Basket : Aby Gaye, espoir qui revendique son appartenance à la France et au Sénégal


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Aby Gaye
Aby Gaye

Âgée aujourd’hui de 25 ans, Aby Gaye est une joueuse française de basket-ball, née le 3 février 1995 à Vitry-sur-Seine, qui a raté la Coupe du monde à cause d’une vilaine blessure. Ses parents étant originaires du Sénégal, notamment de Thiès, elle revendique son appartenance aux deux pays, en l’occurrence la France et le Sénégal, où elle a mené d’ailleurs une campagne de sensibilisation contre le phénomène de la dépigmentation.

Originaire du Sénégal, notamment de Thiès d’où sont issus ses parents, Aby Gaye est une basketteuse française professionnelle évoluant en première division française. Venue pour la première fois au Sénégal à l’âge de 3 ans, elle avait à l’époque déjà montré des signes d’une parfaite intégration dans le quartier de Keur Mame El Hadji de Thiès et d’une fierté pour la culture africaine et sénégalaise. C’est pourquoi d’ailleurs, elle revendique un héritage à la fois français et sénégalais, son appartenance à ces deux pays.

C’est d’ailleurs ce qui est à la base du camp de basket Térang’Aby qu’elle avait initié à Thiès en 2019, avec à la fois un aspect éducatif et une dimension sportive. Au-delà du sport, elle porte l’ambition de contribuer à l’éducation de la jeunesse du pays d’origine de ses parents. D’où l’organisation de ce camp 100% féminin, avec des filles âgées entre 12 et 17 ans et venant des différents clubs de la Cité du Rail. Il s’est agi de les rassembler en vue d’une sensibilisation sur la dépigmentation.

Elle disait à l’occasion de ce camp qu’au Sénégal, « beaucoup de femmes se dépigmentent la peau, ce qui résulte d’un manque de confiance et d’estime en soi. Il urge qu’elles savent qu’elles n’ont pas besoin de se dépigmenter, de se dénaturer pour réussir, pour être belles et fières d’elles ». Les jeunes filles se sont également entraînées tous les matins avec des coachs locaux, afin de leur apprendre les fondamentaux du basket-ball.

Les exercices sportifs étaient entrecoupés de séances de sensibilisation par des professionnels de la santé sur la dépigmentation et d’autres questions liées à la vie des jeunes filles. Ces séances d’entraînement étaient suivies, chaque soir, de matchs de basket. Cet agenda qui a été déroulé au Stadium Lat-Dior montre qu’au-delà de ses bonnes performances sur le terrain du sport, Aby Gaye est très attachée à ses racines.

Selon son père, Babacar Gaye, « dès l’âge de 13 ans, elle savait déjà ce qu’elle voulait, en termes de performances dans le basket-ball et elle a déployé toutes ses énergies pour atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés ». D’ailleurs, les résultats n’ont pas tardé à suivre car en 2013, elle a décroché la médaille d’argent du Championnat du monde avec l’équipe de France féminine des moins de 19 ans.

L’année suivante, c’est-à-dire en 2014, grâce à ses belles prestations avec Toulouse, elle obtient sa place dans la liste des 24 joueurs de l’équipe de France présélectionnée le 16 mai 2014. Et la même année, elle a remporté l’or devant l’Espagne avec l’équipe de France des U20. En 2017, elle décroche son premier titre de champion de France avec Villeneuve-d’Ascq et à l’époque Mame Marie Sy Diop de la sélection nationale du Sénégal était sa coéquipière dans l’équipe.

Aby Gaye a raté de peu la Coupe du monde de 2018, à cause d’une vilaine blessure à la cheville. En effet, même si elle était présélectionnée pour le camp de préparation qui devait se tenir à Tenerife en Espagne, elle n’a pu faire le déplacement, des suites d’une opération de la cheville. C’est parce que sa durée d’indisponibilité ne lui permettait pas de reprendre le basket avant plusieurs semaines.

Ainsi, Aby Gaye, prodige de l’équipe de France, a été contrainte de déclarer forfait pour la préparation des Bleues. Après le titre de championne de France avec Villeneuve-d’Ascq, elle a rejoint l’équipe de Tarbes où elle a passé deux saisons, avant d’atterrir, depuis 2019, à Basket Landes. Encore très jeune, Aby Gaye garde intactes toutes les chances de laisser éclore totalement ses talents de basketteuse et pourquoi pas, de hisser encore plus haut le flambeau de l’équipe féminine de France. Elle s’est prêtée aux questions d’AFRIK.COM.

