonté d’intimider le reste de la profession ». Une manifestation de soutien aux journalistes a été organisée, samedi, à 18h, devant les locaux d’Al Watan Al An. Les marcheurs réclamaient leur libération et l’annulation des charges retenues contre eux.

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