Business autour du Covid-19 en Afrique : les secteurs qui ne souffrent pas de la crise


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Alors que les cours mondiaux s’effondrent dans les plus grandes Bourses du monde et que les organisations internationales alertent sur le recul de l’économie mondiale, en Afrique, c’est un tout autre vent qui souffle. Ils sont nombreux, dans les marchés et les boutiques de quartier, à profiter de la menace que pose le Covid-19 pour accroître leurs revenus en faisant de la surenchère.

Si les commerçants profitent de la frénésie d’achat de denrées de première nécessité pour doubler les prix, certains se sont reconvertis à des activités bien plus lucratives. 

Le business des masques

Alors que quelques cas sont disséminés sur le continent, le nombre de malades a subitement flambé, faisant planer une crainte profonde de la contamination. Comme en Europe, les consommateurs africains ont été pris de panique face à la propagation du Covid-19 sur le continent. Inquiets, ils ont été nombreux à se ruer sur les masques, les gants et les gels hydroalcooliques dans les pharmacies.

Du simple au double dans les pharmacies de Cotonou

En quelques jours, leurs prix ont flambé. À Cotonou, la capitale économique du Bénin, plusieurs hausses de prix successives ont été enregistrées dès le 18 mars et se sont poursuivies jusqu’au 19 mars 2020. D’une pharmacie à l’autre, les prix étaient plus ou moins élevés, passant de 1 200 à 2 000 francs CFA pour le flacon de 70 ml et de 5 900 à 8 900 francs CFA le gel de 1 L.

En ce qui concerne les masques, vendus initialement entre 350 et 600 francs CFA selon le modèle, il fallait se munir de 1000 voire 2000 francs CFA pour s’en offrir un. Certaines pharmacies ont expliqué cette hausse brutale du prix DE vente par la flambée des prix à l’achat. Pourtant, le phénomène s’est principalement concentré dans la capitale économique (Cotonou), et dans celle politique (Porto-Novo). Par rapport aux prix proposés par les pharmacies des villes périphériques, l’écart reste tout de même considérable.

Le 20 mars, seulement deux jours après le début de la spéculation, une forte pénurie a été enregistrée. Sur une dizaine de pharmacies parcourues, il n’y en avait que quatre qui disposaient encore d’un stock de ces produits. Une situation qui a perduré au cours des jours suivants.

Des sanctions contre les pharmaciens

Ces scènes se sont répétées dans toutes les grandes capitales africaines. Au Cameroun, la Chloroquine (dont l’efficacité n’est pas prouvée dans ce cadre, ndlr) a également vu son prix à la vente flamber, en plus des produits de protection contre le Covid-19. Le ministre de Santé est monté au créneau pour rappeler à l’ordre les pharmaciens à propos de la surfacturation. Des contraventions sévères menacent les établissements qui pratiquent la surenchère.

Au Nigeria, c’est la commission de protection des consommateurs qui a dénoncé cette hausse déraisonnable des produits d’hygiène qu’elle juge « arbitraire » et contraire « aux codes moraux et à la loi en vigueur ».

Le Covid-19 crée des vocations

« Avant, je vendais du dentifrice et je gagnais 10 000 ariarys par jour (2,50 euros). Maintenant que je vends des masques, je rentre chez moi avec 30.000 ariarys chaque nuit (7,50 euros). »

Avec la hausse des prix des produits de protection dans les pharmacies, une filière informelle est née. Dans les marchés, dans les rues et les boutiques de quartier, il est possible de s’offrir une paire de gants à moindre coût.

A Madagascar, plusieurs commerçants et vendeurs se sont reconvertis pour tirer parti de la ruée vers les gants et les masques. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela leur réussit bien. Tsiry Salesman, un commerçant malgache, a déclaré : « Avant, je vendais du dentifrice et je gagnais 10 000 ariarys par jour (2,50 euros). Maintenant que je vends des masques, je rentre chez moi avec 30.000 ariarys chaque nuit (7,50 euros). »

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Le commerce de denrées alimentaires est le deuxième à avoir été impacté par la crise sanitaire mondiale actuelle. Après la ruée vers les masques, les gants et les gels hydroalcooliques, les populations africaines se sont précipitées vers les denrées de première nécessité.

