Emeutes au Cameroun : les droits des suspects sont violés


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Les émeutes qu’a connues le Cameroun la semaine dernière ont fait plus d’une centaine de morts, selon la société civile camerounaise, 24 morts et plus de 1 500 arrestations d’après les autorités camerounaises. La société civile récuse les chiffres officiels et dénonce des atteintes aux droits de l’Homme dans la façon dont les personnes arrêtées sont jugées.

« Vingt-quatre personnes ont péri » et « plus de 1 500 personnes » ont été arrêtées lors des violentes manifestations qui ont éclaté la semaine dernière, a déclaré mercredi le ministre camerounais de la Communication Jean-Pierre Biyiti Bi Essam. Les Camerounais, souvent des jeunes, ont protesté contre la cherté de la vie et le projet de révision constitutionnelle que le président Paul Biya compte introduire afin de se présenter en 2011. Ce nouveau bilan officiel est contesté par les organisations de défense des droits de l’Homme qui, par ailleurs, pointent du doigt plusieurs irrégularités lors des arrestations des présumés émeutiers. « On peut déjà dire qu’il y a plus de 100 morts. Les informations remontent vers nous chaque jour et nous continuons à les affiner », avait confié mercredi la responsable de La Maison des droits de l’Homme, une ONG affiliée à la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH).

Le bilan officiel est en deçà de la réalité

Maître Jean-Luc Sendze, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun et doyen des avocats de Bamenda, capitale de la province du Nord-Ouest, souligne que, quand il y a eu « au moins huit morts » dans sa ville, les chiffres officiels « ne peuvent qu’être erronés ». Le gouvernement sous-évaluerait également le nombre des interpellations, selon Charlie Tchikanda, directeur exécutif de la Ligue des Droits et libertés (LDL). « Rien qu’a Bafoussam (chef-lieu de la province voisine de l’Ouest, ndlr), affirme-t-il, il y a eu 213 arrestations dont 45 mineurs et au moins 400 pour la province de l’Ouest.» « L’Ouest, précise-t-il, est aujourd’hui une des places fortes de l’opposition politique, des syndicats et des organisations de la société civile. Elle est, après Douala, (la capitale économique, ndlr), l’une des provinces les plus touchées » par les récents évènements qui se sont déroulés au Cameroun.

Les avocats camerounais ont également découvert que les personnes interpellées étaient condamnées sans avoir droit à une défense. « Il semble que le gouvernement se soit entendu avec les services du procureur général, du moins dans la province du Nord-Ouest, pour que les personnes arrêtées soient secrètement jugées et condamnées », affirme Maître Jean-Luc Sendze. « Les avocats de Bamenda, poursuit-il, s’en sont rendus compte mardi. Très en colère, ils se sont présentés au bureau du procureur pour savoir ce qu’il en était. Ils ont, par ailleurs, appris que deux personnes avaient été condamnées sans l’assistance d’un avocat et que trois autres personnes allaient l’être dans les mêmes conditions. Ils se sont donc précipités à leur audition pour les défendre et dénoncer les entorses qui étaient en train d’être faites au Code de procédure pénale. Les mêmes irrégularités leur ont été rapportées à Bafoussam ».

Arrestations arbitraires et parodie de justice

Une information confirmée par le bureau de la Ligue des Droits et libertés (LDL) dans un communiqué publié mardi. « Les auditions qui ont eu lieu au niveau de la Police judiciaire et qui se poursuivent à la Légion de gendarmerie de l’Ouest, ne respectent pas les dispositions pertinentes (du) Code pénal, notamment le droit des suspects d’être assistés », indique le communiqué. Il note également que les forces de sécurité « voulaient « fabriquer » des suspects » en obligeant « de nombreux jeunes » à « se rouler dans la poussière ou dans la cendre afin qu’ils présentent des traces ou des indices laissant penser qu’ils ont participé à la casse, preuve de flagrant délit ». De même, les familles des personnes interpellées « seraient soumis(es) à des marchandages (…) en échange de la libération de leur progéniture ». On leur réclamerait « 100 000, 200 000, voire 300 000 » F CFA.

Atteintes aux droits de l’Homme, à la liberté de la presse – la radio privée camerounaise Magic FM n’a plus le droit d’émettre depuis jeudi dernier -, et répression durant les manifestations de la semaine dernière, les autorités camerounaises ne sont pas loin de réunir les conditions à l’avènement d’un révolte populaire dont les récentes émeutes ne seraient que les prémices.

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