Botswana : les Bushmen peuvent retrouver leur terre


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Bushmen

La haute cour de Gaborone a décidé, mercredi, à Lobatse, que les Bushmen avaient été illégalement expulsés de la réserve naturelle du Kalahari Central. Les plaignants, déplacés dans des campements en 2002, estimaient notamment que leur éviction était liée à la présence de diamants sur leurs terres. Le gouvernement n’a pas encore réagi au jugement, mais dispose de six semaines pour faire appel.

Les Bushmen ont gagné. La haute cour de Gaborone a jugé, mercredi, à Lobatse, qu’ils avaient été illégalement expulsés de la réserve naturelle du Kalahari Central (CKGR) en 2002. « Avant le 31 janvier 2002, les plaignants étaient en possession des terres qu’ils occupaient légalement dans la CKGR. (…) Les plaignants ont été privés de ces possessions par force, à tort et sans leur consentement », a tranché Maruping Dibotelo, président de l’instance judiciaire.

Six semaines pour faire appel

Les Bushmen, terme générique utilisé pour parler des tribus Gana, Gwi, Tsila et Bakgalagadi, se félicitent de cette victoire. « Aujourd’hui est le plus beau jour de notre vie. Nous souffrons depuis si longtemps mais aujourd’hui nous pleurons de joie. Nous avons enfin retrouvé la liberté. Les expulsions ont été très dures pour mon peuple. J’espère que nous allons maintenant pouvoir retourner sur notre territoire », a déclaré Roy Sesana, le porte-parole des Bushmen.

Ils estiment toutefois que la décision n’est pas complètement satisfaisante. Le tribunal a en effet estimé que le gouvernement n’avait pas agi de façon « illégale ou anticonstitutionnelle » en mettant fin aux services de base, comme l’accès à l’eau et à la nourriture. Le gouvernement n’a pas encore réagi au verdict de la cour, mais il dispose de six semaines pour faire appel. Une décision qui prolongerait l’une des sagas judiciaires les plus longues et coûteuses de l’histoire du pays.

L’Etat pourrait bien choisir cette option. L’un des juges de Lobatse, Unity Dow, a considéré que les Bushmen constituaient « un groupe ethnique qui a été historiquement traité avec mépris » et que les autorités auraient dû prendre en compte « leur relation spéciale avec leur terre ». Une relation spéciale que ne reconnaît pas le gouvernement. Il soutient que les Bushmen ont notamment été expulsés parce qu’ils ne vivaient plus de façon ancestrale et dégradaient l’environnement.

Les diamants, le nerf de la guerre ?

Faux, selon les Bushmen. Ils reprochaient au gouvernement de vouloir prendre leur territoire, qui « se situe au milieu de la plus riche région du monde qui produit des diamants ». Mardi, ils avaient d’ailleurs lancé le Boycottdebeers.com, un site militant qui appelait au boycott de la puissante compagnie diamantaire sud-africaine De Beers, accusée de cautionner la politique gouvernementale d’expulsion dont ils sont victimes.

Des allégations que les la société diamantaire et Gaborone ont toujours démenti. « Les gisements riches en diamants n’est pas un facteur [d’expulsion], parce que le gisement à l’intérieur de la réserve n’est en fait pas viable », a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires Etrangères, Clifford Maribe, d’après les propos rapportés par la BBC.

Or, les autorités botswanaises, qui possèdent 15% de De Beers, avaient fait savoir qu’elles avaient délimité une « petite zone » pour l’exploitation minière diamantifère, mais au final 10% de la réserve naturelle du Kalahari pourraient être concernés, rapporte Survival, une organisation internationale de défense des droits des peuples indigènes.

Quant au géant sud-africain, qui détient la moitié de la joint venture de diamants semi-botswanaise Debswana, il nie fermement l’existence des pierres précieuses dans la zone. Il juge en conséquence « inutile » et « non ingénieux » la campagne de boycott, soutenue par les top models Iman, Lily Cole, Erin O’Connor, qui avaient représenté le groupe, et l’actrice britannique oscarisée Julie Christie.

Les diamants de De Beers = la destruction des Bushmen

« Il y a un boycott contre une mine de diamants qui n’existe même pas, a expliqué Tom Tweedy, porte-parole de De Beers, au quotidien sud-africain Mail and Guardian. Il n’y a aucune mine de diamants dans cette région et même s’il y en avait eu, De Beers serait le dernier à déplacer les gens. Les ONG savent très bien que nous n’avons rien à voir avec le déplacement [des Bushmen]. ».

Reste que pour les Bushmen, il est évident que les diamants en voie d’exploitation sont des « blood diamonds » (des diamants du sang), une expression qui renvoie aux diamants ayant financé des guerres sanglantes en Angola, en Sierra Leone, au Liberia ou en République Démocratique du Congo. Sur la page d’accueil du site, il est d’ailleurs écrit en rouge : « Les diamants de la guerre de De Beers = la destruction des Bushmen ».

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Droit photo : Survival

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