Déclaration des Nations unies sur les migrations et les réfugiés : quelle protection?


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Le 19 septembre 2016, au siège des Nations unies à New York, les États membres ont adopté une Déclaration sur la mobilité humaine et se sont engagés à protéger les droits des réfugiés et des migrants. Ils ont émis le souhait d’organiser une conférence internationale en 2018, dont l’objectif ultime serait de parvenir à l’adoption d’un pacte mondial sur les migrations et les réfugiés. Il convient de relever, fort malheureusement, qu’il n’est pas fait mention spécifiquement des migrants climatiques dans cette déclaration.

La lutte contre le changement climatique est devenue une préoccupation majeure et urgente qui mobilise aussi bien les États, les communautés, les régions, que les individus de partout dans le monde et nécessite des solutions à l’échelle mondiale, nationale, régionale et locale. Les États reconnaissent, par ailleurs, la nécessité de limiter le réchauffement climatique causé par les activités humaines. De ce fait, ils manifestent leur volonté de trouver une solution durable, notamment en limitant le réchauffement climatique mondial à deux degré Celsius au maximum, par rapport aux températures de l’ère préindustrielle.

En effet, si nous sommes conscients que le réchauffement climatique actuel est le résultat de notre mode de vie, de production et de consommation, nous devons également être conséquents que nous avons le devoir moral et la responsabilité éthique d’assurer les droits et le bien-être de migrants climatiques.

Quand bien même des divergences de vues persistent encore, tant dans le milieu scientifique que politique, au sujet des liens directs entre les répercussions des changements climatiques et les déplacements forcés de populations, il est néanmoins vrai qu’à mesure que le climat se réchauffe et provoque la multiplication et l’imprévisibilité croissante des phénomènes météorologiques extrêmes tels que : la hausse du niveau des océans et des mers, l’acidification des océans, les inondations, la pénurie d’eau potable, la désertification des terres agricoles, etc., des milliers de personnes craignant pour leur vie sont forcées par les circonstances d’abandonner leur milieu naturel d’habitation, soit temporairement soit définitivement, vers d’autres régions pour trouver refuge.

Les scientifiques s’accordent pour dire que le réchauffement de la planète et les changements climatiques progressent à un rythme alarmant et affectent beaucoup plus gravement les populations de pays pauvres et plus vulnérables. Dépendament de leur situation géographique, les régions naturellement prédisposées aux aléas de la nature ou endommagées par les activités humaines subissent encore beaucoup plus les conséquences négatives du réchauffement climatique. Ces pays sont impuissants face à la multiplication des catastrophes naturelles et ne disposent pas des moyens d’adaptation nécessaires et de la capacité de réagir rapidement pour contenir les menaces que posent les changements climatiques et d’en atténuer les préjudices.

Migration comme mesure d’adaptation aux changements climatiques

Si les problèmes environnementaux sont mondiaux, les impacts se font ressentir d’abord au niveau local. Pour réduire la gravité de la menace que représente le réchauffement climatique, deux principales actions majeures sont préconisées – l’atténuation et l’adaptation. Ces deux actions sont considérées comme nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, mais nécessitent que les États disposent d’énormément de ressources financières et technologiques, que les pays pauvres et vulnérables n’ont pas souvent, pour faire face aux défis climatiques.

En effet, bien que l’atténuation soit nécessaire pour réduire l’ampleur du réchauffement climatique mondial, il est toutefois nécessaire de noter que pour les populations de pays pauvres et vulnérables qui subissent de plein fouet les impacts climatiques, les mesures d’adaptation sont beaucoup plus nécessaires et urgentes. La plupart des pays pauvres et vulnérables ont des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre tellement faibles que l’atténuation n’est pas nécessairement la solution appropriée pour remédier à leur problème.

La priorité de la communauté internationale devrait consister à les aider avec les moyens d’adaptation nécessaires pour lutter contre les changements climatiques. Il est nécessaire de rappeler que les conséquences du réchauffement climatique constituent des risques majeurs pour la paix et la sécurité internationales, dans la mesure où elles peuvent devenir une source potentielle de tensions, de conflits, voir même de guerres entre communautés, à la recherche des ressources de base pour leur survie. Et que, les mesures d’adaptation peuvent donc être, à la fois un facteur de limitation des migrations de populations et un déterminant pour la paix et la sécurité de ces populations.

