Blaise Compaoré en fâcheuse posture


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Le Burkina Faso émerge ce dimanche de sa première nuit de couvre-feu. La veille, les commerçants ont violemment manifesté contre les exactions des militaires à Ouagadougou, la capitale du pays. Vendredi, le président Blaise Compaoré a dissout son gouvernement et nommé un nouveau chef d’Etat-major. En trois jours, les incidents ont fait 45 blessés par balle, de nombreuses dégradations matérielles et « quelques cas de viols » ont été signalés par une source hospitalière.

De notre correspondant

La crise empire au Burkina Faso. Excédés d’être les victimes expiatoires des militaires qui ont pillé leurs commerces dans la nuit de vendredi à samedi, des commerçants de Ouagadougou, pour se faire entendre, ont tenté samedi de marcher sur le siège de l’état-major de l’armée. Repoussés par des tirs de sommation, ils ont alors déversé leur colère dans les artères du centre-ville, saccageant sur leur passage les panneaux publicitaires et brûlant des pneus. Mais la furie incendiaire des commerçants écœurés à surtout eu pour cible les sièges du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, parti au pouvoir), ainsi que celui de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap/BC), une organisation de soutien au Président burkinabè. Les commerçants révoltés ont également dévasté le gouvernorat de la région du Centre, l’Assemblée nationale et à la mairie de Ouagadougou.

Le même jour, dans un communiqué radiodiffusé, les services du ministère de la Sécurité ont décrété un couvre-feu allant de 19h à 6h du matin à Ouagadougou, et ce avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre. Cette restriction des libertés des habitants de la capitale burkinabè intervient, juste le lendemain de la dissolution du gouvernement et du limogeage de deux gradés de l’armée burkinabè.

Le Burkina Faso n’a plus de gouvernement

La veille, vendredi 15 avril, en réaction à la mutinerie d’une partie de sa garde rapprochée, Blaise Compaoré a décrété la dissolution du gouvernement dirigé par Tertius Zongo, constitué il y a tout juste trois mois. Le président burkinabè a donné également un coup de balaie dans l’armée où, deux premières têtes sont tombées. Celles du Chef d’Etat-major général, le Général Dominique Djendjéré, et du chef du corps du Régiment de Sécurité Présidentielle, le Colonel Omer Bationo, qui ont été limogés vendredi. Pour les remplacer, Blaise Compaoré a respectivement fait appel au Colonel-Major Honoré Nabéré Traoré et au Colonel Boureima Kéré, deux officiers supérieurs réputés lui être fidèles, pour avoir été tous deux ses aides de camp.

Le capitaine Compaoré tient ferme la barre

Par ces décisions, Blaise Compaoré tient à montrer sa maîtrise de la situation. Alors qu’il a été contraint de passer la nuit de jeudi à vendredi, à Ziniaré, dans son village natal, le Chef de l’Etat burkinabè, a regagné ses bureaux au palais de Kosyam dès vendredi matin. Il y a reçu en audiences des personnalités étrangères et surtout veillé au paiement diligent des indemnités des mutinés de sa propre garde.

Cependant, la nuit du vendredi à samedi n’a pas été calme du tout à Ouagadougou. Si les mutinés de la garde présidentielle ont regagné leurs casernes, ceux des camps Guillaume Ouédraogo et Sangoulé Lamizana, ont continué leur razzia nocturne. « J’ai croisé des pick-up chargés de matériels électroménagers, de vivres de toute sorte », a témoigné à Afrik.com, un habitant de la capitale burkinabè.

« Blaise dégage ! »

Rarement le pouvoir de Blaise Compaoré aura été tant contesté. S’il parvient au prix de mille compromissions à apaiser la colère des militaires, le front social, lui, reste une équation entière. Et la tendance à satisfaire automatiquement les revendications des militaires alors que celles des autres travailleurs piétinent depuis des années, a fait durcir le ton chez les syndicalistes. Pour la première fois, les pancartes portant le célèbre slogan DEGAGE, ont été exhibés à Ouagadougou la semaine dernière. Tout un symbole. « La profondeur de la crise actuelle montre que le pouvoir en place ne gouverne pas. On a passé le cap de la mal gouvernance, on est quasiment dans une non gouvernance. Il faut un changement radical. Il faut le départ du Chef de l’Etat», nous a confié Me Prosper Farama, un célèbre avocat burkinabè, proche des mouvements syndicaux et de l’opposition politique.

Mais, analysent certains observateurs, quoique secoué, le régime de Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 24 ans, ne vit pas encore ses derniers jours. Et selon des sources bien informées, le chef de l’Etat burkinabè, qui a entrepris des concertations tous azimuts, devrait annoncer très prochainement la composition de son nouveau gouvernement. Un gouvernement de crise.

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