El-Manchar, le Gorafi algérien, a cessé de publier !


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El Manchar

Après cinq longues années d’existence, le journal satirique El-Manchar a cessé de publier. Cette décision a été annoncée mercredi 13 mai. Ce média parodique avait été créé par Nazim Baya et son titre signifie en arabe classique « la scie », et « la médisance », en dialecte algérien. Le responsable précise que la suppression du journal est « intervenue en raison des contraintes qui pèsent sur les citoyens à la suite de leur activité sur les réseaux sociaux ». 

Selon lui, « le climat de répression des libertés, les incarcérations de citoyens à la suite de leurs activités sur les réseaux sociaux nous ont conduit à réfléchir sur les risques que nous encourons. Nous avons vécu des moments de peur et nous avons résisté pendant 5 ans en essayant de contribuer à notre manière, par la satire, aux difficultés que notre pays et nos citoyens traversaient. Nous ne pensions pas en arriver là ».

L’annonce de l’arrêt des publications d’El-Manchar a provoqué une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux. Certains internautes, persuadés, au départ, qu’il s’agissait d’humour, ont salué un site « qui disait plus de vérités que d’autres médias » et qui permettait une « thérapie par le rire ». « Il va nous manquer. Rire de nous-même, ça fait partie de notre personnalité d’Algérien. Et dans les moments difficiles, ça aide. On espère qu’il y aura une relève », peut-on lire sur la page du journal, avant d’être supprimée.

Dans la soirée du mercredi 13 mai, Nazim Baya a réagit aux messages de soutien, d’un trait d’humour : « Je pense déjà à lancer El-Manchar El Djadid [Le Nouvel El Manchar]. Ça sera comme la nouvelle Algérie, c’est-à-dire semblable à l’ancien mais en pire ».

Nazim avait décédé, en 2013, de lancer la page Facebook El-Manchar. En s’inspirant du Gorafi, site parodique français, le pharmacien de formation voulait, à cette époque, « rire des puissants », où l’ex-Président Abdelaziz Boutelfika, très affaibli par un AVC, et absent de la vie publique, est en passe de se présenter pour un quatrième mandat.

Des mesures de censure en cascade

Plusieurs sites Internet d’information ont vu leur accès bloqué depuis l’Algérie. En effet, avec le blocage en série qui s’opère étrangement en Algérie, le journal satirique El-Manchar et récemment le site d’information L’Avant-Garde Algérie viennent ainsi de rejoindre la liste des médias censurés depuis le début de la pandémie de coronavirus en Algérie, une liste qui ne cesse de s’allonger.

En seulement quelques semaines, l’accès aux médias INTERLIGNES, Radio M, Maghreb Emergent, DzVid et le Matin d’Algérie, a été interdit aux lecteurs.

« Une grave atteinte au droit du citoyen à l’information »

Contactée par Afrik.com, Maître Fetta Sadat considère que « la fermeture des sites électroniques constituent une pure atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’expression, mais aussi une grave atteinte au droit du citoyen à l information ». Le but, selon elle, est clair; « restaurer le règne de la pensée unique, de la démagogie, de la langue de bois et des contrevérités ».

« C est une flagrante atteinte à la souveraineté populaire. Mais ceci n est qu une autre preuve que le régime en place, acculé cherche à trouver secours dans le tout répressif. Cela reste une fuite en avant. Un aveu d échec », a-t-elle précisé.

Et d’ajouter : « nous assistons à de graves atteintes aux droits et libertés pourtant consacrés par la loi fondamentale du pays. Ce qui atteste plus que jamais que revisiter les textes n est qu’un simple leurre destiné à contourner la volonté populaire ».

Par ailleurs, selon l’avocate, les tenants du pouvoir de fait persistent « dans la logique du déni et du ballonnement de toute voix discordante qui contrarie les sombres desseins des seigneurs de l’heure qui œuvrent en vue de l’asservissement du peuple algérien et de sa mise au pas ».

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