Mais faute de moyens techniques et financiers, les populations les plus pauvres et vulnérables face aux conséquences du changement climatique n’ont pas d’autres choix que d’envisager la migration comme une stratégie d’adaptation. Quid de la protection de leurs droits fondamentaux ?

La protection des droits fondamentaux des migrants climatiques

Parmi les engagements contenus dans la Déclaration de New York sur les migrations et les réfugiés, il y a notamment la nécessité de protéger les droits fondamentaux de tous les réfugiés et migrants, indépendamment de leur statut ; de soutenir les pays secourant, recevant et accueillant un grand nombre de réfugiés et de migrants ; de condamner fermement la xénophobie à l’encontre des réfugiés et des migrants ; de mettre en œuvre une réponse globale pour les réfugiés, fondée sur un nouveau cadre qui définit la responsabilité des États, etc.

En effet, le droit international des Droits de l’homme reconnaît à tout être humain le droit à un niveau de vie suffisant qui se matérialise par le droit à la santé, à l’alimentation, à l’eau potable, à un environnement sain, à un emploi, à l’éducation, à un logement décent, etc. En vertu de ces principes universels des droits de l’homme auxquels tous les États ont adhéré et qu’ils ont consacrés dans leurs législations nationales, il est nécessaire de rappeler que les migrants climatiques, qui traversent les frontières, doivent être également protégés contre toutes formes de violations de leurs droits fondamentaux. Les États ont le devoir, en vertu du droit international, de respecter leurs obligations et de garantir les droits de toutes les personnes vivant sur leur territoire. Or, les changements climatiques ont des répercussions négatives sur la jouissance effective de ces droits.

Il convient de rappeler ici que la situation de migrants climatiques constitue un défi majeur pour le droit international. Selon tous les organismes internationaux spécialisés dans les questions de migrations de populations, il y a beaucoup plus de « réfugiés climatiques » que de réfugiés politiques. Mais à ce jour, le statut juridique et la protection des droits de migrants victimes du climat demeurent encore incertains. Il n’existe aucun instrument juridique international qui protège spécifiquement les migrants climatiques, lorsque ceux-ci franchissent les frontières. Le droit positif actuel n’offre pas des solutions appropriées et adéquates à la protection juridique des populations victimes climatiques. En effet, les mécanismes de protection internationale des droits de la personne ne garantissent pas adéquatement les droits des victimes du climat, que ce soit à travers le concept de réfugié ou même dans les instruments généraux de protection des droits de la personne.

Deux obstacles juridiques majeurs peuvent expliquer cette situation qui prive les migrants climatiques de la jouissance de leurs droits. Premièrement, le droit international étant basé sur le principe de souveraineté des États, seuls ces derniers ont le pouvoir de déterminer la pertinence d’une demande et d’accorder le droit d’asile. En définitive, le respect des résolutions des Nations unies, à ce propos, est souvent soumis au bon vouloir de gouvernements concernés dans la détermination de qui peut entrer sur leur territoire et sous quelles conditions.

Deuxièmement, la demande d’asile est définie en se référant à la définition de la notion de réfugié figurant dans la convention relative au statut des réfugiés, dite convention de Genève, adoptée le 28 juillet 1951, qui est l’instrument par excellence qui régule le droit international en matière d’asile. Or, il existe une différence significative entre un réfugié politique et un migrant climatique.

La convention de Genève est basée sur une approche individuelle des droits de la personne et ne protège que les personnes qui se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité. De ce fait, le statut de réfugié ne s’applique qu’à des individus qui apportent la preuve d’une menace personnelle de persécution. Alors que les migrations climatiques sont et seront vraisemblablement collectives – exodes massifs de populations craignant pour leur vie et fuyant pour les mêmes raisons.

Il est donc clair que la convention de Genève souffre d’importantes limites pour répondre aux nouvelles migrations internationales causées par les changements climatiques, dans la mesure où il serait difficile, par exemple, de demander à un migrant climatique de justifier le caractère personnel d’une menace telle que la montée du niveau de la mer.

Les « réfugiés climatiques » devraient être considérés au même titre que les réfugiés politiques. Le manque d’une convention internationale spécifique qui reconnaisse légalement la particularité de migrants climatiques, entraîne des conséquences néfastes en termes de droits, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. Il revient donc à la communauté internationale de se préoccuper sérieusement du sort de migrants climatiques et de garantir leurs droits fondamentaux, en adoptant une convention internationale qui accorde légalement un statut juridique aux migrants climatiques, comme c’est le cas actuellement avec les réfugiés politiques.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue

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