Parlez-nous succinctement de votre enfance, de vos études

Je suis Aby Gaye. J’ai 25 ans. Je suis Sénégalaise par mes origines et j’ai grandi à Créteil, en région Parisienne. J’ai eu la chance de pratiquer divers sports avant de commencer le basketball, à l’âge de 12 ans. Mes parents tenaient à ce qu’on pratique une activité physique mais ils nous ont beaucoup poussés aussi à nous impliquer dans la vie civile. Une anecdote assez drôle est que j’ai été conseillère municipale, au sein d’un programme jeunesse de ma ville. Je n’avais que 10 ans à l’époque. Ça annonçait peut-être mon goût pour le droit et les études à science Po que je poursuis actuellement en parallèle de ma carrière pro.

Pouvez-vous revenir sur vos débuts dans le basket, l’itinéraire de votre formation dans cette discipline sportive

J’ai commencé le basket assez tardivement pour une joueuse professionnelle. Ce sport ne m’attirait pas particulièrement, au départ. On me parlait beaucoup du basket. Il faut dire qu’à 12 ans, je mesurais déjà 1m82… J’ai fini par céder aux petites sirènes intérieures en m’inscrivant dans le club de ma ville. Tout est allé assez vite ensuite. Le Pôle Espoir Île-de-France, 1 an plus tard. Le sport-études à Eaubonne puis l’INSEP où j’ai passé 3 ans. J’ai signé mon 1er contrat pro en 2013 avec le club de Toulouse. J’ai ensuite joué à Villeneuve d’Ascq, où j’ai remporté un titre de championne de France, avant de rejoindre Tarbes et enfin le Basket Landes, où j’évolue actuellement.

Quel est le facteur déterminant qui vous a poussé à pratiquer le basket?

Je dirai que ma taille y est pour beaucoup. Le destin aussi sans doute. J’ai un fort souvenir d’un retour de colonies de vacances à l’issue desquelles j’ai voulu à tout prix faire du basket. C’est peut-être là-bas que s’est produit le déclic.

Vous êtes partagée entre 2 pays, 2 cultures. Comment vivez-vous une telle situation ?

Je le vis très bien. Mes parents m’ont éduquée de façon à ce que je sois très imprégnée de ma culture sénégalaise. Jusqu’à l’âge de 15 ans, ce n’était pas une question que je me posais, ça allait de soi. Certes, je suis Française, mais je n’ai pas senti de contradiction au fait que je sois Sénégalaise également. Cette question de la double culture est arrivée plus tard au contact de la société adulte qui nous renvoie cela constamment. C’est une chose dont je suis extrêmement fière.

Comment jugez-vous vos performances et quels sont vos objectifs

Mes performances sont plutôt positives. J’évolue déjà depuis un certain temps au niveau professionnel. Je pense que je progresse d’année en année. L’équipe de France est l’un de mes objectifs. Évoluer dans de grands clubs étrangers l’est également. Je ne suis pas pressée non plus. J’essaie de vivre à fond toutes ces aventures humaines, en poussant mes aptitudes le plus haut possible.

Une blessure vous a privé d’une Coupe du monde. Comment préparez-vous les prochaines échéances ?

J’ai été opérée à la cheville, en 2018, suite à une vilaine blessure. Ça m’avait empêché à l’époque de défendre mes chances au mieux de mes capacités. De toute façon, l’équipe de France reste un graal. C’est une aventure à laquelle j’aspire chaque année mais qui n’est nullement garantie. J’essaie de progresser chaque année, dans tous les aspects du jeu, en espérant que cela porte ses fruits.

Quel est votre meilleur souvenir dans la pratique de ce sport ?

J’ai remporté pas mal de titres et de médailles en Équipes de France jeunes. Nous étions une génération dorée (94/95) et j’ai vécu de super moments avec ce groupe. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous évoluent en première division française et certaines à l’étranger. En tant que professionnelle, je dirai ma saison à Tarbes en 2017/2018, où nous finissons vice-championne de France avec un des plus petits budgets de la ligue. C’était aussi une très belle aventure.

La pandémie Coronavirus a dicté sa loi dans le monde entier, au point de bloquer tout le calendrier sportif. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Le sport, aussi important soit-il, passe au second plan dans de telles circonstances. Aujourd’hui, cette pandémie nous montre à quel point notre système de santé a pu être fragilisé au cours des dernières années. Le personnel soignant retrouve un peu, à nos yeux, la place qu’il aurait toujours dû occuper. Je souhaite d’ailleurs les remercier à nouveau pour leur engagement.

Quel message lancez-vous à l’endroit des populations du Sénégal, votre seconde patrie en ce qui concerne le Covid-19 ?

Je demande à tout le monde de bien se protéger, de respecter les consignes sanitaires et de rester solidaires aussi. Ce virus ne fait aucune différence. Il traverse les frontières et détruit des vies. J’espère de tout cœur que tout cela sera bientôt derrière nous. Que Dieu vous garde.

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