Enlèvement de Guy-André Kieffer : à Paris et Abidjan, la famille et RSF continuent de demander justice


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A l’occasion du sixième anniversaire de l’enlèvement, à Abidjan, du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, deux conférences de presse ont été organisées simultanément, le 15 avril 2010, à Paris et à Abidjan. A Paris, dans les locaux de Reporters sans frontières, Bernard et Eric Kieffer, les frères du journaliste, et Canelle, sa fille, se sont exprimés aux côtés de Jean-François Julliard, secrétaire général de l’organisation, et de maître Alexis Gublin, avocat à la Cour. A Abidjan, la conférence de presse avait lieu à la Maison de la Presse, à l’initiative du Collectif ivoirien Vérité Guy-André Kieffer.

Dans le même temps, plusieurs affiches de format 4mX3m ont été placardées sur des panneaux publicitaires, en plusieurs endroits fréquentés d’Abidjan. Ces affiches, qui resteront pour une durée de quinze jours, comportent le texte suivant : « 16 avril 2004 – 16 avril 2010 : 6 ans déjà que notre ami et confrère Guy-André Kieffer a disparu à Abidjan ». A l’initiative du Collectif ivoirien Vérité Guy-André Kieffer et de Reporters sans frontières, le même visuel, comprenant également la mention « Où est-il ? », paraît à partir du 15 avril dans plusieurs titres de la presse ivoirienne (« Soir Info », « L’Inter », « L’Intelligent d’Abidjan », « Le Nouveau Réveil », « L’Expression », « Le Patriote »).

Le vendredi 16 avril, jour anniversaire de la disparition de Guy-André Kieffer, une soirée de soutien aura lieu au musée Dapper, à Paris, à partir de 19 heures, avec la projection du film « Aliker » de Guy Deslauriers, et une discussion autour du thème « Journaliste : métier à risques ».

Jean-François Julliard s’est dit « inquiet de voir cette affaire s’enliser ». Il a souligné que « davantage de volonté politique, tant du côté ivoirien que du côté français, pourrait permettre de dépasser les blocages. » Après avoir salué les efforts des juges d’instruction français, Bernard Kieffer a regretté qu’aucune contre-partie ne soit réclamée par les autorités françaises en échange de l’amélioration des relations franco-ivoiriennes. « Pourquoi les autorités ont elle accepté, fin 2009, de restructurer la dette publique de la Côte d’Ivoire vis-à-vis de la France et de réduire de 90 % le service de la dette due à la France jusqu’en 2012 sans négocier en même temps la moindre contrepartie judiciaire dans l’affaire Kieffer », s’est-il interrogé. « Nous écrivons au président Sarkozy. Il ne nous répond pas », a-t-il poursuivi.

Enfin, l’avocat de Bernard et Eric Kieffer, maître Alexis Gublin, a estimé que la libération provisoire de Jean-Tony Oulaï, prévue le 16 avril 2010, était un élément positif car « elle accorde plus de temps au juge Ramaël et devrait ainsi donner un nouveau départ à la procédure française ».

Canelle Kieffer a quant à elle demandé aux deux chefs d’Etat, français et ivoirien, d’aider la famille à connaître enfin la vérité.

Maître Rodrigue Dadjé, avocat de la première dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, s’est invité à la conférence de presse et a assuré qu’il n’existait aucun blocage du côté ivoirien et que la justice de son pays collaborait pleinement avec le juge Ramaël à chaque fois que ce dernier demandait une commission rogatoire. Il a demandé pourquoi « la piste française », évoquant le fait que Guy-André Kieffer pourrait avoir disparu dans un règlement de comptes entre Français, était mise de côté.

« Simplement parce que s’agissant de cette piste française, il n’y a jamais eu le début d’un commencement d’éléments probants », a répondu Bernard Kieffer. « Ni le juge Ramaël, ni Reporters sans frontières, partie civile dans cette affaire, ne privilégient une piste a priori. Si la piste française est écartée, c’est parce qu’elle ne paraît pas sérieuse et que rien ne vient l’étayer, au contraire des autres pistes », a tenu à rappeler Jean-François Julliard.

Le 16 avril 2004, le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer a été kidnappé par un commando sur le parking d’un supermarché d’Abidjan, après avoir été attiré dans un piège par Michel Legré, beau-frère de Mme Simone Gbagbo, l’épouse du président Laurent Gbagbo. Michel Legré a été mis en examen le 21 octobre 2004 par le juge d’instruction français Patrick Ramaël pour « enlèvement et séquestration ». Supposé être placé en résidence surveillée à Abidjan, après un an et demi de détention, il circule pourtant librement, y compris hors du pays.

Jean-Tony Oulaï, un ressortissant ivoirien se disant « ex-capitaine » de l’armée, et que certains témoins accusent d’avoir supervisé l’enlèvement du journaliste, a également été mis en examen pour « enlèvement et séquestration » en janvier 2006 en France. Arrêté fin 2007, il doit être remis en liberté provisoire, le 16 avril 2010, après deux ans et demi de détention.

L’enquête sur cette affaire se heurte aux relations tumultueuses entre la France et la Côte d’Ivoire, aux difficultés pour mener des recherches sur place, et à l’omerta qui entoure les protagonistes de l’affaire, tous proches de la présidence ivoirienne.

Pour tout renseignement complémentaire:

Reporters sans frontières

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