Enfants d’immigrés : Français entièrement à part ?


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Chibanis
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Nicolas Sarkozy propose de retirer la nationalité française aux délinquants d’origine étrangère qui auraient attenté à la vie des dépositaires de la force publique. L’opposition dénonce une mesure qui reviendrait à créer plusieurs catégories de français. L’Union pour un mouvement populaire (UMP), le parti de Nicolas Sarkozy veut présenter des amendements législatifs dès le mois prochain, pour donner force de loi à sa proposition. Un projet que l’opposition, les organisations de défense des droits de l’homme et de nombreux intellectuels rejettent. Le débat fait rage.

Bien qu’elle continue d’alimenter la polémique, la proposition du président français, Nicolas Sarkozy, de retirer la nationalité française à certains délinquants d’origine étrangère fait son chemin, dans les rangs de la majorité. Mardi, sur la station de radio Europe 1, le ministre de l’Immigration, Eric Besson a indiqué qu’il proposerait des amendements législatifs pour donner force de loi aux mesures de déchéances de la nationalité annoncées par Nicolas Sarkozy.

Vendredi, à Grenoble, ville du sud-est de la France en proie à des tensions sociales depuis la mort d’un braqueur de casino tué lors d’échange de tirs avec les policiers, le président français Nicolas Sarkozy s’en est pris directement aux délinquants devenus français par naturalisation. Il a souhaité que ceux-ci soient déchus de la nationalité, s’ils attentaient à la vie «d’un policier, d’un gendarme, d’un militaire». « La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s’en montrer digne (…) Quand on tire sur un agent chargé des forces de l’ordre, on n’en est plus digne», a déclaré Nicolas Sarkozy. Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a proposé d’aller plus loin en étendant la déchéance de la nationalité proposée par Nicolas Sarkozy aux cas d’excision, de la traite d’êtres humains ou pour des « actes de délinquance grave ».

Les étrangers assimilés à des délinquants

Ces propos ont suscité de vives réactions de protestation dans l’opinion. « Je m’oppose à cette idée selon laquelle il y aurait plusieurs catégories de citoyens français (…) le président de la république parle de politique de la ville, de sécurité d’immigration et là, il y a un problème de stigmatisation d’une partie de la population », a dénoncé, vendredi, Michel Denisot, maire socialiste de Grenoble. Le même jour, le Président de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Michel Tubiana, a réitéré les mêmes propos : « Faire un discours sur la délinquance uniquement centré sur une question de retrait de nationalité, sur l’immigration, après avoir tenu une réunion sur les gens du voyage et sur les Roms, c’est l’assimilation des étrangers et des personnes d’origine étrangère à la délinquance, à ceux qui mangent le pain des Français», a-t-il déclaré.

Lundi dans une interview accordée au quotidien Le Figaro, Patrick Weil, historien de la nationalité et spécialiste de l’immigration en France a retracé l’historique de la déchéance de la nationalité en depuis 1848. Il a expliqué qu’elle a toujours été une mesure d’exception, dans la plupart des cas limitée au domaine de la trahison à l’égard de l’Etat.

Cependant pour Eric Besson, la cause est déjà entendue. Une modification constitutionnelle ne serait même pas nécessaire selon lui, pour introduire de nouvelles dispositions sur la déchéance de la nationalité. « Il suffit de revenir à l’Etat de droit qui prévalait jusqu’en 1998 : en clair, étaient passibles de déchéance de la nationalité française toutes celles et tous ceux qui avaient commis des crimes passibles de cinq ans de prison, et qui l’avaient fait dans un délai de dix ans après l’acquisition de la nationalité », a-t-il expliqué mardi. Le député UMP Thierry Mariani a de son côté déclaré qu’il se chargera de déposer ces amendements à l’assemblée. Ceux-ci devraient être introduits dans le cadre du débat du 27 septembre prochain sur le texte relatif à l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité.

Si ces amendements sont adoptés, la France deviendrait le premier pays développé à aller aussi loin dans l’élargissement de la procédure de dénaturalisation. En Angleterre comme aux Etats-Unis, cette procédure est principalement invoquée dans les cas de terrorisme. Même en Italie où la Ligue du Nord, parti d’extrême droite représentée au gouvernement de Silvio Berlusconi a proposé, en mars dernier, un durcissement des conditions de séjour des étrangers quelque soit leur situation administrative, il n’a pas été question de déchéance de la nationalité. La proposition la plus contraignante de la Ligue du Nord concernait l’instauration d’un permis de séjour à points.

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