Comment faire face à l’urbanisation galopante en Afrique ?


Lecture 4 min.
arton14645

Répondre aux défis de l’urbanisation en s’appuyant sur la tradition. C’est l’une des solutions proposées aux gouvernements locaux africains réunis cette semaine, à Abuja, la capitale du Nigeria, dans le cadre de la première assemblée de l’association Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique.

Notre envoyée spéciale à Abuja

Les villes africaines doivent juguler une urbanisation galopante. « Ces cinquante dernière années, le continent africain a connu le plus rapide taux d’urbanisation au monde (…), soit 4,58% par an», a affirmé le professeur Akin Mabogunje, à Abuja, lors de la première assemblée de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA) qui s’est achevée ce samedi. «La population africaine dans les zones urbaines, qui avoisinait les 300 millions en 2000, dépassera les 748 millions d’ici 2030». Dix huit des trente trois membres fondateurs du CGLUA, organisation née en 2005, se sont réunis dans la capitale fédérale nigériane autour des défis liés à l’urbanisation.

Insécurité et construction anarchique

L’afflux massif de personnes dans les communes urbaines et limitrophes génère bien des difficultés. A Nyakabiga, l’une des 13 communes de la ville de Bujumbura, la capitale du Burundi, l’urbanisation est source d’insécurité selon son administrateur et trésorier de l’Association burundaise des élus locaux (Abelo), Richard Nimubona. « De nombreux jeunes arrivent et ne trouvent pas de travail. Ils s’improvisent alors taxis-motos, et surtout taxi-vélos sans aucune expérience en matière de conduite. Ce qui provoque de nombreux accidents. Des accidents qui ne sont couverts par aucune assurance ». Autre source d’insécurité dans une localité qui compte
30 000 âmes : le banditisme. « Livrés à eux-mêmes toute la journée ou réunis autour d’un jeu de dames, les jeunes commettent de petits larcins le soir pour s’occuper. Ils volent les vêtements suspendus dans les maisons, des casseroles… » Dans la commune rurale de Mutimbuzi, son collègue Jean Samandari, premier vice-président de l’Abelo, est lui confronté au développement de constructions anarchiques.

A Mutimbuzi, commune de 55 000 habitants située aux portes de la capitale, les décideurs locaux ont trouvé néanmoins des solutions pour gérer l’installation aléatoire des nouveaux arrivants. «Nous réalisons des plans de viabilisation sommaire : tracé de parcelles, délimitation des espaces dédiés aux infrastructures sociales». « La villagisation » répond également à ce souci d’organiser la naissance de nouveaux quartiers. «Ce processus nous permet de réunir les gens, souvent originaires d’une même région, et de les doter d’infrastructures de base. L’approvisionnement en eau, en électricité, en soins de santé peuvent être assurés plus facilement quand chacun n’est pas sur sa colline ».

S’inspirer de l’organisation des anciennes cités urbaines en Afrique

Regrouper les gens en communauté pour mieux les impliquer dans le développement local. Cette organisation est aussi celle préconisée par le professeur Akin Mabogunje aux villes africaines pour mieux gérer leur urbanisation croissante. « C’est seulement quand les gouvernements locaux rendent leurs cités totalement « inclusives » qu’ils peuvent faire face à leur rapide urbanisation», estime le Pr. Mabogunje. Cette gestion a a été celle des centres urbains africains avant la période coloniale. « L’administration de la cité est aux mains d’un chef traditionnel». Ce dernier délègue son pouvoir aux responsables des petites unités administratives de sa ville. « Ces chefs de quartier s’assurent que les décisions prises au sommet soient communiquées à chaque famille de chacun des quartiers de la ville », explique le professeur. Ils font également remonter l’information. Résultat : les gens se sentent impliqués dans la vie de la localité. Les populations migrantes en lien avec la ville sont, elles aussi, invitées à s’organiser en quartier. Le responsable d’un quartier d’immigrés est ainsi responsable de la conduite de ses administrés et défend leurs intérêts au sein du conseil dirigé par le chef traditionnel. Cette organisation participative de la ville permet au chef traditionnel de maîtriser son expansion.

Dans l’histoire contemporaine, les migrants continuent de s’organiser en communauté. En invitant leurs leaders au processus de décision dans leur localité d’accueil, les gouvernements locaux se donnent l’opportunité de connaître leurs besoins et d’y répondre de concert avec eux. Les nouveaux citadins ne demandent pas mieux, selon Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général du CGLUA. «Il faut leur donner la capacité de se prendre en charge en termes de parole et de projets ». Le dynamisme de ces populations facilite cette collaboration. «Ce sont des gens qui veulent réussir. De problème, ils peuvent devenir solution.» Aux collectivités locales africaines de trouver désormais la bonne combinaison pour résoudre les nouvelles problématiques de l’urbanisation.

 Le site du CGLUA

Lire aussi:

 Collectivités africaines : le mouvement unitaire se fissure-t-il ?

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News