Des étudiants ougandais transforment des déchets en richesse


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Les élèves du lycée Saint Kizito d’Ouganda se font des revenus en recyclant les déchets, plastiques ou biodégradables. Ils sont ainsi parvenus à modifier leur quotidien.

Namugongo est une communauté forestière luxuriante du centre de l’Ouganda, où de grands arbres abritent des oiseaux colorés et des singes bruyants. La communauté vit cependant avec un passé tragique : le 3 juin 1886, 22 convertis chrétiens ougandais sont exécutés publiquement, sur ordre du roi Mwanga II du royaume de Buganda, dans le but de barrer le chemin à l’influence des puissances coloniales à l’époque très liées avec les chrétiens. D’ailleurs, les convertis ont été élevés à la sainteté par le pape Paul VI, en 1964.

Les Ougandais considèrent, aujourd’hui, ces convertis comme des martyrs. Ils commémorent, tous les 3 juin, le jour des martyrs, des célébrations d’une semaine qui attirent des milliers de visiteurs de tout le pays. Au cours de la semaine, les célébrants jettent des tonnes de déchets, y compris des bouteilles en plastique, de la nourriture et des eaux usées. Lesquels déchets finissent pour la plupart du temps des canaux dégagés où ils risquent d’être transportés par les fortes pluies vers les locaux du lycée Saint Kizito à la périphérie du village.

De déchets à richesse

Mais les étudiants de Saint Kizito ont trouvé des moyens de collecter ces déchets et de les transformer en richesses. Ils utilisent le limon qu’ils collectent pour créer et entretenir les pavés de l’école et ils créent des objets d’artisanat à partir de pailles et de bouteilles en plastique, qu’ils vendent ensuite. Les élèves transforment également les biodéchets en engrais organique pour les jardins de l’école où ils apprennent à cultiver des champignons, des oignons et du chou. Ils utilisent par ailleurs des briquettes séchées à base de biodéchets comme combustible pour cuisiner.

Une visite à l’école révèle les nombreuses réalisations des élèves. Trois grands cadres de lit en métal, transformés par les étudiants en un simple centre de recyclage, sont disposés au milieu de la cour de l’école. Ici, les élèves séparent les déchets entre papiers, plastiques et biodégradables. « Nous récupérons les pailles sales, nous les lavons et les ramollissons. Nous les tissons ensuite pour en faire des paniers, des sacs à main, des porte-monnaie, des sacs pour ordinateur portable, des paillassons et des tapis. Puis nous vendons les produits à nos parents et à nos visiteurs », explique Patricia Nakibuule, l’une des étudiantes fabriquant les articles à la main.

« Je suis chargée de veiller à ce que mes camarades, nous sommes 800, mangent à leur faim », dit-elle en souriant. « Nous utilisons des briquettes de déchets biologiques comme combustible, car cela contribue au recyclage et réduit la déforestation », poursuit-elle. Ainsi, l’école n’a pas besoin de bois de chauffage et n’a donc pas besoin de couper des arbres dans la forêt. Outre le recyclage des déchets, l’école Saint Kizito offre aux élèves des compétences en matière de fabrication de savon et de bougies, de soins aux animaux, d’aménagement paysager et même de pâtisserie.

Les étudiants partagent leurs expériences personnelles

« A la maison, j’élève de la volaille et je cultive des tomates pour que mes parents ne dépensent pas beaucoup d’argent en nourriture », explique Christine Nandujja, étudiante, qui applique à la maison les concepts d’agriculture intelligente appris à l’école.

Joseph Kakande, préfet des sports de l’école, aime la culture de légumes autant que le basket-ball. « J’ai appris à faire pousser des oignons et des champignons à l’école, puis j’ai commencé à faire de même à la maison. Cela a commencé comme un petit projet, mais maintenant cela a si bien évolué que je peux même fournir un hôtel. J’ai payé la moitié des frais de scolarité de mon dernier mandat grâce aux bénéfices ainsi réalisés ».

Pour former les étudiants actuels, l’école engage d’anciens diplômés ainsi que d’autres jeunes experts dans des projets de valorisation des déchets. Brian Galabuzi, PDG de WEYE Clean Energy Company, un projet de valorisation énergétique des déchets, forme les jeunes à la gestion des déchets et aux énergies propres et utilise l’école comme laboratoire pour ses initiatives primées. Il a déclaré à Afrique Renouveau : « Lorsque je suis arrivé à l’école pour la première fois, il y a quelques années, j’étais un jeune étudiant avec des idées folles, mais les étudiants ont sauté à bord. Ils venaient de zones rurales et voyaient mes idées comme une occasion pour eux de développer leurs propres compétences. J’ai grandement bénéficié de leur soutien ». Aujourd’hui, M. Galabuzi parcourt le monde à la recherche de moyens pour transformer les déchets en énergie propre.

Rhoda Nassanga, ingénieure et spécialiste de la conservation de l’eau, organise régulièrement des formations pour les étudiants. « Mon objectif est de transmettre les connaissances aux élèves pendant qu’ils sont encore à l’école et de leur enseigner les objectifs de développement durable », explique Mme Nassanga.

Effets positifs sur la communauté

A leur tour, les élèves de Saint Kizito ont formé les habitants de la communauté de Namugongo à la fabrication d’objets d’art à partir de déchets plastiques, leur permettant ainsi de gagner un revenu. A présent, les étudiants de Saint Kizito et la grande communauté de Namugongo s’efforcent de préserver l’environnement, de créer des entreprises respectueuses de l’environnement, de gérer des projets environnementaux et d’utiliser les ressources naturelles de manière durable.

Frederick Kakembo, directeur du Saint Kizito High School, qui a une expérience en développement communautaire, résume bien l’état d’esprit général : « Je pense que vous devez d’abord utiliser ce que vous avez avant de regarder ailleurs ».

Par MELISSA KYEYUNE

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