Comment j’ai raté mon crime


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African psycho d'Alain Mabanckou
African psycho d'Alain Mabanckou

African Psycho ou l’itinéraire d’un criminel raté. Le Congolais Alain Mabanckou livre une version débridée et bourrée d’humour du terrible American psycho qui baignait dans l’hémoglobine. Avec Mabanckou, on baigne plutôt dans l’ironie. Pour passer un été meurtrier…mais pas trop.

Assassinats ratés, attaques minables, vols de vieillards invalides, viols lamentables… Grégoire Nakobomayo, carrossier de son état, est à la recherche du crime parfait et c’est tous les jours une partie de déplaisir. Difficile d’être un tueur comme il faut. Lui, qui rêve depuis son jeune âge d’être le boucher de ces dames, le roi du meurtre avec délectation, n’arrive qu’à être un piteux délinquant de bas-étage. L’anti-héros d’Alain Mabanckou est orphelin de naissance, enfant « ramassé », peu gâté par Dame nature (avec sa « tête en forme de brique rectangulaire »), qui aurait aimé être le digne fils d’Angoualima, le plus célèbre serial killer du pays, dont les méfaits sont connus jusque dans le pays d’en-face…

« L’éducation éclectique dans les familles d’accueil et celle que j’ai reçue dans la rue ont façonné en moi une culture qui ressemble un peu à de la mayonnaise mal tournée », explique l’intéressé. Qui insiste : « J’ai toujours eu l’impression que mes grosses mains étaient faites pour tuer, pour couper le souffle aux individus dont la tête ne me revenait pas, ceux dont j’enviais la position sociale, et surtout ceux qui, selon moi, souillaient par leurs agissements la tranquillité, la quiétude de mon petit coin natal. »

Celui qui boit de l’eau est un idiot

Le petit coin natal en question, c’est le quartier Celui-qui-boit-de-l’eau-est-un-idiot, ensemble harmonieux de taudis nauséabonds. Grégoire y écume les bars, au choix le Buvez, ceci est mon sang, le Boire fait bander ou le Verre cassé-Verre remboursé, en écoutant le groupe le plus populaire du coin, les Frères C’est-toujours-les-mêmes-qui-bouffent-dans-ce-pays-de-merde. Il rode dans la rue Cent-francs-seulement « avec ses masures en planches et ses montagnes d’immondices au bord des parcelles ». « En fait, la rue principale portait jadis le nom de Six-cents-francs-au-moins avant que les filles venues du pays d’en face l’envahissent et fassent chuter le prix de l’éjaculation payante en le ramenant, que Dieu m’en garde, à cent francs seulement au lieu de six cents francs au moins ! » Voilà donc les pécheresses auxquelles Greg le tortionnaire aimerait trancher le cou grassouillet. Malheureusement dans cette quête du mal, il n’arrive à faire qu’une véritable victime : lui-même…

L’African psycho de l’écrivain congolais Alain Mabanckou est une réussite. Fable férocement drôle, cet itinéraire d’un criminel raté est matière à ironie sur le système politique du pays natal de l’auteur (Congo-Brazzaville) et les moeurs de ses habitants. C’est aussi une parodie de genre dépaysante et rafraîchissante. Ainsi, rassurez-vous, le livre n’a rien à voir avec l’écriture sanglante d’American Psycho, le roman de Brest Eston Ellis qui fit frémir l’Amérique des années 90 en relatant dans le détail les meurtres d’un yuppie décérébré. Alain Mabanckou a ici remplacé la cruauté par le ridicule et l’hémoglobine par l’humour.

African psycho d’Alain Mabanckou.

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