Centrafrique : la ville de Birao désertée par ses habitants


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Important carrefour commercial avant le déclenchement de la rébellion dans le nord-ouest de la République centrafricaine (RCA), Birao est aujourd’hui une ville quasi-déserte.

Pour échapper aux combats opposant les forces armées centrafricaines aux rebelles, les milliers de civils qui avaient dû fuir la ville sont actuellement trop inquiets pour revenir chez eux.

Plus de 600 maisons ont été incendiées au cours des combats de début mars, a déploré une autorité locale. « Toutes ces maisons ont été incendiées par les rebelles pendant leur retraite », a indiqué le préfet de la ville, le colonel Mathieu Mobiliawa.

Aujourd’hui, les rebelles de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) exigent l’ouverture de négociations avec le gouvernement au sujet du partage du pouvoir en RCA.

En novembre 2006, la rébellion s’était emparée de cinq villes : Birao, la capitale de la région, Sam-Ouandja, Ouanda-Djalle, Ouadda et Ndele. En décembre, avec l’appui des troupes françaises, l’armée centrafricaine avait repris le contrôle de ces villes, mais les affrontements entre les éléments de l’UFDR et les forces armées centrafricaines s’étaient poursuivis par la suite dans la région.

Mardi, Damane Zakaria, un leader de la rébellion, a démenti les affirmations selon lesquelles ses combattants étaient responsables des incendies des maisons. Ce sont les troupes régulières et l’armée française qui ont détruit la ville de Birao, a précisé M. Zakaria qui s’exprimait depuis une localité proche de Tiringulu.

Le chef rebelle a par ailleurs appelé la communauté internationale à dépêcher une mission d’enquête sur le terrain pour tenter d’identifier les auteurs des attaques.

D’après la mission des Nations Unies qui s’est rendue dans la ville, 95 pour cent des habitants de Birao ont fui les combats.« Jamais auparavant les Nations Unies n’ont visité une ville où près de 70 pour cent des maisons ont été incendiées », a déploré Toby Lanzer, le coordonnateur humanitaire en RCA, qui a fait part de sa consternation face à ce désastre. « Dire que cela aura un grand impact sur la vie des populations n’est pas exagéré ».

Avant les combats du mois de mars, Birao comptait 14 000 habitants. Aujourd’hui, il n’y en aurait plus que 600 dans cette ville limitrophe de l’Ouest Darfour, au Soudan, et ceux qui ont fui les violences se cacheraient dans la brousse.

« Outre l’incendie des maisons, qui rend quasi-impossible le retour des populations avant le début de la saison des pluies, en mai, l’équipe des Nations Unies a également constaté que les écoles et les hôpitaux de la ville avaient été détruits ou saccagés pendant les combats », a indiqué le rapport de la mission des Nations Unies.

Les populations ont besoin d’une aide humanitaire

Selon les autorités locales, la situation à Birao est « dramatique ». Une infirmière restée dans la ville dévastée a rejeté la responsabilité des violences sur toutes les parties impliquées dans le conflit.

« Les rebelles et l’armée nationale tiraient dans tous les sens et la plupart de leurs roquettes ont mis le feu aux maisons », a déploré Delphine Zanaba. « Les obus des avions de chasse de l’armée française ont également contribué à la destruction de la ville et de certaines habitations ».

En fuyant la ville, les habitants ont laissé derrière eux une situation humanitaire déplorable. L’hôpital principal de la ville est fermé et la majorité du personnel médical est partie. En outre, pendant les combats, les rebelles ont pillé les dépôts de médicaments.

Lors du dernier recensement réalisé en 2004, la ville de Birao comptait 22 000 habitants. Au plus fort de la crise, l’année dernière, des milliers d’habitants avaient fui la ville et s’étaient dirigés principalement vers Am-Dafock, une localité située à la frontière entre la RCA et le Soudan.

Selon Mme Zanaba, de nombreuses personnes déplacées vivent actuellement dans la brousse et sont privées d’abris, de nourriture convenable, d’eau potable et de soins médicaux.

L’organisation internationale Médecins sans frontières, qui avait suspendu ses activités après les combats du mois de mars, est retournée cette semaine à Birao.

A New York, Sir John Holmes, le coordonnateur de l’aide d’urgence des Nations Unies qui doit bientôt entreprendre un voyage dans la région s’est dit inquiet. « Ces nouvelles alarmantes soulignent l’importance de ma mission dont l’objectif est de mettre en exergue la situation dramatique qui prévaut dans le nord de la République centrafricaine et les difficultés que nous avons à y apporter une réponse appropriée en raison de l’absence de financement et d’acteurs humanitaires sur le terrain », a-t-il dit.

Selon les Nations Unies, le nombre de déplacés internes enregistré dans plusieurs régions de la RCA a triplé en 2006. Actuellement, on dénombre quelque 280 000 déplacés, dont 20 000 réfugiés au Cameroun, 50 000 au Tchad et près de 212 000 déplacés en RCA. Au total, un million de personnes, soit le quart de la population du pays, ont été affectées par l’insécurité générale qui règne dans le nord du pays.

En février, les habitants de la région ont accusé les rebelles de l’UFDR d’attiser les tensions ethniques qui ont conduit aux affrontements entre les Goula et les Youlou. Cette insécurité a également désorganisé le système scolaire et la production agricole et conduit à de nombreux viols.

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