Des militaires français reconnaissent la torture pendant la Guerre d’Algérie


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Drapeau de l'Algérie
Drapeau de l'Algérie

Le général Massu réitère au quotidien Le Monde sa désolation de l’usage « généralisé et institutionnalisé » de la torture pendant la guerre d’Algérie. D’autres débats autour de la mémoire sont relancés à cette occasion.

Elle a fini par être officiellement nommée, cette fameuse guerre « commune aux peuples du Maghreb ». A la suite d’un débat à l’Assemblée Nationale, le 10 juin 1999, et « afin d’engager une véritable conciliation », la France reconnaissait son vrai nom à la guerre d’Algérie par un vote unanime des députés. Un an plus tard, la bombe à retardement explose : Louisette Ighilahriz, ancienne militante du FLN, témoigne de la torture qu’elle a subie à Alger, en 1957… soit sous le commandement militaire de Jacques Massu, devenu général neuf ans plus tard.

Depuis, le général a exprimé, en août dernier et dans le Monde daté du 23 novembre, sa désolation, précisant que cette solution aurait dû être évitée. Généralisée en Algérie, « elle a ensuite été institutionnalisée avec la création du CCI (centre de coordination interarmées) et des DOP (dispositifs opérationnels de protection), et institutionnaliser la torture, ajoute-t-il, je pense que c’est pire que tout ! ». Un sentiment que partage le lieutenant Thomas qui a adressé le 18 octobre à la section française d’Amnesty International un document incitant « les indécis à rompre le mur du silence » afin de « libérer (leur) conscience ». Auteur du Combat intérieur (Éditions Mémo, 1998), il dit avoir rencontré l’usage de la torture dans l’armée française dès la guerre d’Indochine. Depuis, les courriers d' »anciens d’Algérie » se succèdent dans les journaux nationaux et régionaux pour dire leur repentance.

Nostalgiques résistances

« Mais je n’y suis pour rien ! Ce n’est pas moi qui ai donné l’ordre de créer le Cci et les DOP et qui les ai mis sur pied. J’ai cherché à savoir à l’époque qui avait fait cela : le commandement civil ou militaire ? L’état-major de l’armée de terre à Paris ? Aujourd’hui encore je m’interroge », ajoute le général Massu. Car si les aveux se répondent, si les instances du pays reconnaissent là où la « République a failli », si les civils, les intellectuels se mobilisent de nouveau, et si les lycéens français découvrent la guerre d’Algérie en terminale depuis l’année dernière, il reste la nécessité de lieux de mémoire comme d’une date signant la fin de la guerre.

Mais il reste encore de nostalgiques résistances à l’établissement de la vérité sur cette sombre période. Ainsi du refus du préfet de police de Paris d’ouvrir ses archives au chercheur Jean-Luc Einaudi, en opposition (apparente ?) avec le souhait du Premier ministre et du précédent ministre de la Culture, Mme Trautmann, de « faciliter les recherches historiques sur la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 et plus généralement sur les faits commis à l’encontre des Français musulmans d’Algérie durant l’année 1961 ». Une manifestation sauvagement et mortellement réprimée sur les ordres de Maurice Papon, alors Préfet de Police de Paris.

Ainsi aussi du refus du Conseil général des Bouches-du-Rhône et du Conseil régional de Provence Côte d’Azur, du préfet de région et de deux élus de la mairie de Marseille que se tienne dans cette ville le séminaire organisé par le CREOPS (centre régional d’études et d’observation des politiques et pratiques sociales) sur le thème « Mémoires de l’immigration algérienne : la guerre d’Algérie en France ».

Tous ces dossiers attendent une prise de position au sommet de l’Etat français. Concernant la torture, le premier ministre Lionel Jospin serait favorable à la mise en place d’un comité d’historiens français et algériens, tandis que les communistes demandent l’ouverture d’une enquête parlementaire.

Par Nour El Haoua

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