Les prix des denrées de première nécessité en hausse sur les marchés africains

À Douala comme à Antananarivo, en passant par Kigali, le business autour des aliments ne s’est jamais aussi bien porté que maintenant. En cause, la multiplication des mesures de confinement ou d’isolement prises par les gouvernements africains, ainsi que la fermeture des frontières.

Les céréales, notamment le maïs, le riz, le sorgho, le blé et le millet, ont augmenté de prix alors qu’ils font partie de l’alimentation de base de milliards d’Africains. On estime à 130% la hausse du prix du blé, à 90% celle du riz et à 30% celle du maïs. D’autres produits ont également progressé avec 58% pour le lait et 97% pour l’huile végétale.

À Douala, malgré les mesures prises par le ministère du Commerce pour réguler les prix, les commerçants persistent et font grimper les prix. Le sac de riz est passé de 20 000 à 23 000 francs. Pour acheter un sac de citron, vendu autrefois à 50 ou 60 000 francs, il faut désormais débourser 150 000 francs.

Interrogé par l’AFP, un commerçant rwandais a affirmé : « C’est comme si les gens se préparaient pour une guerre », totalement médusé par le nombre de clients venus acheter du riz, du sucre, de l’huile ou de la farine dans un marché de la capitale rwandaise. Sur place, le sac de riz de 25 kg d’origine taïwanaise est passé de 27 000 à 30 000 francs rwandais et le riz pakistanais, de 22 000 à 39 000 francs.

Les institutions nationales montent au créneau

Pour limiter la flambée des prix, le ministre rwandais du Commerce a annoncé des mesures qui fixaient le prix des 17 produits de première nécessité tels que le riz, l’huile et le lait. Des sanctions pourraient frapper les commerçants qui franchiraient les prix fixés.

Au Cameroun, le ministère du Commerce a dû intervenir, avec le concours de sa brigade nationale des contrôles et de la répression. Un point régulier du niveau des prix est effectué par les troupes de la brigade. Les menaces vont d’amendes sévères à des peines d’emprisonnement à l’encontre des commerçants.

Le business de la pharmacopée africaine

Alors que les meilleurs scientifiques du monde s’affairent dans leur laboratoire pour trouver le vaccin contre le Covid-19, en Afrique, les regards sont tournés vers la pharmacopée.

Andry Rajoelina, le chef de l’État malgache, a appelé les chercheurs malgaches à révéler leur génie : « C’est vraiment le moment pour les chercheurs malgaches de montrer leur savoir-faire. De plus, nous voyons ces plantes médicinales à Madagascar, qui peuvent être utilisées pour arrêter la pandémie ».

Pour les herboristes tunisiens, la pandémie semble être une bonne affaire. Alors que le pays enregistre 455 cas positifs pour 12 décès, les Tunisiens se précipitent vers les plantes médicinales et l’ail est de plus en plus prisé. Réputé pour ses vertus thérapeutiques, antimicrobiennes et antiseptiques, il est présenté comme une solution préventive au Coronavirus.

Laloa Rosaanirina, vendeuse malgache, explique que pour le traitement de la grippe et de la fièvre, le gingembre et le citron sont utilisés. Ils sont associés à du miel pour faire du thé pour, dit-elle, « réchauffer l’intérieur et apporter de la vitamine C ».

Plusieurs spécialistes préviennent, cependant, contre ces remèdes. Selon le Dr Charlotte Ndiaye, représentante de l’OMS à Madagascar, l’organisation ne détiendrait pas encore d’information sur l’efficacité des produits issus de la pharmacopée dans le traitement du Covid-19.

La prudence reste donc de mise, même si une contribution active ajoutait une pierre à l’édifice dans la lutte contre la maladie. À l’heure actuelle, un essai clinique est réalisé par des chercheurs burkinabés sur l’efficacité de l’Aprivine, un traitement antiviral à base de plantes mis au point par le chercheur béninois Valentin Agon.

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