Biens mal acquis : la fin d’un tabou ?


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La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a cassé ce mardi un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait considéré irrecevable la plainte de l’organisation Transparency International-France pour « recel de détournement de fonds publics ». Cette décision ouvre ainsi la voie à une action en justice contre les présidents du Gabon, feu Omar Bongo et son fils Ali, du Congo, Denis Sassou-Nguesso, et de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, ainsi que leurs proches. Un jugement historique qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour la France.

C’est une décision de justice ô combien politique. La Cour de cassation a autorisé mardi la justice française à enquêter sur les conditions d’acquisition en France du patrimoine de trois chefs d’Etat africains dans l’affaire dite des « biens mal acquis ». Elle a estimé que si les délits poursuivis étaient établis, ils « seraient de nature à causer à l’association Transparency Internationale France un préjudice direct et personnel en raison de la spécificité du but et de l’objet de sa mission ». La décision vise les présidents du Gabon, feu Omar Bongo et son fils Ali, du Congo, Denis Sassou-Nguesso, et de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, ainsi que leurs proches.

« Pour la première fois en France, l’action en justice d’une association de lutte contre la corruption au nom des intérêts qu’elle s’est donné pour objet de défendre est jugée recevable », a rapidement réagit l’ONG Transparency dans un communiqué. « Cette décision (…) devrait ainsi permettre à l’avenir de surmonter l’inertie du parquet dans certaines affaires politico-financières sensibles », a-t-elle ajouté.

La fin du pré-carré français ?

Depuis 2007, et le début de la procédure lancée par l’ONG Transparency international, toutes les tentatives d’ouverture d’actions judiciaires avaient été repoussées par la justice française. En mai 2009, le pôle financier de Paris avait autorisé l’ouverture d’une enquête, suite à une plainte déposée par l’ONG Transparency International, visant des faits supposés de « recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux, abus de confiance ». Mais l’enquête avait immédiatement été suspendue par un appel du parquet de Paris.

La question posée par les plaignants est simple et embarrassante : comment ces trois dirigeants ont-ils fait pour acquérir ces patrimoines, dignes de millionnaires (biens immobiliers en pagaille, voitures de luxe à foison…) sur le sol français, alors que leur salaire de fonction ne leur permet en aucune façon d’afficher un tel train de vie?

Mais pour l’Hexagone, les enjeux vont bien au delà. Avec cette décision de justice c’est toute sa prédominance et ses nombreux intérêts économiques dans ces trois pays qui pourraient être ébranlés. Les entreprises françaises (Total, BNP Paribas, Bolloré, Vivendi, Suez, Pinault-Printemps-La Redoute, etc.) sont en effet très actives dans ces pays producteurs de pétrole.

L’ex-puissance coloniale pourrait donc être le plus grand perdant dans cette affaire, si tant est que les actions en justice aillent à leur terme.

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